7 juin 2013

[Abbé Jean Devaulx de Chambord] "Nous ne devons pas nous choquer de trouver des défauts ou des erreurs..."

SOURCE - Abbé Jean Devaulx de Chambord - 7 juin 2013

Ave + Maria
Saint-Domingue, en la fête du Sacré-Coeur,
Le vendredi 7 juin 2013

Bien chers amis et fidèles,

Il me faut vous annoncer une triste nouvelle. Ayant dû affronter de sérieuses difficultés comme prêtre dans l’apostolat de ma Congrégation, la Fraternité Saint-Pie X, j’ai malheureusement dû la quitter. Il s’agissait en effet de problèmes mettant en danger le salut éternel des âmes qui nous sont confiées. Et nous sommes prêtres pour sauver les âmes.

Cela est douloureux, car j’ai par ailleurs une gratitude immense envers la Fraternité Saint-Pie X, de qui j’ai reçu ma formation de jeune homme puis de séminariste. Je connais beaucoup de ses prêtres, pour qui j’ai une grande admiration. Aussi je souhaiterais affirmer ici bien clairement que je ne veux pas attaquer cette Fraternité. Elle réalise un travail formidable, dont j’ai bénéficié comme tant d’autres, un peu partout dans le monde. Sa fidélité envers la doctrine catholique est certaine. Son attachement à l’Eglise et au Saint Père le Pape est réel. Elle produit d’abondantes vocations et s’applique à affronter ce monde en crise par la formation d’une élite catholique. Et comme le dit Notre-Seigneur Jésus-Christ, on juge l’arbre à ses fruits Lc 6,44.

Il n’est pas question pour moi un instant d’abandonner le sacerdoce auquel le Bon Dieu m’a appelé, dans le mystère de Sa miséricorde infinie. Bien au contraire, avec Sa grâce, j’espère pouvoir y répondre toujours mieux au service des âmes qui ne Le connaissent pas.

C’est pourquoi, si vous me le permettez, j’aimerais comme prêtre vous adresser quelques mots, simple écho de l’enseignement de l’Eglise: Nous vivons par le don d’un Dieu de Charité, d’un amour sans limites. Tout le sens de notre vie est d’avoir et de vivre toujours plus de cette authentique charité. Il ne suffit pas d’avoir la Foi ; il ne suffit pas de croire en Dieu et de suivre son Eglise. Il ne suffit même pas de défendre notre Foi : il nous faut vivre de la charité. C’est que dit l’apôtre Saint Paul, dans la Bible : Si je n’ai pas la charité, je ne suis rien 1Cor 13,2. C’est parce que nous voulons aimer Dieu que nous nous efforçons de vivre dans le bien, d’éviter le péché ; car le péché n’est pas autre chose qu’une déformation de l’ordre que Dieu a créé, et une offense à l’amitié qu’Il a pour nous. Si vous m’aimez, gardez mes commandements Jn 14,15. Mais l’amour est quelque chose qui va beaucoup plus loin qu’une simple série de règles à accomplir : il nous ouvre vers les autres. Il n’y a pas de repliement sur soi possible en lui, pas d’égoïsme. De même que Dieu se donne totalement, par amour, Il nous apprend à nous donner aux autres, à penser à eux, et même à tout faire pour eux.

Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés Jn 15,12. C’est à cela que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples : si vous vous aimez les uns les autres Jn 13,35. Les catholiques ne peuvent aspirer à une vie égoïste : cela va contre la grâce qu’ils ont en eux par leur baptême, contre l’amour infini de ce Dieu qui se livre à eux par la communion. Ils doivent s’ouvrir aux autres, par un instinct devenu presque naturel.

Aussi, mes bien chers amis, ayez le souci de ceux qui vivent à côté de vous. Ayez cette incessante et à la fois paisible préoccupation pour le salut de leur âme. Ils ont été créés par Dieu, par Son amour infini. Ils sont appelés comme nous, à vivre dans Son paradis. Mais comment le pourront-ils s’ils ne connaissent pas Dieu ou si personne ne les approche à Lui ? Comment croiront-ils en Celui dont ils n’ont pas entendu parler Rom 10,14? Ne soyez pas renfermés sur vous-mêmes.

Ayez ce désir de vous donner aux âmes, de prier pour elles, et même de vous sacrifier pour elles. Laissez-vous envahir par cet amour du Bon Dieu, par cette soif de sauver les autres qui l’étreignait sur la Croix. Aimez votre prochain et faites tout pour l’arracher à l’enfer, lui faire connaître le seul Être qui peut le rendre heureux pour toujours. Saint Jean l’Evangéliste disait après Notre-Seigneur : Ce que vous avez entendu dès le commencement, c’est que nous devons nous aimer les uns les autres 1Jn 3,11.

