SOURCE - Paix Liturgique - Lettre n°605 - 7 août 2017
Jeudi 14 septembre 2017 s'ouvriront à Rome les cérémonies marquant le 10ème anniversaire de l'entrée en vigueur du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI (1). Pour préparer ce bel événement, nous publierons pendant ce mois d'août quelques-unes des homélies tenues au cours des précédentes éditions du pèlerinage « Populus Summorum Pontificum ».
Nous commençons cette semaine par l'homélie tenue le 3 novembre 2012 en la basilique Saint-Pierre par le cardinal Cañizares, alors Préfet du Culte divin et de la discipline des sacrements, à l'occasion du cinquième anniversaire du motu proprio. Quelques semaines avant que Benoît XVI ne renonce à l'exercice de son ministère pontifical, le cardinal Cañizares rappelait la portée universelle du texte du Saint-Père, gage d'unité et de paix.
DOCUMENT
Homélie de Son Éminence, le cardinal Antonio Cañizares Llovera, Préfet de la Congrégation pour le Culte divin, le samedi 3 novembre 2012, en la basilique Saint-Pierre de Rome
Chers frères et sœurs,
Nous célébrons l’Eucharistie, le sacrifice rédempteur du Christ, qui s’offre au Père sur la Croix, comme un sacrifice total pour les hommes. Au pied de la Croix se trouvait Marie, sa mère. Et c’est là qu’il l’a désignée comme notre mère. Jésus s’est donné tout entier à nous, jusqu'à nous donner sa mère.
Unis au cœur de MarieAu pied de la Croix du Fils, se trouvait la Vierge très sainte, Mère de l’Amour et Dame des Douleurs, parce que mère de Celui qui est l'Homme des douleurs. C’est au pied de la Croix de Notre Seigneur que se dévoile entièrement le mystère du Cœur immaculé de Marie et celui de la sagesse de Dieu qui l'enveloppe et l'habite, sagesse de l’amour qui se fait pleinement présente dans le Fils, qui nous a aimés jusqu'à l'extrême limite, comme dans le sacrifice de l’Eucharistie. La Vierge n'abandonne pas son Fils, Jésus, Fils de Dieu vivant, duquel elle est inséparable. Elle l'accompagne jusqu'au Calvaire, jusqu'au bois de la Croix, et le recueille dans ses bras à Sa descente de Croix, inanimé, avant Sa mise au tombeau.
En contemplant le Cœur immaculé, tout saint, de Marie, uni au Cœur sacré de Jésus, nous versons des larmes de douleur et lui soumettons nos prières confiantes avec l’amour sincère et la confiance des enfants. Le Cœur immaculé de Marie resplendit pour tous comme un signe de consolation et de ferme espérance, il est le reflet de l’insondable tendresse de Dieu. Elle nous a donné le Sauveur et nous communique toute sa joie dans son intercession maternelle pour nous porter à Lui. Il serait bon que, profitant de sa proximité avec nos souffrances, avec chacun de nous, ses enfants, nous puissions écouter la voix de son Fils qu’elle accompagne au pied de la Croix... son Fils, qui nous appelle à revenir à Dieu, à regarder Dieu, à nous convertir à Dieu dans une vie conforme à la foi chrétienne : une vie remplie de la charité de Dieu qui est l’unique vraie sagesse.
Le Cœur immaculé de Marie, Mère de piété, dans son amour et sa proximité totale à nos souffrances, nous invite à suivre son Fils, attirant près de lui tous ceux qui sont fatigués, oppressés par la vie, pour entrer dans la joie, la consolation, l’allégresse, l’espérance que Dieu nous a réservées. Le peuple fidèle et simple de ceux qui viennent aux pieds de Marie, vers son Cœur immaculé, exténués par le poids de la vie, écrasés par les péchés qui les affligent, rencontrent en Marie, dans son Cœur immaculé, le mystère du Christ et de son Sacré Cœur et, en définitive, l’amour de Dieu. C'est précisément là, dans la tendresse de Marie, à travers son Cœur sacré, ses douleurs et ses larmes, dans ses yeux miséricordieux, que nous découvrons l'amour infini de Dieu. Par Marie, chargés du fardeau de nos souffrances et nos péchés, nous entrevoyons l'amour du Père, le don de cet amour qui est le Christ qui nous a aimés sans limites, et la communication de cet amour à nos cœurs par l'Esprit Saint.
La Bienheureuse Vierge Marie au pied de la Croix, là où elle nous a été donnée pour Mère ; au pied de la Croix glorieuse où survient l'heure de Jésus, qui l'accomplit en pleine obéissance au Père, nous renvoie en quelque sorte au moment symbolique des Noces de Cana quand la demande de la Mère aux serviteurs anticipe l'heure du Fils : « Faites tout ce qu’Il vous dira ». Des paroles pleines d’amour, de consolation et d’espérance, pour nous aussi.
