15 mai 2017

[Lettre des Dominicains d’Avrillé] Traverser la Passion de l'Eglise

SOURCE - Lettre des Dominicains d’Avrillé (n°81) - mai 2017

Le soir du Jeudi Saint, Notre-Seigneur Jésus-Christ eut avec ses Apôtres un long entretien connu sous le nom de « Discours après la Cène » (Jn 13, 31 à 16, 31).
     
Lors de la Cène, Jésus a ordonné ses Apôtres prêtres et évêques et les a communiés pour la première fois. Il a annoncé la trahison de Judas, qui est sorti dans la nuit pour accomplir son crime. Jésus est soulagé et peut ouvrir son cœur. Il profite de ces moments d’intimité avec ses Apôtres pour les préparer à son départ prochain et aux persécutions qui vont suivre. Autrement dit, il les prépare à sa passion et leur donne les conseils nécessaires pour bien la traverser. Hélas ! ils n’en tiendront pas compte et la prophétie de Jésus va se réaliser : « Vous serez dispersés, chacun de son côté, et vous me laisserez seul. » 
   
Alors que se déroule sous nos yeux la passion de l’Église, il nous est utile de méditer ce discours. A l’heure où le pasteur est frappé et les brebis dispersées, écoutons les conseils – les consignes – de Jésus pour traverser cette crise en restant fidèles.
Commentaire de saint Thomas d'Aquin
Saint Thomas d’Aquin a laissé un très beau commentaire de l’Évangile de saint Jean. Résumons brièvement ce qui concerne ce discours. 
   
Après une introduction (Jn 13, 31-38), où Jésus indique le but de la passion (la gloire de Dieu rétablie par le sacrifice parfait de la croix) et les conditions pour lui rester unis (la charité et l’humilité), il conforte ses disciples contre deux sentiments qui les troublent : la tristesse provoquée par son départ (chapitre 14) et la crainte des persécutions (chapitre 15). 
     
Son départ ne doit pas les troubler, car il leur apportera trois avantages :
  • un libre accès au Père par Jésus, « le chemin » et la parfaite image du Père,
  • la venue du Paraclet,
  • et son propre retour (de manière nouvelle). 
Le Paraclet apportera son don : la parfaite connaissance de Dieu ; et Jésus le sien : la paix, sa paix à lui. 
   
Puis, Jésus fortifie ses Apôtres contre la crainte des persécutions, dont la passion est le prélude. C’est la magnifique allégorie de la vigne : les chrétiens, sarments c’est à dire membres du Corps Mystique, doivent être purifiés par la souffrance pour porter du fruit, non seulement des fruits de sainteté, mais aussi des fruits d’apostolat. Les conditions pour que cette purification et cette fructifications’accomplissent sont : recevoir la parole de Jésus (la foi purifie l’intelligence), la prière (car ce travail est surnaturel) et surtout l’amour de Jésus prouvé par la pratique de son commandement. 
    
Notre-Seigneur ne se contente pas de parler de son Corps Mystique, il veut faire connaître aux Apôtres l’origine des persécutions: le monde, ennemi de Notre-Seigneur. Le monde est uni par la haine, comme l’Église l’est par la charité. La haine du monde pour les amis de Jésus est un motif de consolation : elle les rend conformes à leur maître. De plus, soutenus par le Saint-Esprit, ils en tireront l’occasion de témoigner, jusqu’au martyre s’il le faut. 
   
Le chapitre 16 ajoute quelques précisions sur les deux motifs de trouble des Apôtres et leurs remèdes. Quant aux persécutions, les Apôtres auront à souffrir non seulement des païens, mais aussi des juifs, qui les chasseront des synagogues et croiront plaire à Dieu en les mettant à mort. Quant à l’absence (sensible) de Jésus, les trois personnes divines interviendront pourconsoler : le Saint-Esprit convaincra le monde de son péché, Jésus apportera une joie (intérieure) parfaite, enfin le Père écoutera désormais favorablement toute prière faite au nom de Jésus, par ceux qui aiment Jésus. Un voile de tristesse passe sur le visage de Jésus à la pensée de la défection prochaine des Apôtres, mais aussitôt il leur promet la paix et les encourage : Ayez confiance, j’ai vaincu le monde.
Application à la situation actuelle
Dans la passion de l’Église, nous devons d’abord nous persuader que Dieu ne la permet que pour en tirer plus de gloire (sans doute le triomphe du Cœur Immaculé de Marie promis à Fatima) ; nous devons aussi nous efforcer de rester dans la charité et l’humilité, conditions indispensables pour recevoir les secours promis. 
    
Du fait de la crise dans l’Église, nous ne bénéficions plus des secours spirituels habituels, notamment la facilité d’assister à la messe et de recevoir les sacrements. Nous devons en profiter pour accroître notre vie intérieure, la vie d’union aux trois personnes divines présentes dans l’âme en état de grâce. Prévoyons de réserver chaque jour un temps à la méditation pour mieux connaître Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Voie, la Vérité et la Vie, nous laissant guider par le Saint-Esprit. Il faut d’ailleurs nous mettre habituellement sous l’influence de cet hôte invisible de notre âme (« vous, vous le connaîtrez, parce qu’il demeurera avec vous, et qu’il sera en vous ») en suivant ses impulsions quand il nous pousse à la charité ou au sacrifice. Il faut enfin nous maintenir dans la paix de Jésus, fruit de l’ordre et de la justice, ainsi définie par saint Augustin : sérénité de l’esprit (ordre dans l’intelligence), tranquillité de l’âme (dans nos passions), simplicité du cœur (la volonté), concorde avec le prochain et avec Dieu.
    
Quant aux persécutions, puisque Jésus a prédit aux Apôtres qu’ils auraient à souffrir des juifs (ce qui leur fut particulièrement douloureux), ne nous étonnons pas de souffrir de la part des membres de l’Église, soumis depuis le dernier Concile à l’influence du monde [1], autrement dit la Contr-eÉglise (la franc-maçonnerie, le communisme, les arrière-loges mettant en place le mondialisme neutre, c’est-à-dire anti-chrétien, etc.). 
    
Les souffrances que nous endurons de la part du monde et les privations que nous nous imposons pour nous préserver de son influence, serviront à notre sanctification, à consoler le Cœur Immaculé de Marie, à sauver les pécheurs et, d’une manière mystérieuse, à préparer la victoire de Jésus et de sa Mère : « Ayez confiance, j’ai vaincu le monde.»
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[1] — Un des moyens les plus efficaces dont le monde se sert aujourd’hui pour tuer la vie divine dans les âmes, c’est internet. 90% des jeunes consulteraient des sites pornographiques. Indépendamment de l’impureté, les écrans sont anti-contemplatifs, car ils captivent les sens et gênent les opérations les plus nobles de l’intelligence, le jugement et la contemplation. — Le remède ? : la lecture méditée.