Cet amour, qui vient du Coeur du Dieu incarné, doit grandir en vous à chaque Messe, à chaque communion ; chaque jour. Il doit être comme un feu : ce feu qui nous fait ressembler à Dieu. Je suis venu jeter le feu sur la terre, et quel est mon désir, sinon qu’il s’embrase Lc 12,49 ! C’est là, vraiment, qu’intervient l’esprit de combat. Vous avez reçu le Saint-Esprit, vous avez été faits soldats du Christ. Soyez fiers de Lui ! Soyez fiers de votre Foi ! Soyez fiers d’appartenir à l’Eglise qu’Il a fondée. Défendez cette doctrine, qui est d’abord un enseignement et une méditation de l’Evangile, et de toute la Bible. On la foule aux pieds aujourd’hui : ne le permettez pas. Formezvous, et ayez le souci d’enseigner les autres. Votre confirmation vous fait auxiliaires des prêtres dans leur mission : sauver les âmes, enseigner toutes les nations Mt 28,19. Aidez-les, ils ont besoin de vous, de vos initiatives, de votre flamme, de votre enthousiasme. Car Dieu sait que leur apostolat est dur et souvent bien ingrat. Demandez-leur cette formation, lancez des projets. Et si les choses tardent : patience. Le monde va vite, les choses sont dures ; mais le Bon Dieu aime prendre Son temps.

Et il y a une chose très importante que vous devez toujours mieux comprendre, c’est que la Foi et la vie avec Dieu donnent la vraie liberté : cette liberté des enfants de Dieu dont parle Saint Paul. Notre vie n’est pas un regard négatif ou puritain sur la création : il s’agit d’un vrai regard, qui les remet à leur place devant Dieu. Réellement nous pouvons tout faire dans cette vie, apprécier ce que Lui nous a donné ; tout sauf le péché. C’est pourquoi la vertu n’est pas autre chose qu’un grand équilibre dans la vie.

Cherchez toujours plus l’intimité du Bon Dieu dans une authentique vie de prière, dans l’union à Son Coeur Sacré ; spécialement dans la communion : Celui qui mange ma chair et boit mon sang vit en Moi et Moi en lui Jn6,56. C’est ce qui vous ouvrira aux autres et vous donnera de grandes consolations, la paix et une profonde joie.

Beaucoup d’entre vous, chers amis, ont souffert et continuent de souffrir des difficultés que nous rencontrons dans notre combat pour l’Eglise, pour maintenir son enseignement authentique, héritage légué au cours des siècles. Ne désespérez pas. Ne laissez pas l’amertume vous aigrir. La Fraternité Saint-Pie X est bien fidèle à la vraie doctrine. Toujours, face à la Crise de l’Eglise, votre critère doit être simple : restez en paix, tranquilles, tant que l’on ne change pas ce que vous avez toujours reçu : la Messe Catholique, les sacrements et le catéchisme que l’Eglise a transmis au cours des siècles. Si quelqu’un, soit moi-même, soit un ange du Ciel vous enseignait un autre Evangile que celui que nous vous avons prêché, qu’il soit anathème Gal 1,8.

Qu’il soit bien clair pourtant : l’obéissance ou le respect envers une autorité de l’Eglise ne peut jamais vous obliger à accepter ce qui mettrait gravement en danger la Foi ou le salut des âmes. Car nous sommes prêtres simplement pour transmettre ce dépôt, pour continuer, le plus fidèlement possible, l’oeuvre de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous n’avons pas d’autorité pour innover, et nous ne pouvons pas être un obstacle au salut des âmes. Lorsqu’un catholique est face à une telle situation, avec des preuves évidentes, il peut en toute paix de conscience désobéir : car il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes Ac 5,29. C’est cela l’esprit de l’Eglise Catholique.

Mais rappelez-vous toujours : tout, même le combat, même les différends, doivent être traités dans la charité. Ne jugeons pas les autres. Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés Lc 6,37.

Défendons la doctrine, n’attaquons pas les personnes. Car nous sommes disciples d’un Dieu d’amour et de miséricorde infinie : là est l’essentiel, il ne faut pas l’oublier. Que celui qui se croit debout prenne garde de tomber 1Cor 10,12 : si nous avons la vérité, ça n’est pas grâce à nous ; c’est grâce au Dieu qui nous l’a donnée. Aussi ne nous croyons pas meilleurs que les autres. Ce que nous avons reçu, nous l’avons reçu pour en faire profiter notre prochain, nos voisins, tous ceux qui sont à nos côtés.

