SOURCE - Abbé Philippe Laguérie, ibp - 23 septembre 2008
Bien cher monsieur l’abbé, merci.
Publié sur le site officiel du district de France, votre édito sud-américain a de nombreuses qualités. La première est qu’il est signé de votre main, même s’il s’inspire en grande partie, jusque dans le plan et le phrasé, d’un pamphlet courageusement anonyme paru ces derniers jours sur le net. Quand l’intrépide curé qui l’a signé aura le courage de sortir du bois…pour l’heure je n’ai pas de temps à perdre avec les poltrons.
Parce qu’aussi bien, vous déplorez réellement le sort qui est fait à l’I.B.P. Et en ces temps de dictature de la pensée, c’est courageux de votre part. C’est d’ailleurs la seule justification de vos lignes pessimistes que trouvent sur le net les porte-paroles officieux de la Fraternité, gênés.
Enfin, et à bien y regarder, vous nous faites le plus précieux compliment : c’est notre position de départ, sa cohérence comme sa rigueur qui motive l’hostilité des évêques et même (c’est vous qui le dites) le soutien parcimonieux de Rome. Merci cher abbé ; il fallait que ce fût dit et, si possible, par un autre que nous.
Vos lignes débordent d’amitié pour le Bon Pasteur, en ses débuts toujours actuels. Je sais, pour vous avoir rencontré à l’époque, que ce ne sont pas des mots creux ou vides.
Les reproches que vous semblez-nous faire n’en sont absolument pas : les rodomontades des évêques de Bogota et Santiago devraient attirer dans la bouche d’un prêtre de la Fraternité Saint Pie X, supérieur de district par surcroît, autant de compliments, non ? Ou alors, bigre, la Fraternité aura bien changé en quatre ans et devrait signer rapidement des accords ! Heureusement que Mgr Lefebvre ne s’est pas arrêté pour si peu, nous ne serions prêtres ni vous ni moi ! Notre séminaire d’Ecône en 1973, en parfaite règle canonique pourtant, était traité de « sauvage » par tous les évêques français réunis à Lourdes.
Faut pas tout mélanger non plus. L’évêque de Sao-Paulo nous a fait un accueil très sympathique (comme quelques-uns en France), et vous êtes un des mieux placés pour savoir que notre retrait de ce pays n’est dû qu’à la T.F.P. déguisée en Montfort. Allons, l’abbé…
Dernier de vos arguments, qui n’en sont pas et Dieu merci, le cas du Père G. qui quitte l’Institut pour rejoindre la Fraternité. C’est le seul bidouillage de votre texte. Vous pourriez quand même dire merci au passage. Il célébrait la forme ordinaire, voilà deux ans. Nous lui avons tout appris, avons tout régularisé à Rome, bon boulot. Pour raison de confort (vous êtes riches et nous sommes pauvres ; nous sommes persécutés, vous ne l’êtes plus ; votre maison d’Argentine est cossue et il y a sa famille, notre maison de Santiago est misérable et l’abbé Navas souffrant), il décide de vous rejoindre. Allez ! Je ne vais pas crier au schisme et j’espère qu’il ne va pas payer trop cher ses origines. Inutile de le réordonner sous conditions et évitez-lui les Kerguelen : vous avez tant de chaudes maisons où il fait si bon vivre.
Jusque-là, rien à redire vraiment sur votre prose. Je voudrais quand même vous dire, cher abbé, que si vous aviez connu les débuts de votre Fraternité et les épreuves qu’elle a traversées, vous vous alarmeriez moins vite des petites misères du commencement de l’I.B.P. Et quoique que votre sollicitude me touche profondément, je la crois excessivement préoccupée ; demandez aux anciens qu’ils vous racontent les « heures les plus sombres de notre histoire ». Savez-vous, par exemple que Mgr Lefebvre a plusieurs fois voulu tout arrêter et qu’il l’a décidé et annoncé une fois. Sans la vaillance de notre cher abbé Aulagnier, il n’y aurait pas de Fraternité ! Voyez, je n’en suis pas là. Vous vous payez le luxe, aujourd’hui, de renvoyer d’assez bon séminaristes parce qu’alors on en gardait d’épouvantables ! Quant aux faveurs épiscopales, votre fondateur a bien du s’en passer.
