Depuis plus d’un an, nous suivons l’évolution de la demande d’application du Motu Proprio Summorum Pontificum
de Benoît XVI à Cognac. Les faits sont simples : un groupe de fidèles,
emmené par une famille attachée depuis plus de 20 ans à la paroisse
Saint-Léger de Cognac, a manifesté l’été dernier, au moment de l’arrivée
des nouveaux curés, son désir de bénéficier des bienfaits liturgiques
et spirituels de la forme extraordinaire de la messe.
Renvoyés à l’évêque d’Angoulême, Mgr Claude Dagens, ces demandeurs ont reçu pour seule réponse un silence, qu’il est difficile de ne pas qualifier de méprisant. Loin de renoncer, ils ont relancé leurs curés et l’évêque à plusieurs reprises, sans succès. Du coup, ils ont décidé de porter l’affaire sur la place publique, ouvrant un blog consacré à leur demande et alertant la presse locale sur leur situation.
De fait, en juin 2012, ils ont eu droit à trois articles dans Sud-Ouest puis un autre dans La Charente Libre. Enfin, Témoignage Chrétien s’est intéressé à eux dans son édition du 12 juillet.
Nous vous proposons de commenter cette semaine l’article très complet publié le 27 juin 2012 dans La Charente Libre sous la plume de Benoît Caurette et dont nous publions en annexe la version intégrale.
I – L’ESSENTIEL DE L’ARTICLE DE LA CHARENTE LIBRE : « ILS PRIENT POUR LA MESSE EN LATIN »
La messe "de toujours". L’office en latin et en grégorien, le prêtre dos aux fidèles, la communion "à genoux et sur la langue". C’est la profession de foi que revendique haut et fort depuis quelques semaines un bastion de "traditionalistes" cognaçais. Emmenées par le docteur Antoine Pierron, ces "trente-six familles souvent nombreuses et de toutes idées politiques" jurent ne pas flirter avec l’intégrisme. Plutôt vouloir mettre le doigt sur un phénomène qui ne se borne pas aux seules paroisses de Cognac: avec Mende, Viviers, Châlons-en-Champagne, Cambrai et Langres, Angoulême est l’un des six derniers diocèses de France à ne pas appliquer le Motu Proprio de 2007.
Ni loi ni décret de l’Église, cette lettre du pape Benoît XVI largement répandue dans toute la chrétienté française rend possible et encourage - « dans un but de réconciliation » - la célébration, au sein des paroisses, de la messe selon sa forme dite "extraordinaire". C’est-à-dire le culte d’avant Vatican II, "celui qui avait encore le sens du sacré" estime Antoine Pierron.
"Nous ne sommes pas contre la messe ordinaire, nous y assistons même parce que nous n’avons pas d’autre choix. Mais avec elle, nous ne savons jamais à quoi nous attendre. Ça va du grand spectacle, presque aux incantations vaudous, jusqu’à une forme relativement traditionnelle. La messe en latin, c’est la même partout, le symbole de l’unité et le rappel de ce qui s’est passé sur la croix."
[...]
À Cognac, on argue qu’il y a "d’autres priorités dans la vie d’un prêtre". "Notamment aller voir les gens qui ont besoin de nous, dans les maisons de retraite ou ailleurs, des endroits de solitude où l’on ne va pas assez", explique le père Baudoin de Beauvais.
Au milieu d’une réponse un peu "langue de buis" sur les bords, comme diraient joliment ses détracteurs, l’évêque académicien, Claude Dagens, relativise de son côté le nombre de traditionalistes
"Ce que je constate, c’est qu’en 2008, quand j’avais autorisé l’ancien curé de Genac à dire la messe en latin, ils étaient cent fidèles la première année. Plus que quarante la deuxième. Et plus que dix la troisième. Le prêtre a souhaité arrêter, je lui ai dit oui." [Voir la réflexion de Paix liturgique sur l’affaire de Genac].
[...]
En filigrane et plus ou moins par sous-entendus, Mgr Dagens confesse en fait l’inquiétude que les demandes de messes en latin ne cachent autre chose. Selon ses mots, "une souffrance individuelle qui peut trouver une réponse autrement". Et surtout, une récupération, politique ou idéologique. "Je me demande si d’autres stratégies ne seraient pas à l’œuvre, qui elles, feraient d’abord valoir des rapports de forces conscients ou inconscients", écrivait-il dès 2007.
