25 juin 2013

[Paix Liturgique] A quand "l'Eglise pour tous"?

SOURCE - Lettre de Paix Liturgique - n°393 - 25   juin 2013

Le formidable élan de la “Manif pour tous” n'est pas sans conséquence sur la vie des paroisses françaises. En effet, un peu partout, les rangs des fidèles se sont resserrés. Une forme d’ “union sacrée” (on suppose que la communion ecclésiale surnaturelle ne fait pas défaut) commence à se percevoir là où il pouvait subsister quelques lignes d'opposition entre fidèles encore fidèles au grand songe conciliaire, et fidèles en réaction contre la crise postconciliaire. Évidemment, cette union/communion ne peut être que plus forte là où le clergé prend lui aussi conscience, à la suite du Pape et de nos évêques, qu'affirmer clairement et sereinement son identité catholique n'est pas un handicap ou, pire, un crime, mais au contraire un atout essentiel à l'heure de la nouvelle évangélisation.

Malheureusement, ce n'est pas partout le cas comme en témoigne l'incroyable éloignement, par le curé de Notre-Dame de Versailles, de l'un de ses vicaires, que révélait la semaine dernière notre confrère Maximilien Bernard sur Riposte catholique.

I – LES INFORMATIONS DE RIPOSTE CATHOLIQUE


a) « Scandale à Versailles : le curé de ND demande de virer un vicaire opposé au mariage pour tous »
Article de Maximilien Bernard, publié le 10 juin 2013 sur Perepiscopus pour Riposte catholique
Mgr Éric Aumonier a-t-il été pleinement informé de cette affaire ? Que lui a-t-on raconté pour le convaincre d’expulser un abbé de son diocèse ? A-t-il voulu apaiser l’un de ses curés, lesquels ne lui rendent pas toujours la vie très facile ? A-t-il pris en grippe lui aussi le vicaire de la paroisse Notre-Dame ? La question est posée.
Dans le contexte actuel : c’est parfaitement édifiant !
À Notre-Dame de Versailles, le père François, vicaire depuis 9 mois, va être remplacé et envoyé dans un monastère, sur le fondement de l’incompatibilité d’humeur avec le curé à sa demande auprès de l’évêque.
Rien de très grave, le vicaire a eu le tort d’un trop grand dynamisme dans la paroisse. Très rapidement il a su s’imposer auprès des jeunes, reconstruire une ambiance dans les aumôneries, les groupes scouts. Plutôt progressiste sur la forme mais attaché à l’unité et à la doctrine catholique, il a rapidement créé un élan de jeunesse dans cette paroisse, au grand bonheur des paroissiens dans toutes leurs diversités. La messe du dimanche soir qu’il célèbre accueille de plus en plus de monde, au grand dam du père Guy Cordonnier qui ne voulait absolument pas que la messe s’intitule messe des jeunes sur le bulletin paroissial, grand sujet de discorde entre eux ! Mais, plus grave encore, le vicaire a vivement invité les paroissiens à combattre la loi Taubira. C’est là probablement son péché le plus grave aux yeux du père Cordonnier.
[...] Petit à petit, et en quelques années, le père Cordonnier a créé l’unanimité contre lui. Son conseil pastoral a presque entièrement démissionné, il a révoqué son webmaster, et il reçoit très mal les associations familiales catholiques. Il éjecte parfois manu militari les familles avec enfants pendant les messes, il conteste l’autorité de son évêque, en refusant le Synode dans la paroisse, et surtout du Pape en déclinant l’application du Motu Proprio Summorum Pontificum alors que 125 familles demandent son application. Toutes les initiatives qui permettraient à cette paroisse de renaître sont systématiquement clouées au pilori, et aucun dialogue n’est possible avec personne.
Et aujourd’hui le père François qui, en bon prêtre catholique, a souhaité évangéliser les jeunes et moins jeunes est la victime expiatoire de la mauvaise volonté et humeur du père Cordonnier.
b) « Notre-Dame de Versailles : l'abbé F. tente de calmer le jeu »
Article de Maximilien Bernard, publié le 11 juin 2013 sur Perepiscopus pour Riposte catholique
Suite aux nombreuses réactions indignées par l’attitude du curé de la paroisse Notre-Dame à Versailles, l'ex-vicaire renvoyé par l’évêque, tente de calmer l’ambiance avec un message sur Facebook :
« Mes amis,
Mon départ de Notre-Dame suscite des réactions et des incompréhensions. Je les entends et je les comprends.
Cette décision relève sans doute plus d'une question de caractères que d'opposition sur des questions pastorales ou de société.
Je vous invite à traverser ces moments avec simplicité, bon sens et sérénité.
Je suis dans la paix et dans une communion profonde avec mon évêque.
Je vous invite à modérer l'usage des mails. Il ne construit pas. Je vous invite également à ne pas trop réagir sur la toile.
Je suis confiant. Notre paroisse est belle, elle grandira joyeusement. Confions-nous à la Vierge Marie.
Père François »
C’est bien légitime de sa part et cette réaction est compréhensible en regard de la tempête qu’il doit subir. Néanmoins, il ne faut pas oublier une chose importante, sinon nous tombons dans le cléricalisme : les prêtres sont au service des fidèles. Et les fidèles, floués par cette décision, ont parfaitement le droit de s’en plaindre, que ce soit auprès du curé ou auprès de l’évêque. Ces dernières décennies, les fidèles ont été les victimes des ambitions, du carriérisme, des caprices des clercs. Et beaucoup ont quitté l’Église pour ces raisons. À une époque, les fidèles bottaient le derrière des clercs qui n’en faisaient qu’à leur tête. Les catholiques sont restés passifs des années, durant la crise post-conciliaire. Il semble qu’ils ne comptent plus se laisser faire et c’est une bonne chose. Le cléricalisme, c’est fini.
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE


