SOURCE - Philippe Maxence - L'Homme Nouveau - 27 juillet 2017
Mgr Gilles Wach est le fondateur et le prieur général de l'Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre (ICRSP) société de Vie Apostolique en forme canoniale de Droit Pontifical dont la principale mission est la formation de futurs prêtres en son séminaire de Gricigliano (Italie). Il a bien voulu répondre à nos questions sur le développement de cet institut et sur la portée du motu proprio Summorum Pontificum dont on a fêté le 7 juillet dernier les dix ans d'application.
Mgr Gilles Wach est le fondateur et le prieur général de l'Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre (ICRSP) société de Vie Apostolique en forme canoniale de Droit Pontifical dont la principale mission est la formation de futurs prêtres en son séminaire de Gricigliano (Italie). Il a bien voulu répondre à nos questions sur le développement de cet institut et sur la portée du motu proprio Summorum Pontificum dont on a fêté le 7 juillet dernier les dix ans d'application.
L'Institut du Christ Roi Souverain Prêtre (ICRSP) que vous dirigez a eu la grâce de plusieurs ordinations cette année encore. Les vocations ne se tarissent donc pas ?
Notre Institut a effectivement depuis plusieurs années la grâce de nombreuses ordinations sacerdotales, 29 depuis 2015 dont 6 cette année. Nos maintenant 106 chanoines exercent leur ministère sur trois continents, dans treize pays. C'est S.E.R. le Cardinal Burke qui cette année encore nous a fait l'honneur de venir ordonner nos prêtres, tandis que S.Exc.R. Mgr Pozzo, secrétaire de la Commission Pontificale Ecclesia Dei est venu ordonner 13 diacres et sous-diacres pour notre Institut.
Ces vocations viennent du monde entier, en particulier d'Europe et de France. Notre maison de formation, le séminaire international Saint-Philippe-Néri de Gricigliano, situé à côté de Florence en Italie, s'apprête à recevoir en septembre 2017 plus de 20 nouveaux séminaristes en première année de formation. A ceux-là s'ajoutent une quinzaine de jeunes hommes qui vont passer une année de discernement dans nos maisons aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en Italie, en France.
Au total, c'est une centaine de vocations que nous accueillons actuellement pour les former au sacerdoce, dont 9 diacres.
Notre Institut compte également des oblats, c'est à dire de jeunes hommes qui se sentent destinés à se consacrer au sacerdoce de Jésus Christ Souverain Prêtre par une vie de prière liturgique avec nos chanoines, et par le service rendu au ministère sacerdotal dans notre Institut, sans avoir vocation à devenir prêtres. Ils sont actuellement une dizaine dans notre Institut, et autant en formation dans nos différentes maisons. Ils représentent 10% de nos membres, ce qui est une part importante et souvent méconnue de notre Institut ; leur aide est pourtant précieuse dans nos apostolats ; grâce à Dieu, leur nombre aussi est en croissance.
Je n'oublie pas nos sœurs Adoratrices, qui elles aussi attirent de nombreuses vocations, probablement cinq ou six nouvelles postulantes entreront dans les mois qui viennent. Cette branche féminine de notre Institut, présente dans trois pays, compte maintenant près de quarante religieuses. Elles apportent une grande aide à nos prêtres, d'abord dans la prière à leurs intentions, mais aussi en participant à divers labeurs apostoliques.
Quelle est la spécificité de votre Institut qui explique l'attirance toujours nombreuse de jeunes hommes (ou de jeunes filles pour la branche féminine) en son sein ?
Je constate tout d'abord que ces vocations viennent pour la plupart d'elles-mêmes frapper à notre porte ; il n'y a pas chez nous de communication "pastorale" particulière sur ce sujet. Plusieurs de nos prêtres et de nos séminaristes ont connu notre Institut seulement à travers nos sites internet ! Tous ces jeunes hommes sont attirés par le sens du Beau, principalement dans la liturgie. Bon nombre d'entre eux découvrent la forme extraordinaire tardivement, et ils y trouvent la réponse à cette soif intérieure qui les brûle.