L’évêque voit d’un mauvais œil l’arrivée dans le débat de Paix liturgique. Une "association de catholiques" plutôt opaque qui a mené la vie dure à son homologue de Nanterre entre 2001 et 2005, jusqu’à ce qu’il cède finalement sur le premier Motu Proprio de 1988. Depuis, Paix liturgique ne se revendique plus que "simple soutien aux demandes". Pourtant, la messe est loin d’être dite.
(1) Plus qu’autorisé à dire une messe en latin, l’abbé René Valtaud y avait été fortement encouragé par Mgr Dagens. Il avait accepté sans conviction, persuadé que c’était "revenir en arrière". L’homme d’Église déclarait à l’époque : « L’évêque ne me l’a pas imposé, mais on va dire qu’il a fait en sorte que je ne refuse pas. De toute façon, aucun autre prêtre ne voulait y aller ! »
[Note de Paix Liturgique : cette affirmation est tout à fait inexacte ; bien peu de prêtres désireux de célébrer la forme extraordinaire osent se mettre en conflit avec leurs autorités, surtout quand l’hostilité de l’évêque du lieu est connue, comme c'est le cas à Angoulême.]
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Intervenant après son confrère et concurrent Sud-Ouest, qui avait consacré trois articles consécutifs à la non-application du Motu Proprio à Cognac, La Charente Libre a choisi de traiter la question en une seule fois à l’issue d’une enquête très complète. Ainsi, en plus de l’article cité ci-dessus, les lecteurs ont eu droit à une chronologie complète de la crise de l’Église débutant avec les réformes conciliaires et à un encadré consacré à Paix liturgique ». Vous pouvez accéder à l’intégralité de l’enquête en cliquant ici.
Il est étonnant mais significatif qu’un média régional de cette importance se penche avec autant de soin et de rigueur sur une question qui n’a que les apparences d’être marginale : à peine un Français sur 10 se déclare catholique pratiquant, mais 1 catholique pratiquant sur 3 est favorable à cette forme de messe. En outre, probablement comme ses confrères de Sud-Ouest, le journaliste de La Charente Libre a été surpris des difficultés manifestées par l’évêque pour fournir des explications claires à sa position, et comme on le sait, tout bon journaliste trouve son grain dans les embarras d’un homme de pouvoir. C’est d’ailleurs sur le terrain des préjugés idéologiques que se conclut l’article de Benoît Caurette.
2) Dans l’encadré qu’elle consacre à Paix liturgique, La Charente Libre cite les sondages que nous réalisons ce qui est suffisamment rare pour que nous le relevions, puisqu’aucun média national et surtout aucun média catholique n’a jamais jugé utile de s’y intéresser ! Rappelons que d’une façon concordante dans l’espace et dans le temps, les résultats de ces sondages font apparaître qu’au moins un pratiquant sur trois assisterait à la forme extraordinaire de la messe si celle-ci était proposée dans sa paroisse, dans un bon esprit, à un horaire familial.
Cela n’empêche pas Mgr Dagens de relativiser « le nombre de traditionalistes dans son diocèse ». Mais c’est précisément là que le bât blesse. Car ce que disent ces sondages, ce n’est pas qu’il y a 34% de « traditionalistes » parmi les pratiquants mais que 34% des pratiquants aspirent à renouer avec une tradition liturgique et spirituelle dont ils ont été abusivement privés depuis 40 ans. Or, comme nous le répétons souvent, parmi ces fidèles une infime minorité seulement exprime leur préférence à haute voix, l’immense majorité demeurant silencieuse, une revendication de ce type nécessitant un « investissement » psychologique trop important pour le commun des fidèles.
Si Mgr Dagens avait accordé à ces silencieux des conditions de culte dignes et justes au lieu de les marginaliser comme il l’a fait à Genac, jamais une minorité n’aurait commencé à s’organiser pour réclamer ce que le Saint Père a accordé, en droit et en charité, à l’ensemble des fidèles de l’Église latine.
