SOURCE - Signo - Le Forum Catholique - 13 mai 2017
Dans un entretien donné le 24 janvier 1979 au journal La Croix, le célèbre ethnologue Claude Lévi-Strauss expose sa pensée et donne notamment son avis sur l'évolution en cours des pratiques liturgiques catholiques:
Dans un entretien donné le 24 janvier 1979 au journal La Croix, le célèbre ethnologue Claude Lévi-Strauss expose sa pensée et donne notamment son avis sur l'évolution en cours des pratiques liturgiques catholiques:
"Comment analysez-vous le phénomène religieux en Occident et peut-être plus spécifiquement l'Eglise catholique à la lumière des événements qui se sont produits à Rome?
Il serait tout à fait impertinent de ma part, moi qui n'ai été élevé dans aucune croyance religieuse, de porter un jugement sur une institution aussi vénérable et complexe que l'Eglise catholique.
Mais l'ethnologue que vous êtes a sûrement un regard spécifique sur la question?
Si vous voulez me faire parler en ethnologue, je vous dirai que ce qui se passe dans l'Eglise depuis le dernier Concile me trouble. Il me semble, vu de l'extérieur, que l'on appauvrit ou que l'on dépouille la foi religieuse (ou son exercice) d'une très grande partie des valeurs propres à toucher la sensibilité, qui n'est pas moins importante que la raison.
Par exemple?
C'est l'appauvrissement du rituel qui me frappe. Un ethnologue a toujours le plus grand respect pour le rituel. Et un respect d'autant plus grand que ce rituel plonge ses racines dans un lointain passé. Il y verra le moyen de rendre immédiatement perceptible un certain nombre de valeurs qui toucheraient moins directement "l'âme" si l'on s'efforçait de les faire pénétrer par des moyens uniquement rationnels [...]. Il faut qu'il y ait des expressions sensibles qui ne passent pas par le biais de la connaissance discursive.
Vous pensez que l'affaiblissement du rituel d'un groupe social est le signe d'une crise de son système de valeurs?
J'entends bien que tout rituel doit évoluer. Une société religieusement vivante serait une société capable d'enrichir et de renouveler en permanence son rituel. Mais les tentatives de renouvellement -du moins ce que j'en vois quand j'assiste à des messes d'enterrement ou de mariage- ne paraissent pas très convaincantes."
A la lecture de cet entretien je me pose une question: comment ce fait-il qu'un ethnologue juif et probablement agnostique, qui a priori ne connaît pas grand chose de la religion catholique, semble poser sur la crise actuelle de l'Eglise un regard bien plus lucide que la plupart des évêques et du clergé catholique français, qui pourtant ont tous effectué au moins six ans de formation approfondie au séminaire?