Et vous passez logiquement à la question romaine. Tous ces petits avatars, c’est bien la preuve que Rome n’a pas changé ; que l’I.B.P. n’était qu’une embûche dressée par Rome contre la Fraternité ; que si nous faisions aujourd’hui ce qu’ils ont fait hier, il nous arriverait demain ce qui leur arrive aujourd’hui. « Liberté surveillée » etc.…
Là-encore (décidément !) je suis d’accord avec vous. Vous voyez bien que l’important est la qualité d’un accord pratique et la Fraternité devrait être gré à l’Institut de lui avoir montré cela et d’en essuyer les plâtres. Vous dites très justement que le salut de l’Eglise ne peut venir que de Rome et non pas de je ne sais quelle dernière cartouche, parce que tirée du bon endroit et au bon moment par je ne sais quel Robin des bois. Vous n’êtes pas de ceux, quand même, qui rêvent la nuit que Vatican II n’a jamais eu lieu : c’est le réveil qui est cauchemardesque. Vous êtes bien loin de l’Europe, sinon vous sauriez que le seul à y avoir déploré la visite du pape à la mosquée est l’abbé de Tanoüarn, du Bon-Pasteur. Quand vous parlez du « lâchage » de l’I.B.P, vous rendez-vous compte à quel point vous nous complimentez ! Est-t-on jamais responsable d’être lâché ? Ca demanderait des nuances, sans doute, mais tout dans votre argumentation tend à équiparer nos deux instituts et, sans que je partage tout à fait ce point de vue, je le prends sur vos lèvres comme un bel encouragement. Et puis enfin, si c’est que le pape qui n’est pas obéis, n’est-ce pas le devoir de tous de le soutenir. Le Cardinal Castrillon-Hoyos, rencontré la semaine dernière, me l’a dit et répété : « surtout ne changez-pas, restez ce que vous êtes ». Quand M. Christophe Geffroy de la Nef, justement épinglé par Jean Madiran dans Présent (20 septembre) parle de l’Institut comme d’une « ambiguïté détestable », qui « ne pourrait avoir qu’un temps », il se tourne résolument vers le passé, déserte en pleine campagne et abandonne le Pape. D’ailleurs, de quoi se mêle-t-il ?
En 2006, certains d’entre vous se contentaient sagement de dire que le jeune institut devrait faire ses preuves, avec le temps. Il me semble que cette frénésie des bilans qui dérange bien des sommeils en ce moment est quelque peu prématurée. Salomon était plus sage, n’est-ce pas : « un temps pour planter, un autre pour récolter ; un temps pour bâtir, un autre pour habiter » ? Serait-ce que la permanence et le tranquille développement de l’Institut obsède les nuits de quelques-uns ? Je ne crois absolument pas que vous soyez de ceux-là : votre texte est magnifique et suppose une profonde estime pour le Bon Pasteur. Grand merci : tenez, je vous invite aux ordinations du 11 octobre prochain, qui portera le nombre de nos prêtres de 18 à 22 et je fais un vieux coup d’œil fraternel et chaleureux au vieux curé de Saint-Nicolas du Chardonnet. Avec mon amitié en Notre Seigneur.
Abbé Philippe Laguérie.
Publié sur le site officiel du district de France, votre édito sud-américain a de nombreuses qualités. La première est qu’il est signé de votre main, même s’il s’inspire en grande partie, jusque dans le plan et le phrasé, d’un pamphlet courageusement anonyme paru ces derniers jours sur le net. Quand l’intrépide curé qui l’a signé aura le courage de sortir du bois…pour l’heure je n’ai pas de temps à perdre avec les poltrons.
Parce qu’aussi bien, vous déplorez réellement le sort qui est fait à l’I.B.P. Et en ces temps de dictature de la pensée, c’est courageux de votre part. C’est d’ailleurs la seule justification de vos lignes pessimistes que trouvent sur le net les porte-paroles officieux de la Fraternité, gênés.
Enfin, et à bien y regarder, vous nous faites le plus précieux compliment : c’est notre position de départ, sa cohérence comme sa rigueur qui motive l’hostilité des évêques et même (c’est vous qui le dites) le soutien parcimonieux de Rome. Merci cher abbé ; il fallait que ce fût dit et, si possible, par un autre que nous.
Vos lignes débordent d’amitié pour le Bon Pasteur, en ses débuts toujours actuels. Je sais, pour vous avoir rencontré à l’époque, que ce ne sont pas des mots creux ou vides.
Les reproches que vous semblez-nous faire n’en sont absolument pas : les rodomontades des évêques de Bogota et Santiago devraient attirer dans la bouche d’un prêtre de la Fraternité Saint Pie X, supérieur de district par surcroît, autant de compliments, non ? Ou alors, bigre, la Fraternité aura bien changé en quatre ans et devrait signer rapidement des accords ! Heureusement que Mgr Lefebvre ne s’est pas arrêté pour si peu, nous ne serions prêtres ni vous ni moi ! Notre séminaire d’Ecône en 1973, en parfaite règle canonique pourtant, était traité de « sauvage » par tous les évêques français réunis à Lourdes.