3) Mais il y a plus grave : le fait que, tout en prenant soin de ne pas s’exprimer directement, Mgr Dagens justifie l’ostracisme dont sont victimes les fidèles Summorum Pontificum de Charente par des considérations idéologiques et politiques est d’un anachronisme déroutant. Se rend-il compte que c’est ainsi toute la crédibilité de ses prises de position en matière d’œcuménisme, de dialogue interreligieux et de tolérance qu’il engage ? Comment croire à la sincérité d’un évêque qui non seulement refuse un droit légitime à ses fidèles mais aussi tout simplement de les rencontrer pour en discuter?
Faut-il considérer qu’au lendemain de la retraite de Mgr Rouet, Mgr Dagens – qui vient de faire la Une de Golias pour l’« oxygène » qu’apporteraient ses prises de position politiques –, veuille aujourd’hui s’affirmer comme le chef de file de l’aile gauche de l’Église de France?
4) Cinq ans après l’entrée en vigueur du Motu Proprio Summorum Pontificum, l’affaire de Cognac, et plus largement la situation dans le diocèse d’Angoulême, montre bien que les « vieilles blessures » sont encore vives là où nos pasteurs sont incapables de les panser voire les maintiennent volontairement ouvertes. Et, bien souvent, les fidèles, même les plus optimistes, ont commencé à cesser d’espérer que la réconciliation offerte et voulue par Rome puisse enfin voir le jour dans leur diocèse. Pourtant, comme l’affaire de Cognac finira par le démontrer, l’affirmation sereine et décidée du droit établi par notre Saint-Père Benoît XVI, demeure la voie la plus sûre pour que le cœur et la raison de nos pasteurs s’ouvrent enfin à une paix liturgique durable et fructueuse.
5) Donnons enfin des explications sur l’échec de la messe de Genac :
L’échec de « l’expérience de Genac » reste un argument fort, pour ne pas dire le seul, de Mgr Dagens pour justifier son refus à accorder une célébration « extraordinaire » aux environs de Cognac.
Voici, après enquête la reconstitution de cette pénible histoire :
1 - Les faits : en 2008 l’évêque aurait autorisé une célébration extraordinaire à Genac:
Parole d’évêque : « Ce que je constate, c’est qu’en 2008, quand j’avais autorisé l’ancien curé de Genac à dire la messe en latin, ils étaient cent fidèles la première année. Plus que quarante la deuxième. Et plus que dix la troisième. Le prêtre a souhaité arrêter, je lui ai dit oui ».
Notre principale interrogation : comment cela est-il possible sachant que partout en France lorsque sont accordés des célébrations "extraordinaires" le succès est toujours assuré, attirant dans un premier temps les convaincus, puis très vite la masse des silencieux qui en avait toujours rêvé sans jamais osé le dire et encore moins le demander ?
Mais s’il est vrai que bien des fidèles demandent à vivre leur foi catholique au rythme de la forme extraordinaire du rite romain, si l’on veut vraiment répondre à leur demande, il faut aussi – ce serait vrai pour une messe demandée par des fidèles portugais, malgaches ou italiens – au moins trois conditions de bon sens:
- Un horaire familial ;
- Une régularité qui permet l’enracinement de la communauté naissante ;
- Et surtout la présence d’un prêtre-célébrant loyal et bienveillant (en phase avec la célébration dont il est chargé).
Or le Père René Valtaud affirme qu’il n’était pas favorable à cette célébration et ne l’accepta qu’a contrecœur. Ce qui veut dire : soit qu’il a obéi du bout des lèvres à son évêque et qu’il s’en vantait, ce qui n’est pas très édifiant ; soit qu’il avait bien compris (ce n’était vraiment pas sorcier…) que l’évêque lui-même n’accordait cette messe qu’à contrecœur, et que l’abbé Valtaud savait comment il fallait « obéir » dans ce cas, à l’ecclésiastique. Qu’on nous pardonne cette remarque dans sa crudité : le coup du prêtre désigné par l’évêque pour dire une messe traditionnelle, alors qu’il est défavorable à la messe traditionnelle, on l’a fait mille fois dans le monde épiscopal français !