1) Cette semaine, notre propos n'est pas directement liturgique mais le sujet est tellement symptomatique des maux de l'Église de France qu'il ne saurait nous laisser indifférents. Comme le Recteur de Notre-Dame de Paris, qui refuse de voir les anciennes cloches de la cathédrale continuer à sonner pour les enfants de Riaumont (voir nos lettres 367 et 380), le curé de Notre-Dame de Versailles préfère perdre un vicaire dynamique et apprécié que de remettre en cause sa pastorale.

L'enjeu est tout simplement le bien de l’Église : le père François, même s'il ne partage pas notre sensibilité, fait de l'aveu de tous du bon travail pastoral. Or, pour une simple « question de caractères » (nous en tenant donc à l'explication avancée par le père François lui-même), le fait est que dans l'Église de France, on préfère s'amputer d'un membre sain que de remettre en question le poumon déficient.

2) Que cette affaire se déroule à Versailles n'étonnera que ceux qui croient encore qu'un style conservateur comme celui de l’administration diocésaine locale est un gage de bon sens pastoral, de charité diocésaine et d'esprit romain. L'intelligence pastorale, cela fait belle lurette que plus personne n'y croit dans le diocèse, y compris parmi les nombreux fidèles ayant participé au Synode diocésain de 2010 dont on attend toujours qu'il abandonne la langue de buis et qu'il se traduise par une dynamique nouvelle. La charité diocésaine, les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain savent bien qu'elle ne s'applique pas à eux : aucune des demandes d'application paroissiale du motu proprio Summorum Pontificum n'a été entendue, et notamment celle de Notre-Dame de Versailles (la paroisse qui nous occupe aujourd'hui), qui avait pourtant fédéré plus de 125 familles. Quant à l'esprit romain, le pape François travaille à la réforme de la Curie romaine ; Mgr Aumonier ne devrait-il pas s'atteler à réformer sa Curie diocésaine, du moins à en changer radicalement l’esprit ?

3) Dans une Église de France dont tous les voyants sont au rouge vif, comment peut-on encore répondre à ce que nous ne qualifierons, eu égard au père François, que « d'incompatibilité d'humeur », par l'autoritarisme aveugle et l'exclusion ?

En nous appelant à la nouvelle évangélisation, les trois derniers papes nous ont indiqué clairement le chemin : nul ne saurait être de trop dans l'Église, ce qui signifie que tous les charismes doivent pouvoir s'exprimer dans le respect du Magistère et de la communion ecclésiale. En outre, la jeunesse doit faire l'objet d'une catéchèse décidée, pourvu que ce soit avec clarté doctrinale et ouverture pastorale, comme cela était le cas du père François à Notre-Dame de Versailles. Enfin, cheville ouvrière indispensable à la nouvelle évangélisation, le prêtre doit veiller « toujours à raviver la grâce » de son onction sacerdotale « afin d'être toujours pasteur selon le cœur de Dieu » (messe chrismale du pape François, Jeudi Saint 2013) et éviter ainsi de n'être qu'un fonctionnaire ou un opérateur social.

Or, c'est bien à un comportement typique de la plus médiocre des administrations que l'on assiste, hélas, à Notre-Dame de Versailles...

4) Au père François, au malheureux curé qui a obtenu son injuste et stupide éloignement et à l'administration diocésaine, nous dédions ces lignes prononcées par le bon pape François lors de sa rencontre avec les évêques italiens, le 23 mai 2013 : « Mettons donc de côté toute forme d’arrogance, pour nous pencher sur ceux que le Seigneur a confiés à notre sollicitude. Parmi eux, nous devons réserver une place particulière, bien particulière, à nos prêtres : que pour eux en particulier, notre cœur, notre main et notre porte restent ouverts en toutes circonstances. Ce sont les premiers fidèles que nous avons, nous les évêques : nos prêtres. Aimons-les ! Aimons-les de tout cœur ! Ce sont nos enfants et nos frères ! »