SOURCE - Ennemond - Le Forum Catholique - 18 mai 2017
Sept doyens du district de France de la Fraternité Saint-Pie X se sont émus du fait que le Saint-Siège reconnaisse désormais la validité des mariages reçus par les prêtres de l’œuvre fondée par Mgr Lefebvre. Le moyen qu'ils ont employé a fait l'objet de sanctions et de réactions ces derniers jours. Qu’en est-il du fond ? Leur émotion, les signataires l’expliquent par le fait que Rome conditionnerait la validité des mariages. Il faudrait en effet qu’un prêtre diocésain soit délégué pour recevoir les consentements ou bien que les pouvoirs de marier soient explicitement donnés par l’évêque du lieu au prêtre administrant le sacrement.
Ce qu’omet complètement de dire la lettre, c’est que, jusqu’ici, les mariages reçus dans la Fraternité étaient considérés comme invalides aux yeux de Rome, c’est-à-dire qu’ils ne valaient pas plus qu’un vulgaire concubinage. Or, avec le texte romain, ce n’est désormais plus le cas aujourd’hui. C’est évidemment une première et immense avancée.
Les contestataires reprochent le fait que les mariages de la Fraternité soient désormais soumis à des officialités fonctionnant selon les principes modernistes en cas de nullité à établir. Aurait-on l’honnêteté de rappeler la situation qui perdurait jusque là ? Les mariages célébrés dans la Fraternité étaient purement et simplement annulés pour vice de forme et les conjoints pouvaient allègrement convoler ailleurs. Est-ce à cet état d’hypocrisie généralisée que veulent revenir les signataires de la lettre ? Faire passer devant une commission, certes imparfaite, les cas de reconnaissance en nullité des mariages célébrés dans la Fraternité, c’est déjà une amélioration et il n'est pas impossible d'y apporter un avis canonique éclairé. Deuxième avancée.
Par ailleurs, ce que ne disent pas non plus les doyens, c’est que des évêques locaux ont déjà, pour l’instant, accordé aux prêtres de la Fraternité tout pouvoir d’administrer les sacrements dans leurs diocèses respectifs. Certes Mgr Rey n’est pas l’évêque le plus hostile aux questions traditionnelles. Mais, le premier à avoir agi, Mgr Planet, n’avait pas particulièrement celles-ci dans son cœur ces dernières années. Ces obtentions là permettent une liberté totale. Troisième avancée.
Les évêques, en général, n’ont pas pléthore de prêtres sous la main pour aller recevoir les consentements des traditionalistes convolant sur le secteur de leur diocèse. Ils préfèrent logiquement régler le problème que leur a soumis le pape en accordant tous les pouvoirs aux prêtres de la Fraternité. Cependant, on brandit, ici ou là, comme un épouvantail la perspective qui ferait qu’un évêque diligenterait un pasteur destructeur décidé à bloquer les demandes, voire empêcher les mariages. Or ce n’est là qu’une hypothèse redoutée et non réalisée. Si le risque était de faire capoter les unions ou d’entendre diffuser des hérésies répétées, il n’y aurait pas grande difficulté à démontrer que la suppléance agit dans ces situations.
Certes le texte sur les mariages a quelques imperfections, mais les textes du Motu Proprio et de la levée d’excommunications avaient les leurs. Il n’en demeure pas moins qu’ils constituaient des avancées évidentes. Les doyens signataires ont tous, un jour ou l’autre, bénéficié eux-mêmes de permissions pour marier, pour utiliser ici une église, et même, dans certains cas, pour recevoir d’un évêque, les pouvoirs pour marier. C’était des détenteurs de la juridiction qui conféraient à ces prieurs leur juridiction ordinaire, sans que ces derniers aient l’impression de perdre en d'autres occasions leur juridiction extraordinaire, sans qu’ils semblent avoir douté un instant de la validité de ce qu’ils conféraient jusque-là.
Aussi, cette question des mariages apparaît bien comme un prétexte pour déstabiliser l’autorité et pour exercer contre elle une pression face à l'imminence annoncée de l'obtention d'une prélature, structure qui, soit dit en passant, permettrait enfin aux prêtres d'avoir leur propre juridiction ordinaire et de recevoir les sacrements partout sans qu'ils soient mis en doute extérieurement. Elle permettrait aussi à la Fraternité d'avoir officiellement ses propres tribunaux ecclésiastiques pour juger des cas litigieux.
Toutes les perspectives de cette reconnaissance, redoutée par les signataires, sont entre les mains du pape qui peut agir comme il veut, quand il veut, comme il l’a fait dans des cas dernièrement. À la tête d’un milliard de catholiques, il n’a pas forcément le souci de ménager les lettres qui sont écrites en marge du district de France de la Fraternité Saint-Pie X. Que faudra-t-il faire s'il agit ? Dire qu'il n'est pas pape ? Refuser délibérément et volontairement de marier sous prétexte que cet acte serait posé volens nolens en vertu d'une juridiction concédée sans condition ? Ce serait s'aventurer dans des situations ecclésiologiques qu'a toujours réprouvées le fondateur.