Dans ce livre, l’auteur part de la publication historique du motu proprio Summorum Pontificum et
tente, à partir de là, de tirer des conclusions sur ce qu’il appelle la
réforme liturgique de Benoît XVI. La parfaite connaissance qu’il a du
sujet, connaissance aussi bien pratique qu’historique, rend cette
analyse importante à lire et à connaître. Il rappelle plusieurs éléments
importants des événements qui ont concerné le retour lent de la messe
traditionnelle au sein de l’Église.
Ainsi, par exemple, l’abbé Aulagnier
souligne qu’en 1986 une commission d’enquête cardinalice, instituée par
le pape Jean-Paul II, s’était montrée favorable au retour du missel
tridentin et que le pape lui-même n’y était pas hostile. Mais des
épiscopats auraient empêché toute décision dans ce sens et il fallut
donc attendre 2007 pour que cette reconnaissance surgisse publiquement,
sous un autre pontificat.
L’abbé Aulagnier décortique tous les textes importants sur le sujet et tente de montrer que « Benoît XVI
estime que le rite romain de l’avenir devrait être un seul rite,
célébré en latin ou en langue populaire, mais basée entièrement dans la
tradition du rite ancien ». D’où l’importance qu’il attache depuis
des années à la libre utilisation du missel tridentin. Cette position
fut, en gros, celle qu’exposa le cardinal Ratzinger aux Journées
liturgiques de Fontgombault.
Est-elle encore celle du pape Benoît XVI ?
Les textes du motu proprio Summorum Pontificum
et de la Lettre aux évêques l’accompagnant ne sont pas aussi clairs.
Certes, on peut imaginer que le pape a subi des pressions – et de fait
les épiscopats français et allemands, par exemple, se sont mobilisés
avant la publication du motu proprio – et qu’il a atténué son véritable
dessein au point de contredire sur certains points – c’est l’abbé
Aulagnier qui le note – la pensée de Mgr Gamber que le même cardinal
Ratzinger présentait comme référence.
Mais plus que les textes du Pontife,
c’est la praxis de ce même Pontife qui semble plus mesurée. Certes il y a
une certaine pédagogie de l’exemple mise en œuvre très doucement, très
lentement, par Benoît XVI. Mais, en dehors du motu proprio, il n’a pas
été mis en œuvre par l’autorité suprême de décisions pratiques en vue de
la réforme de la réforme.
Certes, effet du motu proprio oblige –
et c’est déjà énorme – les messes traditionnelles se multiplient de par
le monde, mais aucune réforme du missel de Paul VI n’a été réellement
entreprise, à part les corrections dans le monde anglo-saxon des
traductions liturgiques, œuvre décidée avant l’arrivée de Benoît XVI.
L’abbé Aulagnier termine son livre en
citant la conférence parisienne de Mgr Schneider sur les cinq plaies de
la liturgie. Certes cette conférence donne beaucoup d’espoir, dans la
mesure même où elle situe bien un certain nombre de problèmes. Mais
Mgr Schneider n’est pas le pape et il n’a pas reçu de mission pour
corriger la liturgie nouvelle. C’est pourquoi on ne peut que comprendre
l’abbé Aulagnier quand il dit qu’il est difficile de traiter de la même
façon les deux missels, car ce serait considérer le problème résolu
alors qu’il demeure entier et qu’il reste attaché à la messe
traditionnelle. Le sous-titre de son ouvrage est donc juste. Nous en
sommes encore à l’état des lieux.