Faut pas tout mélanger non plus. L’évêque de Sao-Paulo nous a fait un accueil très sympathique (comme quelques-uns en France), et vous êtes un des mieux placés pour savoir que notre retrait de ce pays n’est dû qu’à la T.F.P. déguisée en Montfort. Allons, l’abbé…
Dernier de vos arguments, qui n’en sont pas et Dieu merci, le cas du Père G. qui quitte l’Institut pour rejoindre la Fraternité. C’est le seul bidouillage de votre texte. Vous pourriez quand même dire merci au passage. Il célébrait la forme ordinaire, voilà deux ans. Nous lui avons tout appris, avons tout régularisé à Rome, bon boulot. Pour raison de confort (vous êtes riches et nous sommes pauvres ; nous sommes persécutés, vous ne l’êtes plus ; votre maison d’Argentine est cossue et il y a sa famille, notre maison de Santiago est misérable et l’abbé Navas souffrant), il décide de vous rejoindre. Allez ! Je ne vais pas crier au schisme et j’espère qu’il ne va pas payer trop cher ses origines. Inutile de le réordonner sous conditions et évitez-lui les Kerguelen : vous avez tant de chaudes maisons où il fait si bon vivre.
Jusque-là, rien à redire vraiment sur votre prose. Je voudrais quand même vous dire, cher abbé, que si vous aviez connu les débuts de votre Fraternité et les épreuves qu’elle a traversées, vous vous alarmeriez moins vite des petites misères du commencement de l’I.B.P. Et quoique que votre sollicitude me touche profondément, je la crois excessivement préoccupée ; demandez aux anciens qu’ils vous racontent les « heures les plus sombres de notre histoire ». Savez-vous, par exemple que Mgr Lefebvre a plusieurs fois voulu tout arrêter et qu’il l’a décidé et annoncé une fois. Sans la vaillance de notre cher abbé Aulagnier, il n’y aurait pas de Fraternité ! Voyez, je n’en suis pas là. Vous vous payez le luxe, aujourd’hui, de renvoyer d’assez bon séminaristes parce qu’alors on en gardait d’épouvantables ! Quant aux faveurs épiscopales, votre fondateur a bien du s’en passer.
Et vous passez logiquement à la question romaine. Tous ces petits avatars, c’est bien la preuve que Rome n’a pas changé ; que l’I.B.P. n’était qu’une embûche dressée par Rome contre la Fraternité ; que si nous faisions aujourd’hui ce qu’ils ont fait hier, il nous arriverait demain ce qui leur arrive aujourd’hui. « Liberté surveillée » etc.…
Là-encore (décidément !) je suis d’accord avec vous. Vous voyez bien que l’important est la qualité d’un accord pratique et la Fraternité devrait être gré à l’Institut de lui avoir montré cela et d’en essuyer les plâtres. Vous dites très justement que le salut de l’Eglise ne peut venir que de Rome et non pas de je ne sais quelle dernière cartouche, parce que tirée du bon endroit et au bon moment par je ne sais quel Robin des bois. Vous n’êtes pas de ceux, quand même, qui rêvent la nuit que Vatican II n’a jamais eu lieu : c’est le réveil qui est cauchemardesque. Vous êtes bien loin de l’Europe, sinon vous sauriez que le seul à y avoir déploré la visite du pape à la mosquée est l’abbé de Tanoüarn, du Bon-Pasteur. Quand vous parlez du « lâchage » de l’I.B.P, vous rendez-vous compte à quel point vous nous complimentez ! Est-t-on jamais responsable d’être lâché ? Ca demanderait des nuances, sans doute, mais tout dans votre argumentation tend à équiparer nos deux instituts et, sans que je partage tout à fait ce point de vue, je le prends sur vos lèvres comme un bel encouragement. Et puis enfin, si c’est que le pape qui n’est pas obéis, n’est-ce pas le devoir de tous de le soutenir. Le Cardinal Castrillon-Hoyos, rencontré la semaine dernière, me l’a dit et répété : « surtout ne changez-pas, restez ce que vous êtes ». Quand M. Christophe Geffroy de la Nef, justement épinglé par Jean Madiran dans Présent (20 septembre) parle de l’Institut comme d’une « ambiguïté détestable », qui « ne pourrait avoir qu’un temps », il se tourne résolument vers le passé, déserte en pleine campagne et abandonne le Pape. D’ailleurs, de quoi se mêle-t-il ?
En 2006, certains d’entre vous se contentaient sagement de dire que le jeune institut devrait faire ses preuves, avec le temps. Il me semble que cette frénésie des bilans qui dérange bien des sommeils en ce moment est quelque peu prématurée. Salomon était plus sage, n’est-ce pas : « un temps pour planter, un autre pour récolter ; un temps pour bâtir, un autre pour habiter » ? Serait-ce que la permanence et le tranquille développement de l’Institut obsède les nuits de quelques-uns ? Je ne crois absolument pas que vous soyez de ceux-là : votre texte est magnifique et suppose une profonde estime pour le Bon Pasteur. Grand merci : tenez, je vous invite aux ordinations du 11 octobre prochain, qui portera le nombre de nos prêtres de 18 à 22 et je fais un vieux coup d’œil fraternel et chaleureux au vieux curé de Saint-Nicolas du Chardonnet. Avec mon amitié en Notre Seigneur.
Abbé Philippe Laguérie.