SOURCE - Paposcopie - Blog de Jean Mercier sur La Vie - 19 janvier 2011
Alors que les négociations entre la Fraternité sacerdotale Saint Pie X et le Saint Siège avancent, aussi bien le pape que les Lefebvristes sont au pied du mur. Les transactions vont-elles capoter ? Ou bien aboutir ?
Benoît XVI l'avait annoncé solennellement dès le lendemain de son élection comme pape : retisser l'unité des disciples du Christ serait l'une de ses priorités. A l'époque, j'étais loin de me douter que le chantier en la matière concernerait, à côté des protestants ou les orthodoxes, la réconciliation, à l'intérieur du catholicisme, avec ceux qui avaient suivi Mgr Lefebvre dans son schisme. Mais, six ans plus tard, force est de constater que c'est le dossier qui a le plus avancé... Du 24 au 27 janvier prochains, l'assemblée plénière de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) statuera peut-être sur la position ultime de Rome dans le feuilleton à rebondissements de la réconciliation entre la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX) et le Saint Siège.
Une réconciliation était apparemment inimaginable en 2005, au lendemain du Conclave, pour l'observateur parfois superficiel qu'est le journaliste (ce sujet était loin de figurer dans les dossiers chauds du futur pape listés par la presse !). Mais dans les coulisses, les choses avançaient. En 2005, cela faisait cinq ans que la Commission Ecclesia Dei tissait des liens avec Mgr Fellay, supérieur général de la FSSPX. Lorsque le tout nouveau pape invita celui-ci à Castel Gandolfo (au même moment, il fit de même avec... Hans Küng!), la surprise fut quasi totale... Cette cécité avait ses raisons évidentes. Alors que le pontificat de Jean Paul II s'achevait, nombreux étaient les catholiques, comme moi, qui avaient pris leur parti du fait que les lefebvristes étaient sortis des écrans radar de la catholicité, 17 ans plus tôt. Cela nous arrangeait... Comme les protestants avaient leurs fondamentalistes, les musulmans leurs islamistes, nous avions nos intégristes. Forcément méchants et pas fréquentables, mais comme ils étaient hors de la communion avec Rome, nous pouvions nous défausser du problème de l'ultra-catholicisme sur ces «autres» qui étaient "en dehors" de l'Eglise institutionnelle.
Benoît XVI l'avait annoncé solennellement dès le lendemain de son élection comme pape : retisser l'unité des disciples du Christ serait l'une de ses priorités. A l'époque, j'étais loin de me douter que le chantier en la matière concernerait, à côté des protestants ou les orthodoxes, la réconciliation, à l'intérieur du catholicisme, avec ceux qui avaient suivi Mgr Lefebvre dans son schisme. Mais, six ans plus tard, force est de constater que c'est le dossier qui a le plus avancé... Du 24 au 27 janvier prochains, l'assemblée plénière de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) statuera peut-être sur la position ultime de Rome dans le feuilleton à rebondissements de la réconciliation entre la Fraternité sacerdotale Saint Pie X (FSSPX) et le Saint Siège.
Une réconciliation était apparemment inimaginable en 2005, au lendemain du Conclave, pour l'observateur parfois superficiel qu'est le journaliste (ce sujet était loin de figurer dans les dossiers chauds du futur pape listés par la presse !). Mais dans les coulisses, les choses avançaient. En 2005, cela faisait cinq ans que la Commission Ecclesia Dei tissait des liens avec Mgr Fellay, supérieur général de la FSSPX. Lorsque le tout nouveau pape invita celui-ci à Castel Gandolfo (au même moment, il fit de même avec... Hans Küng!), la surprise fut quasi totale... Cette cécité avait ses raisons évidentes. Alors que le pontificat de Jean Paul II s'achevait, nombreux étaient les catholiques, comme moi, qui avaient pris leur parti du fait que les lefebvristes étaient sortis des écrans radar de la catholicité, 17 ans plus tôt. Cela nous arrangeait... Comme les protestants avaient leurs fondamentalistes, les musulmans leurs islamistes, nous avions nos intégristes. Forcément méchants et pas fréquentables, mais comme ils étaient hors de la communion avec Rome, nous pouvions nous défausser du problème de l'ultra-catholicisme sur ces «autres» qui étaient "en dehors" de l'Eglise institutionnelle.
Sept ans plus tard, alors que s'ouvre la semaine de prière pour l'unité des chrétiens, difficile pour les catholiques de ne pas inclure ces frères fort gênants dans le périmètre de leur intercession. Du moins, c'est ce pontificat qui nous y oblige, et surtout depuis trois ans, lorsque la levée tonitruante des excommunications – dont celle d'un négationniste patenté ! – nous a rappelé que ces baptisés faisaient tout de même partie de l'Eglise du Christ... même si cette réalité est ultra-difficile à digérer.
