SOURCE - Jean Madiran - Présent - 10 août 2012
Parmi toutes les « crises » qui prolifèrent dans notre dislocation générale des institutions, des idées et des mœurs, la crise de la messe dans l’Eglise n’est pas terminée, contrairement à ce que beaucoup supposent.
C’est donc fort opportunément, en ce moment d’incertitude prolongée, que l’abbé Paul Aulagnier vient d’en dresser un « état des lieux ». Il est l’une des autorités historiques, intellectuelles et militantes les plus qualifiées sur la question, il en a une longue expérience. Une fois de plus il nous donne un vigoureux ouvrage qui devrait être lu dans toutes les paroisses de France (et même dans quelques monastères) : La réforme liturgique de Benoît XVI (un volume de centre vingt-quatre pages aux Editions Godefroy de Bouillon).
Qu’il demeure une lourde incertitude sur le proche avenir de la liturgie catholique, rien ne le manifeste aussi clairement que l’attitude du Souverain Pontife. On connaît son ardente vénération, d’ailleurs publiquement exprimée et fortement argumentée pour la messe traditionnelle. Depuis qu’il est pape, il ne l’a plus célébrée en public. Pas une seule fois. Pas même pour la fête liturgique de saint Pie V qui vient chaque année la réclamer.
Pourquoi donc une telle abstention ?
L’explication la plus vraisemblable réside dans l’opposition d’une grande partie de l’épiscopat, ou plus exactement, des artificielles oligarchies épiscopales qui ont étendu leur prolifération cancéreuse sous le nom de « conseil permanent » entouré de quelques « commissions ». Ces oligarchies sont issues de conférences épiscopales médusées et manipulées. Avec ou sans un ultimatum explicite de leur part, Benoît XVI a prudentiellement jugé inévitable d’y aller en douceur et de temporiser devant l’ébullition artificielle d’un clergé et de sa hiérarchie prompts à créer des situations de plus en plus ingouvernables.
L’opportun ouvrage de l’abbé Aulagnier remet en une juste perspective l’effort de Benoît XVI, permanent et mesuré, pour corriger, d’abord dans les esprits et dans la légalité canonique, la terrible rupture liturgique qui avait montré sa portée maléfique en proclamant l’abolition de la messe traditionnelle. Dans la coexistence, actuellement (et provisoirement ?) souhaitée par le Pape entre le « rite ordinaire » et le « rite extraordinaire », on se heurte pourtant à une réalité historique très singulière, et toujours présente.
A peine Paul VI avait-il décrété ce que l’on appelle aujourd’hui le « rite ordinaire », celui-ci concluait aussitôt une alliance étroite et apparemment irrévocable avec des innovations qui n’étaient pas dans le décret de Paul VI : le retournement des autels, la communion dans la main, la suppression des agenouillements. L’alliance du nouveau rite avec ces anomalies est tellement intime qu’elle résiste à l’exemple et aux enseignements par lesquels Benoît XVI cherche depuis des années à en débarrasser la liturgie catholique. Tous les fidèles, même du dernier rang, peuvent s’en apercevoir. Et ils peuvent dire pourquoi ce rite-là, tel qu’il est réellement célébré dans la plupart des paroisses, ne saurait nous inspirer « le même respect » que le rite traditionnel. Loin de là ! Il n’y faut pas compter.
La question de l’offertoire est moins accessible pour l’ensemble du public. Mgr Schneider l’a réactualisée le 15 janvier dernier, en proposant au Saint-Siège que les pâlichonnes déficiences des prières de l’offertoire dans le rite nouveau soient purement et simplement remplacées par les prières correspondantes du rite traditionnel. Cela, et tout ce qui va avec, « se prépare dans les séminaires », comme dit l’abbé Aulagnier. Et aussi, ne l’oublions pas, à plus longue (et plus parfaite) échéance, dans un retour du petit catéchisme pour enfants baptisés.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7662 de Présent du Vendredi 10 août 2012
Parmi toutes les « crises » qui prolifèrent dans notre dislocation générale des institutions, des idées et des mœurs, la crise de la messe dans l’Eglise n’est pas terminée, contrairement à ce que beaucoup supposent.