Il résulte donc de la déclaration de l’abbe René Valtaud citée par La Charente Libre, que plus qu’autorisé à dire une messe en latin, il y avait été fortement encouragé par Mgr Dagens. Il avait accepté sans conviction, persuadé que c’était « revenir en arrière ». L’homme d’Église déclarait à l’époque : « L’évêque ne me l’a pas imposé, mais on va dire qu’il a fait en sorte que je ne refuse pas. De toute façon, aucun autre prêtre ne voulait y aller ! »
2 – Le résultat ne pouvait être que celui que déplore Mgr Dagens : assistant à une messe dite avec un pareil enthousiasme, il eût fallu que les fidèles de Genac (comme les fidèles de bien d'autres endroits) soient des héros pour accepter de subir une pareille potion cultuelle, qu’on leur offrait de manière dégoûtée pour qu’ils s’en dégoûtent au plus vite. N’a-t-on pas vu, ici, un prêtre ainsi désigné par l’évêque se moquer des fidèles pour lesquels il célébrait en leur disant qu’il pourrait aussi leur faire le sermon en latin s’ils le voulaient, mais qu’ils n’y comprendraient rien ? N’a-t-on pas vu, ailleurs, le prêtre expliquer, lors de chaque messe, qu’il en avait par-dessus la tête de venir dire cette messe démodée, pour des fidèles qui refusaient d’évoluer ? Et ainsi de suite.
Et donc à Genac, ce qu’on voulait qu’il arrive arriva : leur patience épuisée, une partie des fidèles ont préféré retourner vers les lieux de messe proches de la fraternité Saint Pie X, où les pasteurs se montraient des pasteurs, et les silencieux se sont résignés à retourner dans leurs paroisses « ordinaires ».
Il n’y avait plus que 10 fidèles à Genac, dites-vous, Monseigneur ? Soyons sérieux : partout ailleurs, lorsque des messes extraordinaires sont dites dans des paroisses accessibles par des prêtres qui sont heureux de les dire, ces églises sont pleines, les communautés qui s’y regroupent produisent de vocations, le catéchisme, les œuvres de jeunesse y fleurissent.
Et par ailleurs, les chiffres sont là, massifs : un tiers de pratiquants demandent implicitement cette messe. Un tiers des catholiques pratiquants du diocèse de Mgr Dagens sont des demandeurs implicites. Quant aux demandeurs explicites du diocèse de Mgr Dagens, ils n’ont nullement baissé les bras. Comme le dit La Charente Libre : au diocèse de Mgr Dagens, « la messe est loin d’être dite ».
Renvoyés à l’évêque d’Angoulême, Mgr Claude Dagens, ces demandeurs ont reçu pour seule réponse un silence, qu’il est difficile de ne pas qualifier de méprisant. Loin de renoncer, ils ont relancé leurs curés et l’évêque à plusieurs reprises, sans succès. Du coup, ils ont décidé de porter l’affaire sur la place publique, ouvrant un blog consacré à leur demande et alertant la presse locale sur leur situation.
De fait, en juin 2012, ils ont eu droit à trois articles dans Sud-Ouest puis un autre dans La Charente Libre. Enfin, Témoignage Chrétien s’est intéressé à eux dans son édition du 12 juillet.
Nous vous proposons de commenter cette semaine l’article très complet publié le 27 juin 2012 dans La Charente Libre sous la plume de Benoît Caurette et dont nous publions en annexe la version intégrale.
I – L’ESSENTIEL DE L’ARTICLE DE LA CHARENTE LIBRE : « ILS PRIENT POUR LA MESSE EN LATIN »
La messe "de toujours". L’office en latin et en grégorien, le prêtre dos aux fidèles, la communion "à genoux et sur la langue". C’est la profession de foi que revendique haut et fort depuis quelques semaines un bastion de "traditionalistes" cognaçais. Emmenées par le docteur Antoine Pierron, ces "trente-six familles souvent nombreuses et de toutes idées politiques" jurent ne pas flirter avec l’intégrisme. Plutôt vouloir mettre le doigt sur un phénomène qui ne se borne pas aux seules paroisses de Cognac: avec Mende, Viviers, Châlons-en-Champagne, Cambrai et Langres, Angoulême est l’un des six derniers diocèses de France à ne pas appliquer le Motu Proprio de 2007.
Ni loi ni décret de l’Église, cette lettre du pape Benoît XVI largement répandue dans toute la chrétienté française rend possible et encourage - « dans un but de réconciliation » - la célébration, au sein des paroisses, de la messe selon sa forme dite "extraordinaire". C’est-à-dire le culte d’avant Vatican II, "celui qui avait encore le sens du sacré" estime Antoine Pierron.
