SOURCE - Abbé Basilio Meramo - 22 août 2012
Se souvenir est souvent tâche ingrate, et puisque la majorité des prêtres et des fidèles l’ont oublié ou ne veulent pas se le rappeler, on leur citera les sages paroles du grand Martín Fierro :
Se souvenir est souvent tâche ingrate, et puisque la majorité des prêtres et des fidèles l’ont oublié ou ne veulent pas se le rappeler, on leur citera les sages paroles du grand Martín Fierro :
« La mémoire est un bien grand don,
une qualité fort méritoire ;
et que ceux qui, dans cette histoire,
soupçonnent que je leur donne du bâton
sachent qu’oublier ce qui n’est pas bon,
c’est aussi avoir de la mémoire ».
Combien auraient de quoi rougir lorsque
parviennent à leurs pures, chastes et candides oreilles l’affirmation catégorique
et accablante, née d’une sainte intransigeance, selon laquelle Monseigneur
Fellay et son équipe ont ignoblement et misérablement failli ? Je veux
parler ici des nombreux supérieurs de district tels que l’abbé Tejo qui,
à l’aide d’arguments dépourvus de logique et de la moindre intelligence,
traitent de déséquilibrés les quelques prêtres (dont l’auteur de ces
lignes) qui ont eu le courage de dire les choses telles qu’elles sont, et même
de lancer des mises en garde qui se sont depuis vérifiées dans les faits.
Pour les autres prêtres (notamment certains
prieurs), tout ce qui se dit avec de la fermeté et du caractère constitue un
manque de respect envers l’autorité, car ils ne se rendent pas compte qu’à
l’instar du sel affadi, une autorité dénaturée ne mérite plus que d’être
chassée et piétinée. Du moins est-ce là ce qu’affirment les Saintes Écritures :
« Si le sel s’affadit, avec quoi lui rendra-t-on sa saveur ?
Il n’est plus bon qu’à être jeté dehors et foulé au pied par les
hommes » (Mt. 5, 13).
Quoi qu’il en soit, tout se déroule comme prévu,
ainsi que l’a si bien dit Mgr Fellay, et par étapes successives
judicieusement dosées, non par à-coups et secousses, mais suivant une lente
maturation afin que nul ne s’effraie ou ne s’effarouche. Cela rappelle
l’histoire de la grenouille : si on la plonge dans de l’eau
bouillante, elle en sort aussitôt d’un bond ; mais si on réchauffe
lentement de l’eau froide en lui faisant croire qu’il s’agit d’un doux
bain relaxant, elle se hâte d’acheter un bon savon de toilette afin de bien
se laver et parfumer ; une fois dans le bain, elle s’y prélasse à son
aise jusqu’à ce que, détendue par cette chaleur qui l’endort, elle se
rende compte enfin de la situation ; mais elle ne peut plus réagir et
s’enfuir, submergée qu’elle est dans son bain désormais brûlant ;
finalement, elle flotte dans cette eau que l’on a chauffée lentement et
progressivement jusqu’à la rendre bouillante. Elle est alors cuite à point
et bonne à manger.
Rappelons-nous la fameuse déclaration que
firent tous les supérieurs de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X le
6 juillet 1988 (à propos de l’excommunication latae sententiae de
Mgr Lefebvre, de Mgr de Castro Mayer et des quatre évêques qu’ils avaient
consacrés le 30 juin précédent à Écône) dans leur lettre ouverte au
Cardinal Gantin, Préfet de la Congrégation des Évêques, cet homme de
paille qui avait été chargé de proclamer la parodie d’excommunication.
Voici ce qu’ils écrivaient alors : « Éminence, réunis
autour de leur Supérieur général, les Supérieurs des districts, séminaires
et maisons autonomes de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pensent
bon de vous exprimer respectueusement les réflexions suivantes. Vous avez cru
devoir, par votre lettre du 1er juillet passé, faire savoir à Son
Excellence Monseigneur Marcel Lefebvre, à Son Excellence Monseigneur Antonio
de Castro Mayer et aux quatre évêques qu’ils ont consacrés le 30 juin
dernier à Écône, leur excommunication latae sententiae. Veuillez
vous-mêmes juger de la valeur d’une telle déclaration venant d’une
autorité qui, dans son exercice, rompt avec celle de tous ses prédécesseurs
jusqu’au pape Pie XII, dans le culte, l’enseignement et le
gouvernement de l’Église.»
Il semble que l’on n’en soit plus là (ou
qu’on ait oublié l’épisode), alors que ces paroles mettent en évidence
à elles seules l’existence d’une scission ou d’une rupture de la part
de l’autorité qui fulmina l’excommunication, rompant ainsi avec l’Église
de toujours représentée par tous les papes jusqu’à Pie XII
(inclusivement) et créant du même coup un schisme dans le culte, la doctrine
et le gouvernement de l’Église.
