27 juin 2008

Transcription de l’interview donnée par Mgr Fellay à France3 à Écône le 27 juin 2008
27 juin 2008 - Mgr Fellay - transcription par le site virgo-maria.org
Mgr Fellay : C'est un peu compliqué, je reconnais que je suis un peu perplexe devant ce qu'on appelle cet ultimatum, en fait c'est même, d'après ce qu'on peut savoir, c'est même Rome, enfin Rome, c'est de Rome qu'est sortie la nouvelle de cette histoire, j'ai l'impression que c'est plutôt une lassitude du côté de Rome à voir que les choses avancent trop lentement à leur goût, mais pas au nôtre, pour nous, nous sommes satisfait du déroulement des choses, nous sommes satisfaits du Motu Proprio, au moins disons fondamentalement, nous disons simplement eh bien passons au point suivant
Mais quel est ce point suivant ?
Mgr Fellay : Le point suivant c'était la question des excommunications. Et puis après nous proposions des discussions sur le fond, sur le fond, en disant, ça ne sert à rien de précipiter, dans l'Église, une grande partie de l'Église n'est pas du tout prête à recevoir, ni cette attitude, ni ce message, on le voit même au niveau du pape, le pape lui-même essaie de faire quelque chose, par exemple réintroduire la messe, il se fait, j'allais dire renvoyer dans ses buts, je le dis de manière un petit peu crue, mais disons quand on parle d'obéissance, il faudrait regarder qui obéit à qui.
Pour vous aujourd'hui, régler la question des excommunications est un préalable aux discussions ?
Mgr Fellay : C'était un préalable, voilà c'est ça. Si vous voulez au départ, en l'an 2000, nous avions dit à Rome, écoutez, nous avons besoin de la part de Rome d'un certain nombre de gestes, gestes qui montrent que Rome veut vraiment la Tradition, ce qu'on appelle la Tradition, c'est une manière de faire, une manière d'être qui était simplement la manière de vivre la catholicisme autrefois, et donc nous avons demandé des gestes qui allaient dans ce sens en disant 'donnez-nous ces gestes, et puis ensuite nous, nous sommes d'accord de bouger'.
Alors bien sûr cela a pris un peu de temps, mais enfin on voit qu'il y a quand même une certaine réponse malgré l'opposition assez féroce dans certains pays, et donc, dans ce sens là, nous, non, nous ne voyons pas les choses d'une manière si tragique. Seulement bon, évidemment, quand on parle d'ultimatum, ça fait un peu froid dans le dos, un peu théâtral, on dit 'voilà, tout va craquer, tout est fini'. Franchement je ne le crois pas, éventuellement c'est une étape, éventuellement ça peut se terminer par un certain froid, pendant un moment, si les choses se passent mal, mais je ne sais pas, je ne sais vraiment pas comment Rome réagit à notre réponse.
On peut envisager de deux manières cette situation, ça serait d'une manière un peu politique ou d'une manière beaucoup plus profonde. Si nous avons réagi comme nous avons fait, c'est un peu passer un feu rouge, si vous voulez, alors quand quelqu'un passe un feu rouge, vous avez deux manières de réagir, soit c'est le policier qui vous siffle, et qui vous donne l'amende en vous disant, ‘vous avez passé un feu rouge, je ne veux pas savoir pourquoi, il était rouge, vous avez passé’. Ou bien vous dîtes, j'avais une raison et si vous avez une raison de passer le feu rouge, ça veut dire que c'est quelque chose de sérieux, et notre position repose sur quelque chose de sérieux, et tant que on ne veut pas considérer ce sérieux, eh bien le feu rouge on va le passer quand même, si vous voulez. Et donc je ne crois pas, même si ça dure, bien sûr les gens peuvent se lasser un peu, mais je ne crois pas que les gens vont se dire, vont capituler, si vous voulez. Il y a un sentiment de frustration, même d'injustice, devant ce fait. Il faut aller au fond des choses, c'est ce que nous disons, on ne résoudra pas ce problème sans aller au fond des choses.
Qu'est-ce qu'il faut aujourd'hui, c'est la levée des excommunications ? C'est un débat dogmatique ? Qu'est-ce qu'il faut aujourd'hui pour que vous ayez le sentiment que Rome est vraiment dans une posture d'ouverture ? Et de vrai désir de vous voir revenir en son sein ?
Mgr Fellay : Je distingue le fait que le Saint-Père accorde ce Motu Proprio, c'est bien un geste d'ouverture, il faut le reconnaître comme cela, il y a une volonté là, mais il n'est pas partagé par toute l'Église, et donc c'est à dire que la manière dont le pape doit souffrir à cause du Motu Proprio est pour nous une preuve de plus qui indique combien le problème est sérieux. Si même le pape doit souffrir d'un geste envers la Tradition, eh bien il faut bien penser que nous on souffre tous les jours cette peine. Et donc évidemment on attend un soutien, on dit 'si vous voulez que les choses aillent bien, on a besoin d'être soutenu', parce que sinon c'est du suicide.
