15 mai 2017

[gloria.tv] À mes amis perplexes, à Paris et ailleurs, de la Fraternité Saint-Pie X

SOURCE - gloria.tv - 15 mai 2017

À mes amis perplexes, à Paris et ailleurs, de la Fraternité Saint-Pie X,

« Je comprends votre désarroi quant aux derniers évènements survenus à Saint-Nicolas du Chardonnet, du 7 au 14 mai derniers, qui font vraiment et gravement désordre dans la Maison de Dieu qui se veut un exemple et même un phare à la face de l’Église. Je vais essayer de répondre à vos interrogations pour autant que je sois assez informé.

« Pourquoi seul l’abbé de La Rocque a-t-il été sanctionné et non les autres prêtres de la paroisse qui semblent avoir approuvé tacitement le premier ? Tout d’abord, je crois savoir qu’au moins l’un d’eux a refusé de célébrer la messe si le document incriminé y était lu. Si les autres n’ont manifesté aucun désaccord, cela a été soit par faiblesse, soit par approbation. Dans ce cas, ils ne l’ont néanmoins ni lu, ni signé, ce qui objectivement les rend nettement moins coupables que leur patron, donc non passibles d’une sanction aussi grave et immédiate.

« Pourquoi seul l’abbé de La Rocque a-t-il été démis de toutes ses charges et les autres signataires seulement de celle de doyen ? Probablement parce qu’ils ne l’ont ni lu, ni publié dans leur bulletin comme lui ; et parce que l’abbé de La Rocque en fut le principal instigateur ou inspirateur.

« Quant à la raison de sanctions si sévères, elle n’est pas à chercher d’abord dans le texte lui-même (très acceptable du point de vue de la pure doctrine mais pas nécessairement pour les considérations pratiques) mais dans le procédé utilisé qui ne visait pas tant les fidèles, en les mettant en garde, que les supérieurs de la Fraternité Saint-Pie X. Certes ces derniers ne sont jamais explicitement désignés mais ils le sont néanmoins implicitement et clairement pour tout lecteur un tant soit peu informé. Cela permettait à ces signataires, en faisant pression sur leurs supérieurs, en présentant leur position personnelle comme la seule compatible à leurs yeux, avec la défense irréprochable de la foi, de rallier à ce beau panache, avec probablement quelques autres prêtres, un bon nombre de ces fidèles qui pour leur quasi-totalité n’ont pas les compétences suffisantes afin de discerner par eux-mêmes le vrai du faux, le bien du mal dans ces matières théologiques ou canoniques assez pointues. Et c’est bien ce qui s’est passé à voir les réactions de ces derniers mais somme toute relativement peu nombreux, la plupart préférant sans doute et sagement ne pas s’en mêler et travailler modestement à leur sanctification et à leur salut.

« Cela revient donc à vouloir soumettre l’acte de gouvernement de l’autorité à la volonté populaire, ce qui est un principe faux déjà au niveau politique, même en régime démocratique (dont la particularité est normalement le droit du peuple non à légiférer mais seulement à désigner de façon relativement fréquente l’autorité exécutive), et a fortiori dans l’Église dont le régime est principalement monarchique. Car c’est l’exacte inversion de ce qui doit être, la révolution dans son essence même. C’est donc imiter tous les révolutionnaires et anarchistes qui ne sont arrivés au pouvoir qu’en soulevant ou utilisant le peuple contre elle ! C’est donc ruiner l’édifice social, quel qu’il soit et tel qu’il a été voulu par Dieu, où il ne peut y avoir d’unité hors de ou contre son autorité légitime. C’est, par conséquent, un acte en soi très grave mais encore plus grave quand il vient de prêtres, qui plus est bien formés, mais surtout chargés d’instruire les fidèles en bien et non en mal. Plaise à Dieu, et prions pour cela, pour que ces immenses et nouveaux scandales (au sens premier du mot) et désordres soient au moins quelque peu et adéquatement réparés par leurs auteurs mêmes !

« Comment de tels prêtres en sont-ils arrivés là ? Il faut reconnaître que c’est à première vue bien surprenant, mystérieux et, il est vrai, choquant. D’autant plus qu’il y a fort à parier que si leurs propres subordonnés s’étaient comportés de cette façon à leur égard, ils auraient été les premiers à prendre des mesures au moins aussi sévères. Mais, à regarder de plus près, on peut y voir plusieurs causes prochaines et éloignées. Les premières ne sont sans doute pas tant doctrinales qu’humaines : par exemple, une frustration ou une relation difficile avec l’autorité, pour bien des raisons, qui peut aller jusqu’au ressentiment ou jusqu’à la colère non maîtrisés dont l’un des effets est d’aveugler l’entendement ou d’obscurcir la conscience au point qu’ils ont pu, sur le moment, être intimement persuadés d’agir pour la gloire de Dieu et le salut des âmes ! Peut-être d’autres moins glorieuses comme l’orgueil auquel les prêtres sont en réalité et en général plus exposés que les autres en raison de leur état lui-même et de leurs qualités personnelles, notamment intellectuelles, plutôt supérieures à la moyenne.