Mais ce n’était pas tout, car dans la lettre
ouverte en question, on conseillait au Cardinal Gantin et à tous les membres
de la curie romaine officielle de faire un examen de conscience et de se
demander de quel côté était la rupture : « Pour nous, nous
sommes en pleine communion avec tous les papes et tous les évêques qui ont
précédé le Concile Vatican II, célébrant exactement la messe qu'ils
ont codifiée et célébrée, enseignant le catéchisme qu'ils ont composé,
nous dressant contre les erreurs qu'ils ont maintes fois condamnées dans
leurs encycliques et leurs lettres pastorales. Veuillez donc juger de quel côté
se trouve la rupture. Nous sommes extrêmement peinés de l'aveuglement
d'esprit et de l'endurcissement de cœur des autorités romaines. » Mais
les signataires de la lettre n’en avaient pas encore fini, car comme si cela
ne suffisait pas, ils écrivaient avec une vaillance et une fermeté ce qui ne
se dit plus aujourd’hui : « En revanche, nous n’avons jamais
voulu appartenir à ce système qui se qualifie lui-même d’église
Conciliaire, et se définit par le Novus Ordo Missae, l’oecuménisme
indifférentiste et la laïcisation de toute la Société. Oui, nous n’avons
aucune part, nullam partem habemus, avec le panthéon des religions
d’Assise ; notre propre excommunication par un décret de votre Éminence
ou d’un autre dicastère n’en serait que la preuve irréfutable. »
Sapristi ! Ils disaient donc par là que
s’ils étaient excommuniés à la place des six évêques, ce serait là le
sceau de leur orthodoxie, chose que nul ne pense ou ne dit plus aujourd’hui.
Mais continuons à citer cette courageuse proclamation à présent contredite :
« Nous ne demandons pas mieux que d’être déclarés ex
communione de l’esprit adultère qui souffle dans l’Église depuis
vingt-cinq ans, exclus de la communion impie avec les infidèles ».
Euréka ! Quelles nobles paroles de paladins ! Quels Don Quichottes
défenseurs du bien, de la vérité et de la justice, qui brillent
aujourd’hui par leur absence, puisqu’ils sont devenus féminoïdes,
faibles et timorés dans la mesure où ils nous disent à présent que ces
excommunications sont un affront, une ignominie et un obstacle à
l’apostolat ; cela leur ferme les portes, cela constitue une étiquette
infâmante à ôter pour ne plus les faire ressembler aux animaux d’un zoo,
entre autres affirmations qui se retrouvent dans la lettre de Mgr Fellay du 31
janvier 2009.
Tout ce qui précède montre qu’à l’heure
actuelle, il existe dans la hiérarchie de la Fraternité une autre vision,
une autre conception des choses, c’est-à-dire qu’on s’y laisse abuser
— violer, d’une certaine manière — par les impératifs de la Révolution
antichrétienne et moderniste. De vierges sages, on y est devenu vierges
folles, sans lampes ni lumières, stupides et écervelées, qui — quoique se
piquant de vigilance — se sont condamnées elles-mêmes par leur propre imbécillité.
Oui, Messieurs, vous êtes des parjures !
Vous avez demandé à être excommuniés en signe de solidarité avec Mgr
Lefebvre et Mgr de Castro Mayer, et voici que vous demandez à présent le
contraire ! Et pour comble, vous applaudissez publiquement et
solennellement l’attitude gentillette et paternelle de Benoît XVI,
exprimant ainsi votre reconnaissance pour son geste magnanime en faveur de la
Tradition, tout en essuyant son visage couvert de vos crachats, et même en
sablant le champagne, comme l’a fait avec une suprême imbécillité l’abbé
de la Rocque, qui fut l’un des théologiens des discussions doctrinales avec
Rome et qui a posé pour le photographe avec un jéroboam…
Ce comportement est aberrant, déshonorant. Une
telle infamie ne mérite qu’une chose : être foulée aux pieds comme
le sel qui perd sa raison d’être, la salinité. En 1988, ils ont
vaillamment demandé à être excommuniés de l’esprit adultère de la
nouvelle église postconciliaire du Panthéon d’Assise, et les voici à présent
qui se soumettent par le biais d’une vile magouille : leurs discussions
tendues vers un accord qui consistera à coucher avec l’erreur. Ils font
penser à la grande prostituée de l’Apocalypse, occupée à forniquer avec
les rois de la terre, car ils ne se sentent plus le courage,
l’intransigeance et la pureté doctrinale nécessaires pour dire, comme ils
l’ont fait naguère dans la lettre en question : « Être donc
associés publiquement à la sanction qui frappe les six évêques
catholiques, défenseurs de la foi dans son intégrité et son intégralité,
serait pour nous une marque d’honneur et un signe d’orthodoxie devant les
fidèles ». À leurs yeux, cette marque d’honneur, ce signe
d’orthodoxie est aujourd’hui une tache, une infamie, un déshonneur. De
fait, ce glorieux stigmate a disparu sous l’effet d’une pétition unanime
et de l’acceptation reconnaissante du plan de réintégration progressive
suggéré par la Rome moderniste ; n’oublions pas que c’est le
cardinal Castrillón Hoyos qui, tel une astucieuse sirène, a susurré à
l’oreille de Mgr Fellay : « Écrivez au Pape pour lui demander
de lever les excommunications » (sermon prononcé par Mgr Fellay à
Flavigny le 2 février 2006).