Mais qu'est-ce que peut faire le pape, les pays que vous citez c'est la France évidemment qui ne veut pas entendre parler de...
Mgr Fellay : Ce n'est pas que la France
Moi je prenais l'exemple de la France, qu'est-ce que le pape peut faire finalement face à des catholiques pratiquants français qui ne veulent pas entendre parler de la messe en latin, que peut-il faire ?
Mgr Fellay : C'est pour cela que nous disons qu'on ne peut pas tout faire à la fois, il faut créer un climat, il faut créer un climat, il faut qu'il y ait une ouverture sur la Tradition, se dire que la vie traditionnelle, c'était la vie de l'Église, avant il n'y en avait pas d'autre. Alors qu'on accepte que ce soit encore la vie de l'Église possible, et non pas à exclure a priori comme le font tant, ça c'est inadmissible, tant qu'on en est là évidemment nous on ne peut pas bouger, il faut d'abord créer disons ce climat si on peut dire d'accueil sur le passé. L'Église doit absolument réintégrer son passé.
Lorsqu'on dit Tradition, ça vient du mot 'transmettre', ça veut dire que on l’a reçu de quelqu'un d'autre, donc la manière dont le catholicisme était vécu au temps des apôtres, au Moyen-âge, dans les temps modernes, au XIX° siècle, même au XX° siècle, vous avez des constances dans cette manière de vivre la Foi d'une part, on croit, et cette Foi suit toute une manière de vivre, alors évidemment dans certaines circonstances, vous verrez des détails qui changeront, mais le fond reste le même, si vous voulez, ce qui était vertu de justice au temps de Notre Seigneur est encore aujourd'hui vertu de justice, ce qui était un péché de mensonge au moment de Moïse, est encore aujourd'hui un mensonge. Donc il y a des choses qui sont constantes et ces choses là qui ont été transmises de Notre Seigneur jusqu'à aujourd'hui, devront l'être jusqu'à la fin des temps, et c'est ça qu'on appelle la Tradition.
Je crois qu'il y a un gros problème au niveau des termes, parce que lorsque l'on dit liberté religieuse, lorsque l'on dit liberté de conscience, on peut dire deux choses totalement différentes. L'une c'est de dire, j'ai le droit de penser ce que je veux, ma conscience c'est le juge suprême sur toutes les choses morales, et ça c'est inacceptable parce que il y a quelque chose d'objectif, dans la morale, il y a quelque chose d'objectif, dans la connaissance il y a quelque chose d'objectif, et si la liberté religieuse, la liberté de conscience reposent sur l'objectif, alors là nous sommes d'accord. Le principe même de notre action, de notre réaction c'est que il n'y a qu'une vraie Église, c'est l'Église catholique à laquelle nous tenons, si nous défendons cette position, c'est parce que nous sommes attachés à l'Église, ça semble un peu contradictoire, mais quand on nous dit schismatiques, ça nous sort de la tête, schismatique, c'est celui qui veut se séparer de l'Église, nous c'est le contraire, on ne veut pas se séparer de l'Église, et on dit l'Église ne peut pas se séparer de son passé non plus. Et donc c'est une attitude totalement anti-schismatique que nous avons, et donc ça ne me fait pas peur, si vous voulez et donc même si actuellement il y a des froids, à un certain moment forcément on va se retrouver, et au bon endroit, c'est-à-dire dans le vrai et dans le juste.
Vous vous pensez qu'à terme vous pouvez avoir une place dans l'Église avec votre Tradition qui côtoierait l'Église post-Vatican II ? Comment vous voyez votre avenir au sein de l'Église ?
Mgr Fellay : Moi je vois l'Église qui revient sur ses rails, je vois Vatican II, je veux dire ce qu'on appelle Vatican II, c'est-à-dire l'introduction d'une vie moderne, qui est en fait étrangère à l'Église, jusqu'en 1960, ce n'était pas l'Église et bien je vois qu'à un certain moment l'Église forcément va abandonner cette voie pour revenir sur les rails normaux de l'Église, c'est comme cela que je le vois, même si aujourd'hui cela semble totalement utopique, il n'y a pas d'autre solution parce que la vérité est une, et elle repose sur Notre Seigneur, Notre Seigneur c'est Lui qui a fondé l'Église, qui lui a donné tous ses principes, son but, ses moyens, on est forcément obligé d'y revenir, sinon l'Église n'est plus l'Église
Donc pour vous, il ne s'agit pas de négocier un espace au sein de ce qui existe aujourd'hui mais bien d'être dans un débat doctrinaire, et de ramener l'Église dans la vérité que vous pensez être la vérité ?
Mgr Fellay : Ce n'est pas nous qui sommes cette vérité, encore une fois elle nous dépasse, c'est celle de tous les saints, c'est celle de tous les Papes, c'est pas un petit moment, ce petit moment doit forcément être inscrit dans l'ensemble de l'Église et c'est ce que nous demandons à l'Église, certainement.