"Nous ne sommes pas contre la messe ordinaire, nous y assistons même parce que nous n’avons pas d’autre choix. Mais avec elle, nous ne savons jamais à quoi nous attendre. Ça va du grand spectacle, presque aux incantations vaudous, jusqu’à une forme relativement traditionnelle. La messe en latin, c’est la même partout, le symbole de l’unité et le rappel de ce qui s’est passé sur la croix."
[...]
À Cognac, on argue qu’il y a "d’autres priorités dans la vie d’un prêtre". "Notamment aller voir les gens qui ont besoin de nous, dans les maisons de retraite ou ailleurs, des endroits de solitude où l’on ne va pas assez", explique le père Baudoin de Beauvais.
Au milieu d’une réponse un peu "langue de buis" sur les bords, comme diraient joliment ses détracteurs, l’évêque académicien, Claude Dagens, relativise de son côté le nombre de traditionalistes
"Ce que je constate, c’est qu’en 2008, quand j’avais autorisé l’ancien curé de Genac à dire la messe en latin, ils étaient cent fidèles la première année. Plus que quarante la deuxième. Et plus que dix la troisième. Le prêtre a souhaité arrêter, je lui ai dit oui." [Voir la réflexion de Paix liturgique sur l’affaire de Genac].
[...]
En filigrane et plus ou moins par sous-entendus, Mgr Dagens confesse en fait l’inquiétude que les demandes de messes en latin ne cachent autre chose. Selon ses mots, "une souffrance individuelle qui peut trouver une réponse autrement". Et surtout, une récupération, politique ou idéologique. "Je me demande si d’autres stratégies ne seraient pas à l’œuvre, qui elles, feraient d’abord valoir des rapports de forces conscients ou inconscients", écrivait-il dès 2007.
L’évêque voit d’un mauvais œil l’arrivée dans le débat de Paix liturgique. Une "association de catholiques" plutôt opaque qui a mené la vie dure à son homologue de Nanterre entre 2001 et 2005, jusqu’à ce qu’il cède finalement sur le premier Motu Proprio de 1988. Depuis, Paix liturgique ne se revendique plus que "simple soutien aux demandes". Pourtant, la messe est loin d’être dite.
(1) Plus qu’autorisé à dire une messe en latin, l’abbé René Valtaud y avait été fortement encouragé par Mgr Dagens. Il avait accepté sans conviction, persuadé que c’était "revenir en arrière". L’homme d’Église déclarait à l’époque : « L’évêque ne me l’a pas imposé, mais on va dire qu’il a fait en sorte que je ne refuse pas. De toute façon, aucun autre prêtre ne voulait y aller ! »
[Note de Paix Liturgique : cette affirmation est tout à fait inexacte ; bien peu de prêtres désireux de célébrer la forme extraordinaire osent se mettre en conflit avec leurs autorités, surtout quand l’hostilité de l’évêque du lieu est connue, comme c'est le cas à Angoulême.]
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Intervenant après son confrère et concurrent Sud-Ouest, qui avait consacré trois articles consécutifs à la non-application du Motu Proprio à Cognac, La Charente Libre a choisi de traiter la question en une seule fois à l’issue d’une enquête très complète. Ainsi, en plus de l’article cité ci-dessus, les lecteurs ont eu droit à une chronologie complète de la crise de l’Église débutant avec les réformes conciliaires et à un encadré consacré à Paix liturgique ». Vous pouvez accéder à l’intégralité de l’enquête en cliquant ici.
Il est étonnant mais significatif qu’un média régional de cette importance se penche avec autant de soin et de rigueur sur une question qui n’a que les apparences d’être marginale : à peine un Français sur 10 se déclare catholique pratiquant, mais 1 catholique pratiquant sur 3 est favorable à cette forme de messe. En outre, probablement comme ses confrères de Sud-Ouest, le journaliste de La Charente Libre a été surpris des difficultés manifestées par l’évêque pour fournir des explications claires à sa position, et comme on le sait, tout bon journaliste trouve son grain dans les embarras d’un homme de pouvoir. C’est d’ailleurs sur le terrain des préjugés idéologiques que se conclut l’article de Benoît Caurette.
