SOURCE - DICI - 23 décembre 2016
Les dubia des cardinaux Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner (voir DICI n°345 du 25/11/16 et n°346 du 09/12/16) n’ont toujours pas reçu de réponse de la part du pape François, mais les déclarations de soutien se multiplient. A Rome, on sait que ces dubia ont été publiés par quatre cardinaux nommément, mais qu’ils étaient six à l’origine.
A ce jour, trois évêques et trois cardinaux ont fait savoir leur approbation : Mgr Jozef Wrobel, évêque auxiliaire de Lublin (Pologne) dans un entretien à La Fede Quotidiana du 21 novembre ; Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana au Kazakhstan dans The Remnant du 23 novembre (voir DICI n°346 du 09/12/16) ; Mgr Jan Watroba, président du Conseil pour la famille de la Conférence des évêques de Pologne dans une déclaration rapportée par Die Tagespost du 23 novembre. Egalement, le cardinal George Pell, préfet du Secrétariat pour l’économie, dans des propos tenus à Londres et rapportés par le Catholic Herald le 29 novembre ; le cardinal Paul Josef Cordes, président émérite du Conseil pontifical Cor Unum, dans un entretien accordé à l’agence autrichienne Kath.net, le 13 décembre ; et le cardinal Renato Raffaele Martino, ancien président du Conseil pontifical Justice et Paix, répondant aux questions de La Fede Quotidiana du 16 décembre.
« Comme un navire sans gouvernail »
A ces soutiens d’évêques et de cardinaux, s’ajoute la déclaration vigoureuse de 23 prêtres et universitaires, parue sur Chiesa le 8 décembre : « Comme chercheurs et pasteurs d’âmes catholiques, nous désirons exprimer notre profonde gratitude et notre plein soutien à l’initiative courageuse des quatre membres du Collège cardinalice, Leurs Eminences Walter Brandmüller, Raymond Leo Burke, Carlo Caffarra, Joachim Meisner. (…)
« Différents commentateurs, parmi lesquels en particulier le professeur Claudio Pierantoni dans une étude historico-théologique récente (voir DICI n°346 du 09/12/16), ont fait valoir que, comme résultat de la confusion généralisée et de la division qui découle de la promulgation d’Amoris lætitia, l’Eglise universelle entre dans un moment gravement critique de son histoire, qui présente des similitudes alarmantes avec la grande crise arienne du IVe siècle. Durant ce conflit catastrophique, la majorité des évêques, y compris le successeur de Pierre lui-même, vacillèrent sur la divinité même du Christ. Beaucoup ne tombèrent pas complètement dans l’hérésie ; toutefois, désarmés par la confusion ou affaiblis par la pusillanimité, ils cherchèrent des formules de complaisance ou de compromis, dans l’intérêt de la “paix” et de l’”unité”.
« Aujourd’hui, nous assistons à une crise métastatique similaire, cette fois sur des aspects fondamentaux de la vie chrétienne. D’un côté, on continue à prêcher, en paroles, l’indissolubilité du mariage, la nature gravement peccamineuse de la fornication, de l’adultère et de la sodomie, la sainteté de l’Eucharistie et la terrible réalité du péché mortel. De l’autre, cependant, un nombre croissant de prélats et de théologiens importants sont en train de compromettre ou de nier ces doctrines – et jusqu’à l’existence même des interdictions négatives absolues, sans exception, de la loi divine, qui régissent le comportement sexuel – avec leur accent exagéré et unilatéral mis sur la “miséricorde”, l’accompagnement “pastoral” et les “circonstances atténuantes”.
« Etant donné que le pontife régnant lance des signaux très confus dans cette bataille contre les “principautés et puissances” de l’ennemi, la barque de Pierre va dangereusement à la dérive comme un navire sans gouvernail et, en réalité, présente des symptômes de désintégration naissante.
« Dans cette situation, nous croyons que tous les successeurs des Apôtres ont un devoir grave et urgent de parler avec clarté et force pour conformer les enseignements moraux clairement définis dans le magistère des papes précédents et du Concile de Trente. »
Parmi les signataires de cette déclaration se retrouvent plusieurs noms de prêtres et d’universitaires qui avaient fait paraître, le 29 juin 2016, une critique d’Amoris lætitia (disponible intégralement sur le site de DICI du 09/08/16), elle aussi, restée sans réponse.