« Parmi les secondes possibles, je vois cette habitude fréquente chez les prêtres de la Fraternité de traiter des questions de la crise de l’Église, notamment des égarements de la part de sa hiérarchie jusqu’à son sommet, urbi et orbi, alors qu’au moins toute position nouvelle, surtout face à ce qui vient de Rome et pour ce qui est de la Fraternité en tant que telle, devrait être réservée exclusivement à son autorité suprême ou à ses porte-paroles expressément désignés, comme cela se fait naturellement dans toute grande société du monde civil. Qui dit habitude mauvaise jamais réprimée, à ma connaissance, donc invétérée, dit finalement seconde nature qui fait mal agir en ne s’en rendant presque plus compte. Et puis il y a ce qu’on pourrait appeler le syndrome Petite-Église (schisme survenu en France suite au concordat de 1801) qui se manifeste depuis des années dans les rangs des prêtres comme des fidèles de la Fraternité et, à vrai dire, depuis ses origines. Il a plus ou moins pu atteindre nos présents signataires.

« La méfiance actuelle envers ses autorités gardant le contact avec Rome est, au fond, la même que celle des années 80 à l’égard de Mgr Lefebvre agissant de même et qu’on a appelé le sédévacantisme, fermement condamné par ce dernier. On assiste aujourd’hui à une autre forme de sédévacantisme, au moins de facto, qui n’ose dire son nom et qui use des mêmes procédés qu’hier que sont la zizanie semée à tout vent et la prolifération de schismes ridicules. Lequel syndrome se nourrit toujours, et infiniment plus avec internet, de soi-disant informations ou interprétations au moins très approximatives, voire totalement infondées, et surtout au caractère incroyablement calomnieux et irrévérencieux envers ces autorités, certainement pas le signe de l’onction propre au Saint Esprit mais plutôt d’un autre esprit… Elles constituent pourtant une bonne part de la nourriture spirituelle de nombre des fidèles, voire de prêtres, sans qu’elles soient vérifiées comme il faut, et qui donc leur montent la tête contre les supérieurs ; puis ils se montent la tête entre eux, surtout en complotant en petit comité. Pour ma part, j’étudie toujours bien attentivement et aux sources les plus sûres les déclarations et actes de Mgr Fellay ; et je déclare solennellement que je n’y ai jamais décelé le moindre indice objectif d’abandon du combat essentiel de la Fraternité pour la défense intégrale de la foi et de la morale, bien au contraire. Et il en est ainsi de la nouvelle problématique des mariages, désormais officiellement autorisés par Rome, comme de toutes celles qui l’ont précédée. On dirait qu’entretenir des relations tout simplement et éminemment charitables avec la tête de l’Église et pour le plus grand bien de toutes les âmes choque au plus haut point nos drôles de censeurs catholiques !

« Vous me dîtes que ce serait courageux de la part des signataires d’avoir agi de la sorte, à l’exemple de Mgr Lefebvre. Tout d’abord il n’est pas impossible qu’ils aient posé cet acte en groupe en se disant que l’autorité n’oserait pas les sanctionner tous ensemble lourdement : courageux mais pas téméraires ! Et surtout, comme s’il fallait imputer au pauvre et vénérable Mgr Lefebvre toute insubordination caractérisée de ses fils spirituels au nom de la défense de la foi ! C’est ridicule et infâmant eu égard à sa sainte mémoire. Et lui-même en a au moins tout aussi sévèrement sanctionné plus d’un de son vivant (les sédévacantistes, entre autres) pour des comportements analogues. Il y a, en général et tant qu’il n’y a pas atteinte avérée et indubitable à la foi et aux mœurs, ce qui, ici, à la lecture paisible ou non passionnée du commentaire officiel de la Fraternité, est clairement le cas, plus de courage et de sagesse à supporter avec patience et longanimité les difficultés rencontrées, à faire l’effort de se soumettre, qu’à s’agiter dans tous les sens et en vain ! Ce qui vaut aussi bien vis-à-vis des autorités romaines qu’envers celles de la Fraternité.

« Ainsi se poursuit sans cesse, dans notre milieu, le gâchis d’énergie, de talents ou de bonne émulation qui seraient tant et vraiment utiles au relèvement de l’Église et au salut des âmes. Voilà ce qui doit nous attrister !

Un observateur clerc, lui aussi perplexe