2) Dans l’encadré qu’elle consacre à Paix liturgique, La Charente Libre cite les sondages que nous réalisons ce qui est suffisamment rare pour que nous le relevions, puisqu’aucun média national et surtout aucun média catholique n’a jamais jugé utile de s’y intéresser ! Rappelons que d’une façon concordante dans l’espace et dans le temps, les résultats de ces sondages font apparaître qu’au moins un pratiquant sur trois assisterait à la forme extraordinaire de la messe si celle-ci était proposée dans sa paroisse, dans un bon esprit, à un horaire familial.
Cela n’empêche pas Mgr Dagens de relativiser « le nombre de traditionalistes dans son diocèse ». Mais c’est précisément là que le bât blesse. Car ce que disent ces sondages, ce n’est pas qu’il y a 34% de « traditionalistes » parmi les pratiquants mais que 34% des pratiquants aspirent à renouer avec une tradition liturgique et spirituelle dont ils ont été abusivement privés depuis 40 ans. Or, comme nous le répétons souvent, parmi ces fidèles une infime minorité seulement exprime leur préférence à haute voix, l’immense majorité demeurant silencieuse, une revendication de ce type nécessitant un « investissement » psychologique trop important pour le commun des fidèles.
Si Mgr Dagens avait accordé à ces silencieux des conditions de culte dignes et justes au lieu de les marginaliser comme il l’a fait à Genac, jamais une minorité n’aurait commencé à s’organiser pour réclamer ce que le Saint Père a accordé, en droit et en charité, à l’ensemble des fidèles de l’Église latine.
3) Mais il y a plus grave : le fait que, tout en prenant soin de ne pas s’exprimer directement, Mgr Dagens justifie l’ostracisme dont sont victimes les fidèles Summorum Pontificum de Charente par des considérations idéologiques et politiques est d’un anachronisme déroutant. Se rend-il compte que c’est ainsi toute la crédibilité de ses prises de position en matière d’œcuménisme, de dialogue interreligieux et de tolérance qu’il engage ? Comment croire à la sincérité d’un évêque qui non seulement refuse un droit légitime à ses fidèles mais aussi tout simplement de les rencontrer pour en discuter?
Faut-il considérer qu’au lendemain de la retraite de Mgr Rouet, Mgr Dagens – qui vient de faire la Une de Golias pour l’« oxygène » qu’apporteraient ses prises de position politiques –, veuille aujourd’hui s’affirmer comme le chef de file de l’aile gauche de l’Église de France?
4) Cinq ans après l’entrée en vigueur du Motu Proprio Summorum Pontificum, l’affaire de Cognac, et plus largement la situation dans le diocèse d’Angoulême, montre bien que les « vieilles blessures » sont encore vives là où nos pasteurs sont incapables de les panser voire les maintiennent volontairement ouvertes. Et, bien souvent, les fidèles, même les plus optimistes, ont commencé à cesser d’espérer que la réconciliation offerte et voulue par Rome puisse enfin voir le jour dans leur diocèse. Pourtant, comme l’affaire de Cognac finira par le démontrer, l’affirmation sereine et décidée du droit établi par notre Saint-Père Benoît XVI, demeure la voie la plus sûre pour que le cœur et la raison de nos pasteurs s’ouvrent enfin à une paix liturgique durable et fructueuse.
5) Donnons enfin des explications sur l’échec de la messe de Genac :
L’échec de « l’expérience de Genac » reste un argument fort, pour ne pas dire le seul, de Mgr Dagens pour justifier son refus à accorder une célébration « extraordinaire » aux environs de Cognac.
Voici, après enquête la reconstitution de cette pénible histoire :
1 - Les faits : en 2008 l’évêque aurait autorisé une célébration extraordinaire à Genac:
Parole d’évêque : « Ce que je constate, c’est qu’en 2008, quand j’avais autorisé l’ancien curé de Genac à dire la messe en latin, ils étaient cent fidèles la première année. Plus que quarante la deuxième. Et plus que dix la troisième. Le prêtre a souhaité arrêter, je lui ai dit oui ».
Notre principale interrogation : comment cela est-il possible sachant que partout en France lorsque sont accordés des célébrations "extraordinaires" le succès est toujours assuré, attirant dans un premier temps les convaincus, puis très vite la masse des silencieux qui en avait toujours rêvé sans jamais osé le dire et encore moins le demander ?