Tout cela fait penser à ce que signale le
passage supprimé de l’exorcisme du Pape Léon XIII : « Là où
a été établi le Siège du bienheureux Pierre et la Chaire de la Vérité
pour la lumière des nations, là ils ont posé le trône de l’abomination
de leur impiété ; de sorte qu’en frappant le Pasteur, ils puissent
aussi disperser le troupeau ». Cela concorde également avec ce
qu’a écrit le Pape saint Pie X à propos de la mission de l’Église
et son devoir sacré de maintenir sur cette terre la doctrine de la vérité
et de l’empire revenant à celle-ci : « Lorsque cette doctrine
ne pourra plus se garder incorruptible et que l’empire de la vérité ne
sera plus possible en ce monde, alors le Fils de Dieu apparaîtra une seconde
fois. Mais jusqu’à ce dernier jour, nous devons maintenir intact le dépôt
sacré et répéter la glorieuse déclaration de saint Hilaire : “Mieux
vaut mourir en ce siècle que corrompre la chasteté de la vérité”. »
(Pie X, Jérôme Dal-Gal, 1953, p. 107-108). Et l’on peut même paraphraser
ces propos de la manière suivante : mieux vaut mourir en ce siècle que
corrompre la virginité immaculée de la vérité. Voilà ce qui constitue
aujourd’hui, depuis le néfaste concile Vatican II, l’abomination de
la désolation dans le Lieu Saint (l’Église), et c’est pourquoi les
Saintes Écritures annoncent en saint Luc (12, 32) la réduction de l’Église
à un petit troupeau (pusillus grex).
Les sages paroles de saint Pie X sont une
allusion au mystérieux obstacle (en grec, le katejon) qui retarde la
manifestation de l’Antéchrist. Telles une source d’eau pure et fraîche,
elles révèlent ce qu’est ce fameux obstacle, à savoir l’empire de la vérité
maintenu par l’Église.
Comme on est loin de cette belle et ferme
proclamation ! Comme ils en sont loin aujourd’hui ! Comme ils
ont déchu sans même s’en rendre compte ! La pression est si
grande, et la séduction si puissante ! Ils sont tombés au fond de
l’abîme, où ils pataugent dans la fange en putréfaction, et leurs propres
paroles d’autrefois les condamnent. Ajoutons-y d’ailleurs, pour faire
bonne mesure, ce qu’ils disaient encore à propos des fidèles : « Ceux-ci
ont en effet un droit strict à savoir que les prêtres auxquels ils
s’adressent ne sont pas de la communion d’une contrefaçon d’Église, évolutive,
pentecôtiste, et syncrétiste… » Comme nous en sommes loin désormais !
Tout cela rappelle les paroles de Porfirio Díaz [1] :
« Pauvre Mexique, si éloigné de Dieu et si proche des États-Unis ! » ;
car on peut dire aujourd’hui, par analogie : « Pauvre Fraternité
Sacerdotale Saint-Pie X, si éloignée de Nosseigneurs Lefebvre et de Castro
Mayer (ainsi que de tous ceux qu’ils représentent avec la sacro-sainte
Tradition de l’Église) et si proche, si proche de la Rome apostate (comme
de l’Antéchrist) qu’elle est sur le point de passer un accord avec elle ! »
Je conclurai cette triste, douloureuse et
dramatique histoire en disant de tout cœur, avec Martín Fierro :
« Que nul ne se croie offensé,
Car nul je ne veux agacer ;
Et si je chante sur ce ton
Parce que je le trouve bon,
Ce n’est pour le mal d’aucun homme,
C’est pour le bien de tous les hommes. »
Abbé Basilio Méramo
Bogotá, le 22 août 2012
En la Fête du Cœur Immaculé de
Marie
[1]
NdT (Wikipedia) : José de la Cruz Porfirio Díaz Mori, militaire et
homme politique mexicain né le15 septembre 18301 à Oaxaca, Mexique, et décédé
le 2 juillet 1915 à Paris, France. Il dirigea le Mexique de 1876 à 1911, ne cédant
la présidence du pays, durant cette période, que quelques mois à Juan N. Méndez
entre 1876 et 1877, puis quatre années à Manuel González de 1880 à 1884.