6 juillet 2011

[Jean-Marie Guénois - Le Figaro] Dialogue interreligieux pour la paix à Assise

SOURCE - Jean-Marie Guénois - Le Figaro - 6 juillet 2011

Benoît XVI priera avec d'autres religions pour la paix en récusant tout syncrétisme. Sa venue à Assise suscite déjà des critiques.

Comment lutter contre une «catastrophe spirituelle»? Comment parer un «événement qui fourvoie une multitude d'âmes»? Ces mots émanent de Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, second successeur de Mgr Marcel Lefebvre. Il n'a pas eu de paroles assez dures pour critiquer l'initiative, annoncée par Benoît XVI, de venir fêter, le 27 octobre prochain à Assise, le 25e anniversaire de la rencontre interreligieuse pour la paix, menée par Jean-Paul II en 1986. Et surtout de renouveler la même opération de prière avec les autres grandes religions.

«Dépasser les a priori»

Dans une lettre ouverte, datée du 1er mai dernier, Mgr Fellay a donc tiré à boulets rouges contre ce projet: «Le renouvellement d'Assise, même édulcoré, même modifié (…) rappellera inévitablement le premier Assise, qui fut scandaleux sous tant d'aspects (…) où l'on a pu voir côte à côte le vicaire du Christ et une multitude bariolée de païens invoquant leurs faux dieux et leurs idoles.»

Sans répondre directement à Mgr Fellay, le cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, a toutefois expliqué, dans un article publié par l'Osservatore Romano daté de mardi, en quoi l'anniversaire que Benoît XVI viendra fêter dans la ville de saint François, est loin d'être une catastrophe, vu de Rome. Et combien le dialogue avec les autres religions constitue un enjeu majeur.

Même si, de fait, cette notion est très mal comprise: «Le dialogue n'est pas une conversation entre responsables religieux ou croyants d'autres religions, précise le cardinal Tauran. Il ne s'agit pas non plus d'une tractation de type diplomatique; ce n'est pas le lieu d'un marchandage et encore moins de compromis. (…) Il ne cherche ni à souligner, ni à annuler les différences. Il ne vise pas à créer une religion globale, acceptée par tous (…) ; il ne concède rien à l'ambiguïté des concepts et des mots.»

Au contraire, ajoute celui qui fut le ministre des Affaires étrangères de Jean-Paul II pendant treize ans, l'enjeu de ce dialogue comme de la rencontre d'octobre, est de créer un «espace pour un témoignage réciproque entre croyants» et de «corriger des images erronées, et dépasser les a priori et les stéréotypes sur les personnes et les communautés». Pour celui que Benoît XVI a choisi, après la crise de Ratisbonne (où une phrase du Pape sur les musulmans avait créé une polémique mondiale) pour mener le dialogue avec toutes les religions non chrétiennes, dont l'islam, ce dialogue entend «connaître l'autre, tel qu'il est, parce qu'il a le droit d'être connu ainsi et non à partir de ce que l'on dit de lui, et encore moins tel qu'on voudrait qu'il fut».

Un état d'esprit difficile à faire admettre, y compris dans l'Église. Déjà, en avril dernier, le Vatican avait publié une note pour justifier la présence du Pape à cette prière d'Assise: «Chaque être humain est, au fond, un pèlerin en quête de la vérité et du bien. C'est pourquoi, l'homme religieux reste toujours en chemin vers Dieu. De là naît la possibilité ou mieux, la nécessité de parler et de dialoguer avec tous, croyants ou non-croyants, sans renoncer à sa propre identité ou céder à des formes de syncrétisme.» Le risque de syncrétisme, ce mélange des convictions religieuses, était précisément la critique et la réserve, - il ne s'était pas rendu à Assise il y a 25 ans - que le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, avait formulées à l'encontre de cette initiative de Jean-Paul II.