Dès 2005, Benoît XVI connaissait par cœur la problématique intégriste. En 1988, lors du bras de fer entre Rome et Mgr Lefebvre, le cardinal Ratzinger avait arraché à celui-ci un accord, mais il s'était rétracté. Il devait mourir trois ans plus tard. A partir de l'an 2000, c'est Mgr Fellay, le supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X qui était devenu l'interlocuteur du Vatican, dont les autorités lui avaient ouvert généreusement les lieux saints de la Ville Eternelle pour le Jubilé, à l'occasion d'un grand pélerinage.
Devenu pape, Benoît XVI, donna un coup d'accélérateur au processus de normalisation en répondant aux trois conditions posées par les intégristes. La première étape fut le Motu proprio Summorum Pontificum de 2007 qui redonnait un plein droit de cité à la messe ancienne. A l'époque, il était évident que l'opération intéressait en premier lieu les tradis à l'intérieur de l'Eglise, en leur donnant davantage de droits. Mais la mesure était un énorme appel du pied en direction des Lefebvristes. Sans en avoir l'air, le pape désamorçait leur vieil argument, celui que Rome avait brimé la liturgie « de toujours ». La deuxième étape fut, de façon bien plus explicite, la levée des excommunications (2009), qui donna lieu au scandale que l'on connaît. Un scandale si fort qu'on a cru que la réconciliation serait impossible ensuite... Mais l'on se trompait. Le pape poursuivit son idée et la CDF organisa la tenue de discussions doctrinales approfondies (huit sessions, 2009-2011) entre théologiens des deux camps.
En 2011, de forts contrastes ont marqué ce dossier. On a cru la normalisation morte et enterrée après que pape eut multiplié des actes (comme la béatification de Jean Paul II, le remake de la rencontre d'Assise, le lancement d'une année de la foi placée sous le patronage de Vatican II), qui avaient rendu furieux les plus radicaux des intégristes. Surprise : en septembre dernier, la Congrégation pour la Doctrine de la foi proposait un "Préambule doctrinal" (un protocole d'accord), tenu secret. Un texte inacceptable pour les « cadres" de la FSSPX. Mi-décembre, Mgr Fellay a renvoyé au Vatican le texte avec ses remarques, elles aussi restées secrètes. Insatisfaite, la CDF a demandé de nouvelles précisions à la FSSPX, qui les a données tout récemment. Cet échange de textes montre que, de part et d'autres, on prend les choses très au sérieux. Et que l'on se donne des choses de réussir...
On attend désormais la réponse du Vatican aux exigences ultimes de Mgr Fellay. Il est peu probable que Rome arrête les transactions alors que Benoît XVI a déjà été si loin dans sa générosité. Le pape pourrait, soit reformuler encore le protocole d'accord, soit accéder aux demandes des intégristes, s'il estime que la volonté de ses interlocuteurs d'être en communion avec lui et l'Eglise est bien réelle. En tout état de cause, Benoît XVI est arrivé au bout de ce qu'il pouvait donner. Il n'est pas du tout impossible qu'il décide de lâcher du lest sur le Concile, véritable chiffon rouge des Lefebvristes, véritable obsession pour les plus "durs", et gros obstacle pour les plus modérés.
Sur le fond, le pape ne peut renier Vatican II, ce qui reviendrait à se renier lui-même. Mais il a toujours montré du recul sur le sujet de la nature du Concile. Il a toujours pensé qu'il fallait l'interpréter dans un ensemble historique plus vaste, celui des 2000 ans de l'Eglise. Celle-ci, dit le pape, n'a pas pu changer du tout au tout entre 1962 et 1964... Il existe une continuité de fond qu'il s'agit d'honorer, même s'il s'agit de tenir ensemble des éléments apparemment contradictoires (l'attitude de l'Eglise face aux juifs ou aux protestants a changé du tout au tout...). Le pape renvoie dos à dos intégristes comme progressistes, ceux qui interprètent Vatican II comme étant la machine à détruire le Concile de Trente : les uns pour s'en lamenter (les intégristes), les autres pour s'en réjouir (les progressistes). Benoît XVI leur oppose une lecture du Concile dans une «herméneutique de la Réfome dans la continuité et du renouveau de l'unique sujet Eglise ». Pour cette raison, il pourrait décider qu'il ne faut pas faire de l'adhésion au Concile une obsession.
Il n'empêche que les textes du Concile qui posent problème aux intégristes ne sont pas des points de détail : ils concernent la liberté religieuse, le dialogue interreligieux et oecuménique, c'est-à-dire le rapport à l'Autre. Les lefebvristes, même les plus ouverts, considèrent que tous les états devraient être catholiques, et que les lois en vigueur devraient pouvoir empêcher les gens de poser des actes contraires aux droits de Dieu. Ils rêvent d'une sorte de charia catholique qui en finirait avec la liberté religieuse. On voit ainsi mal Benoît XVI - en dépit de son penchant pour la messe "vintage" et son amour des dogmes - s'accommoder d'une normalisation des relations qui donnerait, dans l'Eglise, pignon sur rue aux promoteurs d'idées aussi radicales et contraires à la liberté évangélique.