C’est donc fort opportunément, en ce moment d’incertitude prolongée, que l’abbé Paul Aulagnier vient d’en dresser un « état des lieux ». Il est l’une des autorités historiques, intellectuelles et militantes les plus qualifiées sur la question, il en a une longue expérience. Une fois de plus il nous donne un vigoureux ouvrage qui devrait être lu dans toutes les paroisses de France (et même dans quelques monastères) : La réforme liturgique de Benoît XVI (un volume de centre vingt-quatre pages aux Editions Godefroy de Bouillon).
Qu’il demeure une lourde incertitude sur le proche avenir de la liturgie catholique, rien ne le manifeste aussi clairement que l’attitude du Souverain Pontife. On connaît son ardente vénération, d’ailleurs publiquement exprimée et fortement argumentée pour la messe traditionnelle. Depuis qu’il est pape, il ne l’a plus célébrée en public. Pas une seule fois. Pas même pour la fête liturgique de saint Pie V qui vient chaque année la réclamer.
Pourquoi donc une telle abstention ?
L’explication la plus vraisemblable réside dans l’opposition d’une grande partie de l’épiscopat, ou plus exactement, des artificielles oligarchies épiscopales qui ont étendu leur prolifération cancéreuse sous le nom de « conseil permanent » entouré de quelques « commissions ». Ces oligarchies sont issues de conférences épiscopales médusées et manipulées. Avec ou sans un ultimatum explicite de leur part, Benoît XVI a prudentiellement jugé inévitable d’y aller en douceur et de temporiser devant l’ébullition artificielle d’un clergé et de sa hiérarchie prompts à créer des situations de plus en plus ingouvernables.
L’opportun ouvrage de l’abbé Aulagnier remet en une juste perspective l’effort de Benoît XVI, permanent et mesuré, pour corriger, d’abord dans les esprits et dans la légalité canonique, la terrible rupture liturgique qui avait montré sa portée maléfique en proclamant l’abolition de la messe traditionnelle. Dans la coexistence, actuellement (et provisoirement ?) souhaitée par le Pape entre le « rite ordinaire » et le « rite extraordinaire », on se heurte pourtant à une réalité historique très singulière, et toujours présente.
A peine Paul VI avait-il décrété ce que l’on appelle aujourd’hui le « rite ordinaire », celui-ci concluait aussitôt une alliance étroite et apparemment irrévocable avec des innovations qui n’étaient pas dans le décret de Paul VI : le retournement des autels, la communion dans la main, la suppression des agenouillements. L’alliance du nouveau rite avec ces anomalies est tellement intime qu’elle résiste à l’exemple et aux enseignements par lesquels Benoît XVI cherche depuis des années à en débarrasser la liturgie catholique. Tous les fidèles, même du dernier rang, peuvent s’en apercevoir. Et ils peuvent dire pourquoi ce rite-là, tel qu’il est réellement célébré dans la plupart des paroisses, ne saurait nous inspirer « le même respect » que le rite traditionnel. Loin de là ! Il n’y faut pas compter.
La question de l’offertoire est moins accessible pour l’ensemble du public. Mgr Schneider l’a réactualisée le 15 janvier dernier, en proposant au Saint-Siège que les pâlichonnes déficiences des prières de l’offertoire dans le rite nouveau soient purement et simplement remplacées par les prières correspondantes du rite traditionnel. Cela, et tout ce qui va avec, « se prépare dans les séminaires », comme dit l’abbé Aulagnier. Et aussi, ne l’oublions pas, à plus longue (et plus parfaite) échéance, dans un retour du petit catéchisme pour enfants baptisés.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7662 de Présent du Vendredi 10 août 2012