Il m’a été un devoir de quitter ma Congrégation, pour m’être trouvé dans l’un de ces cas douloureux où l’on doit dire «non» en conscience. Je souhaite que cela ne vous arrive pas. Et cela ne m’empêchera jamais de reconnaître tout le bien qui se fait par et dans la Fraternité Saint-Pie X.

Nous ne devons pas nous choquer de trouver des défauts ou des erreurs parmi les membres de l’Eglise, même si ce sont des choses graves : l’Eglise est divine et humaine à la fois.

Elle enseigne un chemin qui mène réellement à la sainteté. Mais pour tous ce chemin est difficile à suivre : nous sommes tous pécheurs ! Apprenez de moi que Je suis doux et humble de coeur Mt 11,29.

Imitons la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et Son humilité toute simple. Il y a une force très grande en Lui, que l’on retrouve dans tous les saints de l’Histoire : Il prêche très simplement, très clairement, disant à tout un chacun ses quatre vérités. Mais en même temps Il a une miséricorde et une délicatesse incroyable lorsqu’Il traite avec les personnes : Il dénonce le péché, puis accepte de dîner à la table des pécheurs.

Pour terminer, je vous laisse ci-dessous sur la lecture d’un évêque du siècle dernier, Mgr Alain de Boismenu, qui fut Missionnaire dans l’un des apostolats les plus difficiles du globe, la Papouasie, pendant cinquante ans. Il commente à ses prêtres l’enseignement de l’Eglise, en reprenant les Papes, sur l’esprit qui doit être le nôtre : l’esprit de conquête, la soif de sauver les âmes de nos frères, de les gagner à Dieu.

Avant cela je me recommande à vos prières, afin que vous m’obteniez d’être chaque jour un peu plus fidèle à mon Dieu, et qu’Il daigne renouveler en moi les traits de Son Fils Prêtre.

Comptant sur votre aide et votre amitié, je vous confie aussi à Lui, spécialement à l’autel où Il s’offre pour nous, et je Le prie de vous bénir. Dans Son Coeur Sacré et Celui de Sa Mère,

Abbé Jean Devaulx de Chambord +
Prêtre pour l’éternité
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Lettre Pastorale de Mgr Alain de Boismenu (1870-1953)
Vicaire Apostolique de Papouasie
Sur la Propagation de la Foi et le règne du Christ-Roi

Pie XI (dans son Encyclique Rerum Ecclesiae) proclame la Loi suprême de l’Apostolat : le salut du plus grand nombre. (…) Euntes ergo, docete omnes. Dilater le règne du Christ partout, porter à tous les hommes le salut, c’est le seul but de l’Eglise militante, et par conséquent l’effort capital de ses soldats, notre travail à nous, ses plus lointains légionnaires. Quiconque, affirme le Pape, a mission de représenter Jésus-Christ en ce monde, loin de se borner à lui garder ses fidèles, doit tenir pour principal devoir de Lui gagner de nouveaux sujets. La conquête, telle est donc la première fonction de l’apôtre. Par état, c’est un conquérant. Et l’objectif de sa vie, la règle de tous ses efforts, doit être de gagner toujours plus d’âmes à l’empire de Son Maître. C’est à nous, ses prêtres, que le Christ, selon l’émouvant rappel du Pape, attend « l’utilité de Son Sang », à nous, Ses légats, qu’Il a confié le message du salut et sa course dans le monde. (…)

Cette extension, large et rapide, exige des ressources, du monde, la liberté surtout. Des ressources : les nôtres sont minces (…). Du monde : nos effectifs sont encore aujourd’hui ce qu’ils étaient il y a vingt ans (…). La liberté, voilà ce qui nous manque le plus pour aller de l’avant (…).

En attendant surtout de Dieu la liberté et les moyens de faire en grand l’évangélisation que veut Son Vicaire, faisons déjà, chacun dans notre sphère, l’effort demandé. (…) L’enseignement d’abord, dit le Pape ; à plus tard « les cathédrales et les évêchés » ! Je vous passe le mot : à plus tard les grandes bâtisses et les bonnes routes, à plus tard les grands travaux des établissements définitifs !
La Foi d’abord et le salut aux masses.
En fait, notre apostolat ne pourra, d’emblée, battre son plein. C’est évident. Mais combien son allure sera accélérée et sa portée amplifiée, s’il est dominé par le principe du salut du plus grand nombre ; si chacun, tenant la conquête pour son principal devoir, organise ses oeuvres et son temps, toute son activité en vue d’atteindre et de sauver, sans délai volontaire, le plus grand nombre possible des âmes à sa charge.

