L’arrogance très feutrée d’un néo-gallicanisme |
25 septembre 2008 - Jean Madiran - Présent - mis en ligne par leforumcatholique.org |
Le Président de la Conférence épiscopale a confirmé ses propos antérieurs (Présent des 13 et 17 septembre) par de nouveaux propos semblables. Il est inévitable qu’il soit pris acte de cette insistance, si possible avec calme. Il s’agit cette fois de ses nouvelles déclarations sur la visite de Benoît XVI en France, dans le dernier numéro paru d’un magazine dénommé le Fig Mag (20 septembre). Selon les propos du Cardinal-président : 1. – Le Pape, en fait, est d’accord avec la Conférence épiscopale française. 2. – En droit, il ne lui serait pas convenable d‘être en désaccord avec elle. I. – En droit. « Le Pape, selon le Cardinal, n’est pas le patron d’une multinationale qui vient visiter une succursale. » Certes non, mais l’Eglise de Rome est mater et magistra omnium ecclesiarum, les églises diocésaines sont membres de l’Eglise de Rome, et l‘évêque de Rome a une « primauté de juridiction » et un pouvoir direct sur toutes les parties et tous les membres de l’Eglise. « Cela supposerait, dit encore le Cardinal, pour qu’il y ait divergence ou antagonisme, que la mission de l‘évêque de Rome soit d‘être l‘évêque des diocèses de France. » Justement : sa mission comporte bien d‘être l‘évêque des évêques. « Son discours aux évêques ne visait pas à prendre ses distances vis-à-vis de la Conférence épiscopale (…). Il n’est pas en désaccord avec nous. » Le Président mesure ainsi les choses exactement à l’envers : ce n’est pas le Pape qui peut se mettre en accord ou en désaccord avec la Conférence épiscopale ; c’est au contraire la Conférence épiscopale qui doit examiner si elle est en accord ou en désaccord avec le Pape. Le point de repère entre les deux, c’est le Pape, ce n’est pas la Conférence. L’insistance avec laquelle le cardinal Vingt-Trois s’exprime à contresens sur ce sujet ne peut plus être considérée comme une étourderie ou une balourdise accidentelle. Il y met, semble-t-il, ce qu’en langage canonique on appelle une « pertinacité », c’est-à-dire une coupable persistance au for externe. Le président Vingt-Trois n’est pas un Bossuet mais il a quelque chose de commun avec lui. Notre grand, notre admirable, notre merveilleux Bossuet ! Il commit cependant l’erreur de ses quatre « libertés de l’Eglise gallicane », surtout la troisième et la quatrième : « L’autorité du Concile œcuménique est supérieure à celle du Pape. Celui-ci n’est infaillible qu’avec le consentement de l’Eglise universelle. » C’est pourquoi Bossuet n’a pas été et ne sera jamais canonisé. Le président Vingt-Trois ne professe pas un tel gallicanisme, clair, net et tranquillement arrogant. Mais il en porte une trace, un arôme, et son arrogance est très soigneusement feutrée dans une vague inconsistance. II. – En fait. A l‘égard des évêques français, assure le cardinal Vingt-Trois, le Pape « n’a jamais exprimé de critique publique, et à ma connaissance, pas non plus de critique privée » ; « il affirme ce que nous avons dit nous-mêmes, par exemple sur la catéchèse… » Ce qu‘à Lourdes Benoît XVI a dit aux évêques sur la catéchèse n’est pas précisément un éloge de leur désastre catéchétique ; et quand le Pape leur dit que « les prêtres ne peuvent déléguer leurs fonctions aux fidèles en ce qui concerne leurs missions propres », quand il les exhorte à trouver, pour la messe, « des solutions satisfaisantes pour tous », quand il juge utile de leur rappeler à ce sujet que « nul n’est de trop dans l’Eglise », quand il refuse d’« admettre les initiatives qui visent à bénir des unions illégitimes », il est difficile de croire que le Président de la Conférence épiscopale n’y ait vu « aucune critique ». Et particulièrement aucune critique de la manière dont la plupart des évêques et des prêtres diocésains résistent au motu proprio du 07.07.07. Le président Vingt-Trois est un cardinal. On sait que les cardinaux ont le privilège d’attester authentiquement les paroles prononcées par le Souverain Pontife. Mais pour attester ce qu’il n’a pas prononcé, on saura désormais, grâce au cardinal Vingt-Trois, que leur témoignage dans ce cas n’est pas forcément fiable. Il peut même nier l‘évidence. JEAN MADIRAN Article extrait du n° 6681 de Présent, du Jeudi 25 septembre 2008 |