« Vers une conclusion inconnue »
Ce silence sur les doutes que suscite Amoris lætitia risque d’avoir des effets imprévus. Le vaticaniste Edward Pentin, répondant aux questions du site Regina, le 8 décembre, affirme : « Je pense que si le pape continue à ne pas répondre et si la demande de réponse persiste, un nombre croissant de membres du Collège (cardinalice) prendra position en faveur des quatre cardinaux, et le fera probablement publiquement. Nous risquons donc de voir un dénouement assez rapide de ce pontificat vers une conclusion inconnue. »
Un peu avant dans l’entretien, le journaliste avait déclaré : « Jusqu’à présent, la réaction a été intéressante : presque tout le collège des cardinaux et la Curie romaine sont restés silencieux, ils n’ont pas soutenu les cardinaux et, plus important encore, ils ne se sont pas manifestés en faveur du pape et de sa décision de ne pas répondre. Si par silence, on entend accord avec les dubia, alors on pourrait dire que la grande majorité est en faveur des quatre cardinaux. Ce n’est qu’une spéculation bien sûr, mais il n’est pas impossible que cela puisse être vrai, étant donné que depuis des mois, on entend une partie importante des membres de la Curie dire qu’ils se sentent très mal à l’aise à propos de ce qui se passe. »
Dans Correspondance européenne du 16 décembre, l’historien Roberto de Mattei montre « l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui le pape » : « Les dubia présentés par les quatre cardinaux (Brandmüller, Burke, Caffarra et Meisner) à la Congrégation pour la doctrine de la foi, l’ont placé dans une voie sans issue. Face à l’exhortation apostolique Amoris lætitia, les cardinaux demandent au pape de répondre clairement, par oui ou par non, à la question suivante : les divorcés qui se sont remariés civilement et ne veulent pas abandonner la situation objective de péché dans laquelle ils se trouvent, peuvent-ils légitimement recevoir le sacrement de l’Eucharistie ? Et, de façon plus générale : la loi divine et naturelle est-elle encore absolue, ou admet-elle en certains cas des exceptions ?
« La réponse concerne les fondements de la morale et de la foi catholique. Si ce qui était valide hier ne l’est pas aujourd’hui, ce qui est valide aujourd’hui pourrait ne pas l’être demain. Mais si l’on admet que la morale peut évoluer, selon les époques et les circonstances, l’Eglise est destinée à sombrer dans le relativisme de la société liquide actuelle. S’il n’en est pas ainsi, il faut destituer le cardinal Vallini, qui dans son intervention au congrès pastoral du diocèse de Rome, le 19 septembre, a affirmé que les divorcés remariés peuvent être admis à la communion, selon un “discernement qui distingue de façon adaptée, au cas par cas”. Sa position a été reprise le 2 décembre par le quotidien Avvenire, organe de la Conférence épiscopale italienne, selon lequel Amoris lætitia a exprimé des “paroles très claires sur lesquelles le pape a mis son imprimatur“. Mais le pape peut-il attribuer au “discernement” des pasteurs la faculté d’enfreindre la loi divine et naturelle dont l’Eglise est la gardienne ? »
A cette question le cardinal Burke répondait en 2015, dans son livre Un cardinal au cœur de l’Eglise (voir DICI n°321 du 25/09/15) : « Il est impossible que l’Eglise change son enseignement en ce qui concerne l’indissolubilité du mariage. L’Eglise, l’Epouse du Christ, obéit aux paroles de celui-ci au chapitre 19 de l’évangile de saint Matthieu, qui sont très claires en ce qui concerne la nature du mariage. Personne ne conteste qu’il s’agit là des paroles mêmes du Christ, et d’après la réponse des apôtres, le poids de ces paroles pour ceux qui sont appelés à la vie conjugale est très clair. Dans son enseignement sur le mariage, le Christ précise bien qu’il expose la vérité sur le mariage tel que celui-ci était depuis le commencement, tel que Dieu le voulait dès la création de l’homme et de la femme. Autrement dit, l’indissolubilité du mariage est une question qui relève de la loi naturelle, de la loi que Dieu a écrite sur le cœur de chaque homme. Le Saint-Père, en tant que successeur de saint Pierre dans sa charge pastorale de l’Eglise universelle, est le premier parmi les chrétiens à être tenu d’obéir à la parole du Christ ». (Artège éd., pp. 130-132)
(Sources : FedeQuot /Cath.Herald /Remnant /Kath /Tagespost /lifesitenews /chiesa /OnePeterFive /Corresp.europ – trad. A. de Guitaut et benoitetmoi – DICI n°347 du 23/12/16)