Ici, deux méthodes se présentent : s’établir, à loisir et solidement, au centre d’un District, se donner tout entier à créer là un foyer intense de vie chrétienne et des OEuvres de Jeunesse, d’où, plus tard, rayonnera la Foi dans le District, et qui aideront puissamment à son évangélisation. Ou bien, aussitôt le pied dans la place, entreprendre des sorties pour évangéliser les tribus excentriques, sans attendre l’épanouissement des OEuvres d’avenir. Le Pape préconise la seconde méthode ; c’est donc la bonne. Cette première prédication, large et rapide, sera nécessairement sommaire. Il suffit qu’elle porte au grand nombre des âmes en détresse, avec les vérités nécessaires, le salut. C’est l’essentiel.

Les visites pastorales viendront ensuite périodiquement affermir et développer ce germe de Foi, en attendant que, du Centre, le foyer chrétien et les écoles lui apportent l’influence de leurs élites et le soutien de Catéchistes permanents. Vous vous direz donc, mes chers Confrères (…) : j’ai dans mon peuple tant de chrétiens, tant de païens. Tous me réclament ; mais les païens plus que les chrétiens, parce que leur indigence spirituelle est plus grande et leur besoin de moi plus indispensable : Quomodo credent ei, quem non audierunt ? Quomodo autem audient sine praedicante ?

Je vais donc régler mon activité en vue de faciliter les moyens de salut à tous, mais selon les exigences de leur pauvreté spirituelle. Ainsi le veut l’ordre de la Charité, laquelle régit l’apostolat missionnaire. Et c’est pourquoi le Pape me donne comme principal devoir la conversion des âmes encore étrangères à l’Eglise : la conquête. Cet ordre de la Charité est-il toujours bien observé chez nous ? Nos chers chrétiens ne mangent-ils pas, de leurs Pères, la part des infidèles, ne laissant à ceux-ci, et encore, que les miettes du festin, auquel pourtant ils sont les premiers invités de Dieu.

Les chiffres de notre pratique chrétienne sont généralement fort beaux. Ils nous réjouissent (…). Mais le nombre de nos Catéchumènes n’est-il pas encore bien modeste, trop modeste pour tant de païens, qui (…) restent à convertir ? Et cependant, ce sont ces malheureux esclaves du diable qui sont les plus pressés ; ce sont eux que le Divin Maître nous réclame d’abord, pour la gloire de Son Père et la plus grande joie de Son Ciel.

(…) Je le sais (…) les païens de nos vieilles chrétientés sont bien indifférents. Il nous faut, du moins, faire des efforts positifs pour vaincre leur apathie, sortir de chez nous pour aller chercher ces pauvres âmes. Car c’est à nous d’aller à elles, comme le Divin Maître l’a dit et fait. Les attendre ne suffit pas.

Avant tout, il faut que notre prière sacerdotale et la prière de nos fidèles leur obtiennent des grâces de conversion ; il faut ensuite faire jouer le puissant attrait de la charité sous toutes ses formes : l’accueil, les services, les soins, vos gâteries mêmes et toutes ces industries de bonté employées par le divin Modèle. A Son exemple, appels publics, appels privés ; sans vous lasser, faites patiemment toutes les démarches d’un zèle doucement obstiné qui sait le prix de ses efforts, même s’ils restent vains.
(…) (Quant à la préparation des Catéchumènes) En principe, maintenez à l’épreuve sa durée maxima d’un an, mais ne soyez pas inexorables aux défaillances passagères, et sachez discerner, malgré les fléchissements, la bonne volonté qui suffit et donne droit au Baptême ; la volonté de passer du diable à Dieu (…). Pour l’avenir, il faut faire large crédit au Baptême et à ses vertus.

Facilement, on sous-estime ces forces surnaturelles ; elles sont pourtant le principal élément de la formation d’un Chrétien et garantissent plus que tout sa persévérance. Avec raison, l’on prévoit des chutes ; mais on les redoute trop, et, visant le mieux, on manque le bien.

Il est cent fois préférables de mener de chute en chute, jusqu’au ciel, un bon nombre de baptisés médiocres que d’y présenter une maigre élite, en laissant le reste à la porte. C’est toujours la grande loi de charité qui vient régir notre apostolat, lui réclamer le nombre, et, pour l’obtenir, nous impose de mesurer les secours aux nécessités. (…)

Oportet illum regnare.

Donné à St-Pierre-de-Tsiria
Le 11 juin 1926, fête du Sacré-Coeur
(Tiré du livre La Saintété au naturel, Editions Téqui)