15 mai 2017

[Abbé Philippe Toulza, fsspx - Fideliter]

SOURCE - Abbé Philippe Toulza, fsspx - Fideliter - mai-juin 2017

On ne peut ni célébrer la messe de Paul VI, ni y assister. C'est ce que pensent les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X , d'autres communautés, et de nombreux fidèles.
Cette affirmation paraît dure. Beaucoup la refusent. Soit ils prennent franchement la défense du Novus Ordo Missæ, soit, à tout le moins, ils nous disent : « Vos blâmes sur la nouvelle messe sont excessifs. La célébrer, ou y assister, n’est pas défendu. » En particulier, on entend les objections suivantes :

1. Les défauts de la messe de Paul VI sont réels : elle est donc imparfaite. Mais ils ne sont pas tels qu’on puisse la dire illégitime. En un mot, elle est moins bonne que le rit traditionnel, mais pas pour autant mauvaise.

2. Il y a des circonstances dans lesquelles la messe de Paul VI est bien dite, par exemple quand elle est célébrée en latin, dos au peuple, par un prêtre pieux et sérieux, avec la première Prière eucharistique. Dans ces cas, y assister (ou la célébrer) n’est pas interdit, et même au contraire.

3. La messe selon le rit de Paul VI a été dite chaque jour par les papes Paul VI, Jean- Paul II et Benoît XVI ; par les cardinaux Burke et Sarah. Soeur Lucie, qui a vu la sainte Vierge, y a assisté, et de nombreux saints religieux et saintes religieuses. Il n’est du coup pas raisonnable de soutenir qu’on ne peut ni la célébrer ni y assister !

4. En promulguant ce rit de la messe, le pape Paul VI a fait, pour l’Église, une loi de la célébrer et d’y assister selon ce rit ; cette loi oblige. Or, le pape ne peut pas se tromper quand il promulgue une loi pour l’Église entière : en effet, il est alors infaillible. Donc, la messe de Paul VI est bonne.

Avant de répondre à chacune de ces objections, expliquons pourquoi nous considérons qu’on ne peut ni célébrer, ni assister activement à la messe de Paul VI, que ce soit le dimanche ou en semaine. La raison de fond peut être résumée ainsi :
(A) On ne peut pas célébrer la messe selon un rit non catholique, ni y assister.
(B) Or la messe de Paul VI est un rit non catholique.
(C) Donc on ne peut pas célébrer la messe de Paul VI, ni y assister.
La première considération (A) rappelle simplement qu’il n’est pas licite de participer à un rit non catholique (canon 1258). Par exemple, si l’on se trouve le dimanche dans un pays où il n’y a pas de messe catholique, il n’est pas pour autant permis d’aller prier à une messe orthodoxe, ou a fortiori dans le cadre d’un culte protestant.

La deuxième affirmation (B) est plus abrupte. On la prouve ainsi : tout rit de la messe qui, bien qu’ayant été approuvé par le Saint-Siège, est à la fois indigne du culte divin et de la réitération sacramentelle du sacrifice de la Croix, et qui est davantage né­faste que profitable à ceux qui le célèbrent ou y assistent, est un rit non catholique. Or le rit de Paul VI, bien qu’il ait été approuvé par le Saint-Siège, est indigne du culte et de la représentation sacramentelle du Calvaire, et davantage néfaste que profitable aux âmes. Par conséquent, il ne mérite pas l’appellation de catholique.

Mais comment, précisément, parvient-on à la conviction de cette indignité et de ce danger pour les âmes qu’il représente ? Par les arguments qui ont été exposés dans diverses études (livres et revues), et dont la plupart sont rappelés dans ce dossier.

Notons qu’on ne peut pas dire que cette messe soit invalide en soi (bien qu’elle puisse l’être ici et là). Elle est une vraie messe, parce que la matière du sacrement (pain et vin) et les paroles prononcées sur cette matière (Ceci est mon corps...) sont celles que Jésus-Christ a instituées. Le coeur (la substance) de la messe, à savoir la consécration, n’est donc, de soi, pas absent de ce rit. Toutefois, ce n’est pas une messe catholique, ce qui la rend illicite. Car ce qui entoure le coeur de la messe n’est pas digne du culte catholique et constitue plus un danger qu’un profit pour les âmes.