Ces paroles contiennent un message fondamental pour qui contemple le Cœur immaculé de Marie, un message d’importance vitale pour les hommes de tous les temps : « Faites tout ce qu’Il vous dira ». C'est ici que se trouve la véritable sagesse. Cela veut dire, simplement : « Écoutez Jésus, mon Fils, crucifié mais déjà sauvé par Sa Croix glorieuse. Écoutez Sa parole, la parole du silence de la Croix, où Dieu parle et se dit tout entier Lui-Même. Accueillez-Le, servez-Le, de la seule manière possible : en portant la Croix. Ayez confiance en Lui, en vérité et sans réserves, vous offrant à Lui comme Il s'est remis aux mains du Père, en complète obéissance, jusqu'à donner Sa vie par amour total, sans réticence aucune, en pleine volonté. Alors vous verrez comme tout est nouveau, vous comprendrez qu’avec Lui vient la joie, le 'vin nouveau' de l’amour, la victoire de l’amour sur la haine et la violence, le triomphe de la vie qui transforme la mort en vie et celui de la miséricorde qui remplit le cœur de l'homme et fait toute chose nouvelle. Par Lui, tout change, tout se renouvelle, se transforme et se transfigure. »
Dire "oui" au SeigneurNous avons besoin d'apprendre à dire oui au Seigneur. Un oui rempli de joie et de confiance. Le Cœur immaculé de Marie, centre de sa personne, de celle qui est pleine de grâces, la toute sainte, la Vierge immaculée, la servante fidèle du Seigneur, totalement soumise à la parole de Dieu, qui a vécu sa vie en toute ouverture à Dieu, en parfaite harmonie avec Sa volonté et en pleine soumission et obéissance à Celui qui a fait de « grandes choses » en elle et par elle. Tel est son Cœur immaculé. Toujours et à chaque instant, en particulier dans les moments plus difficiles, qui ont eu leur summum autour de la Croix, Marie a mis tout son cœur, toute sa vie dans les mains de Dieu, répétant toujours son oui par lequel est arrivé le salut des hommes : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. » À l'image de celle de son Fils, l'existence historique de Marie prend toute sa mesure entre le « Me voici, ô mon Dieu, pour faire Ta volonté » de Jésus au premier instant de l'Incarnation et le « que ce ne soit pas Ma volonté, mais la Tienne qui soit faite » car « entre Tes mains je remets Mon esprit » consommé sur la Croix.
« Faites tout ce qu’Il vous dira ». Cette courte phrase renferme tout le programme de vie que la Sainte Vierge, après l'avoir conservé et médité dans son Cœur immaculé, fit sien et accomplit comme première disciple du Seigneur et qu'elle nous enseigne aujourd'hui. Il s'agit d'un projet fondé sur la base solide et sûre qui s'appelle Jésus Christ. C'est le même fondement qu'aussi bien le Bienheureux Jean-Paul II que le pape Benoît XVI nous ont désigné comme programme pour ce nouveau millénaire. De fait, tous les deux, à l'heure de ce nouveau millénaire, ont repris à leur compte la question adressée à Pierre le jour de la Pentecôte : « Frères, que devons nous faire ? »
Cette demande, nous nous la faisons avec une espérance confiante tout en ne sous-estimant pas les problèmes actuels. La conviction ingénue qu'il existe une formule magique pour affronter les grands défis de notre temps ne nous satisfait pas. Non, ce ne sera pas une formule qui nous sauvera mais bien une personne, avec la certitude même que Jésus nous délivre : « Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde ». Il ne s'agit pas, non plus, d'inventer un nouveau programme.
Le programme existe déjà. C'est celui de toujours, contenu dans l'Évangile et la Tradition vivante. Il repose ni plus ni moins que sur le Christ Lui-Même, que nous devons connaître, aimer et imiter pour vivre en Lui la vie trinitaire et transformer, avec Lui, l'histoire, jusqu'à sa perfection en la Jérusalem céleste, de la même façon que le Cœur immaculé de Marie s'est uni à Lui. C'est un programme qui ne change pas avec le temps et les époques, même s'il tient compte du temps et des époques pour un dialogue authentique et une communication efficace. Il ne s'agit pas d'idées, de valeurs, mais d'une personne, Jésus Christ, et c'est la rencontre avec Lui, et ce qui s'ensuit, qui nous donne le salut. N'est-ce pas précisément ce programme que nous devons récupérer avec une volonté et une force renouvelées en cette Année de la Foi ?