Mais s’il est vrai que bien des fidèles demandent à vivre leur foi catholique au rythme de la forme extraordinaire du rite romain, si l’on veut vraiment répondre à leur demande, il faut aussi – ce serait vrai pour une messe demandée par des fidèles portugais, malgaches ou italiens – au moins trois conditions de bon sens:
- Un horaire familial ;
- Une régularité qui permet l’enracinement de la communauté naissante ;
- Et surtout la présence d’un prêtre-célébrant loyal et bienveillant (en phase avec la célébration dont il est chargé).
Or le Père René Valtaud affirme qu’il n’était pas favorable à cette célébration et ne l’accepta qu’a contrecœur. Ce qui veut dire : soit qu’il a obéi du bout des lèvres à son évêque et qu’il s’en vantait, ce qui n’est pas très édifiant ; soit qu’il avait bien compris (ce n’était vraiment pas sorcier…) que l’évêque lui-même n’accordait cette messe qu’à contrecœur, et que l’abbé Valtaud savait comment il fallait « obéir » dans ce cas, à l’ecclésiastique. Qu’on nous pardonne cette remarque dans sa crudité : le coup du prêtre désigné par l’évêque pour dire une messe traditionnelle, alors qu’il est défavorable à la messe traditionnelle, on l’a fait mille fois dans le monde épiscopal français !
Il résulte donc de la déclaration de l’abbe René Valtaud citée par La Charente Libre, que plus qu’autorisé à dire une messe en latin, il y avait été fortement encouragé par Mgr Dagens. Il avait accepté sans conviction, persuadé que c’était « revenir en arrière ». L’homme d’Église déclarait à l’époque : « L’évêque ne me l’a pas imposé, mais on va dire qu’il a fait en sorte que je ne refuse pas. De toute façon, aucun autre prêtre ne voulait y aller ! »
2 – Le résultat ne pouvait être que celui que déplore Mgr Dagens : assistant à une messe dite avec un pareil enthousiasme, il eût fallu que les fidèles de Genac (comme les fidèles de bien d'autres endroits) soient des héros pour accepter de subir une pareille potion cultuelle, qu’on leur offrait de manière dégoûtée pour qu’ils s’en dégoûtent au plus vite. N’a-t-on pas vu, ici, un prêtre ainsi désigné par l’évêque se moquer des fidèles pour lesquels il célébrait en leur disant qu’il pourrait aussi leur faire le sermon en latin s’ils le voulaient, mais qu’ils n’y comprendraient rien ? N’a-t-on pas vu, ailleurs, le prêtre expliquer, lors de chaque messe, qu’il en avait par-dessus la tête de venir dire cette messe démodée, pour des fidèles qui refusaient d’évoluer ? Et ainsi de suite.
Et donc à Genac, ce qu’on voulait qu’il arrive arriva : leur patience épuisée, une partie des fidèles ont préféré retourner vers les lieux de messe proches de la fraternité Saint Pie X, où les pasteurs se montraient des pasteurs, et les silencieux se sont résignés à retourner dans leurs paroisses « ordinaires ».
Il n’y avait plus que 10 fidèles à Genac, dites-vous, Monseigneur ? Soyons sérieux : partout ailleurs, lorsque des messes extraordinaires sont dites dans des paroisses accessibles par des prêtres qui sont heureux de les dire, ces églises sont pleines, les communautés qui s’y regroupent produisent de vocations, le catéchisme, les œuvres de jeunesse y fleurissent.
Et par ailleurs, les chiffres sont là, massifs : un tiers de pratiquants demandent implicitement cette messe. Un tiers des catholiques pratiquants du diocèse de Mgr Dagens sont des demandeurs implicites. Quant aux demandeurs explicites du diocèse de Mgr Dagens, ils n’ont nullement baissé les bras. Comme le dit La Charente Libre : au diocèse de Mgr Dagens, « la messe est loin d’être dite ».
Nota Bene : Contrairement à ce que nous avions écrit initialement dans notre lettre 286, le prêtre de 87 ans ayant célébré la messe à Genac en 2008 est toujours
vivant. Nous n’avions pas connaissance de son nom à l’époque et avions
repris l’information qui nous avait été transmise sans pouvoir la
vérifier, ce que nous regrettons d’autant plus qu’elle a été reprise
ensuite par Sud-Ouest. Nous présentons donc nos plus vives excuses au
père Valtaud et avons bien entendu corrigé le texte sur notre site.