En outre, les défauts de ce rit sont plus souvent des manques (par exemple la raréfaction du rappel du sacrifice) que des affirmations frisant l’hérésie ou des gestes irrévérencieux. Chacun de ces défauts (par exemple la réduction du nombre de génuflexions, la participation mal comprise des fidèles) ne suffit pas à se détourner de la messe de Paul VI. Mais c’est l’ensemble, l’ordre général (plus exactement le désordre, appelé en théologie privation), le tout composé de ces divers manquements qui mène, hélas, à juger qu’elle « s’éloigne, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique du sacrifice de la messe ». Il y a du sacré ici et là dans ce rit, mais pas suffisamment pour faire que l’ensemble soit sacré ; il y a des prières et des gestes qui conviennent au sacrifice rédempteur, mais pas suffisamment pour que le rit soit digne du sacrifice ; il y a des bienfaits à en attendre pour la piété des fidèles, mais ce rit est plus propice à leur faire du mal que du bien. Du reste, l’état des croyances et de la piété chez les catholiques aujourd’hui, est un indice de tout cela.

Il reste à répondre aux objections présentées plus haut.

1. Une fois que l’on a constaté l’ensemble des défauts de cette messe, faut-il en conclure qu’elle est seulement imparfaite, ou plutôt qu’elle est illicite ? À ce stade il y a une appréciation à poser. La vérité, c’est que les défauts sont tels qu’ils la rendent illi­cite. Toutefois, du fait qu’elle vient du pape lui-même, et qu’elle est célébrée partout depuis des dizaines d’années, il n’y a rien d’étonnant à ce que beaucoup de catholiques hésitent à se ranger à cette appréciation. Ce sont donc d’abord l’autorité de Rome et l’habitude d’as­sister à cette messe qui empêchent de nom­breux catholiques de juger ce rit comme il faut. De ce fait, il serait absurde d’être rigou­reux envers ceux qui ne partagent pas le point de vue de la Fraternité.

2. Le fait que cette messe puisse être dite tantôt « sérieusement », tantôt cahin-caha, est déjà un grave défaut. Quoi qu’il en soit, même célébrée par un prêtre fervent, cette messe garde ses difformités intrinsèques. Il y a dans ce cas une disproportion entre la qualité du célébrant et le rit qu’il célèbre, comme une mauvaise pièce de théâtre que jouerait un bon acteur.

3. Il est étonnant et à peine croyable qu’un rit pas vraiment catholique soit célébré par les papes, les évêques, et que de saintes per­sonnes y assistent, c’est vrai. Mais rien, dans la constitution de l’Église, ne garantit que ce soit impossible. Du reste, il est aussi étonnant, et à peine croyable, que dans l’Église il y ait eu Dignitatis humanæ, les réunions d’Assise et Amoris lætitia, qui sont des faits.

4. Le pape, lorsqu’il promulgue une loi liturgique pour l’Église universelle, est infaillible. Or la promulgation de cette messe a les apparences d’une loi liturgique pour l’Église. Cette quatrième objection est donc sérieuse. On y a répondu, à la suite du canoniste l’abbé Raymond Dulac, que malgré les apparences il n’y a pas eu de véritable promulgation. Certains (l’abbé Anthony Cekada, par exemple) ont tenté de réfuter l’argumentation de l’abbé Dulac, en soutenant que Paul VI a voulu vraiment obliger les prêtres à célébrer selon le nouveau rit, ce qui revenait à interdire le rit traditionnel. Mais leur réfutation a pris du plomb dans l’aile depuis le motu proprio Summorum pontificum, puisque Benoît XVI y a confirmé que Paul VI n’avait jamais interdit le rit traditionnel.

Abbé Philippe Toulza, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X