Chers frères et sœurs, approchons-nous de la Vierge Marie comme des enfants et présentons-lui nos suppliques afin qu'elle nous porte à son Fils, Jésus. Très sainte Vierge Marie, Notre Mère et Notre Dame, Cœur immaculé de Marie, « montre nous le fruit de tes entrailles, Jésus », aide nous par ton intercession à aller jusqu'à Lui, avec ton aide et ta protection, pour Le rencontrer et « faire ce qu'Il nous dira ». Ainsi, suivant ton exemple de disciple fidèle et de servante du Seigneur, pourrons-nous goûter à cette étape de notre chemin, au « vin nouveau » qui annonce l'heure finale et remplit toute la réalité du bonheur de la présence de ton Fils, Notre Seigneur.
Nul n'est de trop dans l'ÉgliseNous célébrons le sacrifice eucharistique à l’heure de None, l’heure de la Croix, l’heure de Notre Seigneur. Rendons grâce à Dieu qui nous permet de célébrer le mémorial de la Passion, de la Mort et de la Résurrection, le mémorial du mystère pascal du Christ. Nous le célébrons dans la forme extraordinaire de l’unique rite romain, conformément au Motu Proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI. Nous célébrons aussi cette messe au jour où l’Église de Rome fait mémoire de sainte Sylvie, mère de saint Grégoire le Grand.
Nous tous qui participons à cette Sainte Messe, à ce sacrifice de communion et de louange de toute l’Église désirons que ce soit véritablement une action de grâces à Dieu pour toutes les œuvres du Saint-Père Benoît XVI, en particulier pour son Motu Proprio Summorum Pontificum qui est un don pour toute l’Église, mystère de communion, tradition vivante et pérenne reçue des siècles passés. Nous souhaitons que ce soit une réelle et vraie manifestation liturgique, dans l’esprit et le sens liturgiques proclamés par la constitutionSacrosanctum Concilium du Concile Vatican II, à l'occasion de l’Année de la Foi, dans l’amour de l’Église et dans la fidélité à la Chaire de Pierre. Que ce soit aussi un signe et un témoignage de solidarité et de soutien filial et affectueux des pèlerins ici rassemblés au Saint-Père, dans les circonstances difficiles qui sont celles d’aujourd’hui ; et l'expression d’une volonté de participation au mouvement et à l'élan évangélisateurs qu’il veut donner à toute l’Église, en lui offrant de nouveau la jeunesse de la liturgie traditionnelle qui a accompagné les Pères conciliaires pendant tout le déroulement du concile Vatican II et qui suscite aujourd’hui, plus que jamais, de nombreuses vocations sacerdotales, religieuses, prêtes à évangéliser.
Le geste que j’accomplis aujourd’hui veut montrer, une fois de plus, que nul n’est de trop dans l’Église, comme l’a dit le Pape lors de son voyage en France. La sainte liturgie se différencie des dévotions privées par le fait qu'elle est le culte public de l’Église, célébré dans la foi et la dignité, en observant les prescriptions des livres liturgiques. Cette Sainte Messe en forme extraordinaire, voulue par le Coetus Internationalis Summorum Pontificum, doit constituer un signe d’obéissance et de communion avec le Pape. Par cette communion affective et effective avec le Souverain Pontife et les évêques qui lui sont unis, nous sommes catholiques. Nous demandons instamment l’unité – qui vient d'« unus », être ensemble autour d'Un, Un et Trine – et la paix, synonyme de la communion – de « cum munera », mettre ensemble les charismes de chacun. Nous demandons que croisse la fraternité entre tous dans la charité du Christ.
Que la Sainte Vierge, Mère de l'Église, Bienheureuse parce qu'elle a cru, Étoile de l'évangélisation, nous aide, nous tous qui sommes nourris du don du pain de Vie et de la Parole de Dieu. Que le Cœur immaculée de Marie, pleinement uni au Fils immolé et écrasé sous nos péchés, inséparable de la Croix au pied de laquelle elle nous a été donnée pour Mère, nous montre ses entrailles de miséricorde, tout particulièrement à ceux qui sont opprimés de douleur et livrés à la souffrance et auxquels son Fils Jésus Christ s'identifie.
Avec le pontife romain nous confions à la Mère de Dieu ce moment de grâces. Elle nous conduira à son Fils duquel nous pouvons nous fier. Ce sera Lui qui nous aidera, y compris dans les moments difficiles, à découvrir le chemin de la foi et illuminera plus clairement notre joie et notre enthousiasme renouvelés par la rencontre avec le Christ. Ainsi soit-il.
(1) Cliquer ici pour découvrir le programme. La participation aux diffétentes cérémonies est libre, à l'exception du colloque du 14 septembre et du buffet du 16 septembre, réservé au clergé.