Il existe une querelle dans l’Église de France. Cette querelle n’est certes pas la seule, mais elle
est bien présente, et cacher la poussière sous le tapis n’aidera pas à la résoudre. Cette querelle est
celle de la demande de la liturgie traditionnelle (« rite extraordinaire »). Les uns disent : « Si la
messe traditionnelle était proposée de façon large et accessible, elle rallierait de nombreux fidèles ».
D’autres rétorquent : « En fait, la demande est marginale et, quand on propose une telle messe, elle
ne bénéficie que d’un succès d’estime ». Comment les départager?
On peut noter, tout d’abord, que les propositions concrètes de célébration de la messe
traditionnelle sont, le plus souvent, très insatisfaisantes. Le rédacteur de ces lignes habite à côté
d’un lieu où cette messe est célébrée chaque dimanche dans le cadre diocésain, et attire un nombre
non négligeable de fidèles. Malheureusement, cette messe est supprimée durant l’été, ce qui
disloque annuellement la communauté. Et, ordinairement, à travers la France, les conditions sont
pires : célébration dans un lieu excentré, irrégulière, par des prêtres qui connaissent mal ce rite, etc.
Ce n’est pas toujours le cas, mais ça l’est néanmoins souvent. Le jeu n’est donc nullement égal
entre le « rite ordinaire » et le « rite extraordinaire », et permet difficilement la comparaison.
L’association « Paix liturgique » (www.paixliturgique.com) a tenté d’éclairer cette querelle par
un autre biais, indépendant de la bonne ou mauvaise volonté des uns et des autres : celui de sonder,
non pas la réalité déjà effective de la messe traditionnelle, mais la demande qui pourrait en être
faite. Elle publie ainsi un petit ouvrage de 78 pages sous le titre Neuf sondages pour l’histoire.
Sont donc présentés et commentés trois sondages réalisés en France (successivement en 2001, en
2006 et en 2008), un sondage en Italie (2009), un en Allemagne (2010), un au Portugal (2010), un
en Grande-Bretagne (2010), un en Suisse (2011) et un en Espagne (2011). Les organismes de
sondage sont réputés et bien implantés dans les divers pays (Ipsos, CSA, Doxa, Harris Interactive,
Démoscope). Le questionnaire, l’échantillon et la ventilation des résultats sont évidemment réalisés
selon des méthodes scientifiques reconnues.
Les questions varient selon les époques et les lieux (suivant, par exemple, qu’on se situe avant ou
après le Motu proprio de 2007), mais une question à peu près identique est posée de façon
récurrente : « Si, près de chez vous, était célébrée une messe selon le rite traditionnel, y assisteriezvous
? ». Or, dans chaque pays, ou à chaque époque pour les trois sondages français, une part non
négligeable des personnes sondées a répondu « Certainement » (la réponse la plus forte) ou
« Probablement », avec des scores dépassant systématiquement les 25 %.
Nous savons que les sondages ne sont pas la réalité, mais seulement une photographie de la
réalité à un instant donné. Cependant, la constance de ce haut niveau de réponses à travers le temps
et l’espace constitue un fait objectif qu’un esprit sérieux ne peut omettre de considérer.