Notre vie canoniale, qui met à la première place la célébration du Saint Sacrifice de la Messe et le chant de l'Office Divin, est en quelque sorte le moyen voulu par la Providence pour l'épanouissement de ces vocations. C'est à travers cette liturgie soignée que nous participons dès ici-bas à la splendide liturgie de la Jérusalem céleste.
Ces vocations, tout en restant résolument apostoliques, recherchent aussi une communauté pour éclore. A l'école de nos saints patrons, saint François de Sales pour sa spiritualité centrée sur la charité, saint Thomas d'Aquin pour les études et saint Benoît pour la liturgie, ces jeunes gens approfondissent au fur et à mesure et se nourrissent davantage du charisme propre de notre Institut.
Il semble donc que la Providence continue de nous envoyer des vocations tant que nous demeurons fidèles à mettre Dieu à la première place par une vie liturgique soignée et par une observation fidèle de la forme canoniale de nos Constitutions telles qu'elles ont été reconnues par le Saint-Siège.
Il en est de même pour nos sœurs Adoratrices qui "suivent le même esprit, prient pour la sanctification des prêtres, et particulièrement des membres de l’Institut, dont elles soutiennent l’apostolat."
Institut international, vous venez d'ouvrir, je crois, un nouveau lieu d'apostolat en Angleterre, mais vous êtes aussi présent ailleurs ?
Notre Institut est effectivement en plein extension, et à l'issue de notre Chapitre Général qui se tiendra fin août, nous pourrons annoncer notre implantation dans plusieurs nouveaux apostolats, aux États-Unis, en France, en Angleterre, etc. Nous essayons de répondre, partout où cela est compatible avec notre vie communautaire, aux demandes des évêques qui souhaitent dans leur diocèse avoir l'aide de chanoines de l'Institut et faire bénéficier leurs fidèles des richesses de la forme extraordinaire du rite romain.
Le développement de notre apostolat en Angleterre est à ce titre en effet significatif. Deux évêques nous ont depuis plusieurs années accueillis avec une très grande bienveillance dans leurs diocèses, l'évêque de Shrewsbury, S.Exc.R. Mgr Davies, qui a conféré les Ordres mineurs à nos séminaristes cette année, et l'évêque de Lancaster, S.Exc.R. Mgr Campbell. Ils nous ont confié la charge de splendides sanctuaires dont l’un (New Brighton) était fermé au public, faute d’entretien suffisant. Nos sanctuaires ont la mission de promouvoir la dévotion Eucharistique et la célébration de tous les Sacrements dans la forme extraordinaire. Pour la rentrée prochaine, S.Exc.R. Mgr Campbell confie à notre Institut une nouvelle église à Preston, dédiée à Saint Thomas de Cantorbéry et aux Martyrs Anglais ; elle sera désormais desservie par l’Institut comme sanctuaire pour la dévotion aux Martyrs anglais (les catholiques, principalement des prêtres, qui furent martyrisés pour leur foi entre 1535 et 1679 - beaucoup provenant du comté du Lancashire, dont dépend Preston), dont l’église possède actuellement plusieurs reliques insignes. Mgr Campbell a aussi donné son accord à l'ouverture d'une école où nos chanoines œuvreront. Enfin, en novembre 2017, une maison de formation pour l’Institut sera aussi ouverte, où de jeunes hommes pourront apprendre le français et suivre une formation préparatoire à leur entrée éventuelle dans l’Institut (comme séminaristes ou comme oblats).
D'un pays à l'autre, et même d'un continent à l'autre puisque nous sommes présents de l'île Maurice aux États-Unis, en passant par le Gabon et bien sûr la plus grande partie des pays d'Europe, les mentalités sont très différentes, mais il existe un point commun : les fidèles restent universellement assoiffés de Dieu. L'on mesure partout les immenses bienfaits que la présence d'un prêtre ou d'une communauté de prêtres peut apporter en ouvrant grand le trésor des sacrements : que ce soit dans les paroisses, églises, chapelles, écoles, hôpitaux ou toute autre œuvre qui nous est confiée.
Le 7 juillet dernier, nous avons fêté les 10 ans du motu proprio Summorum Pontificum. Quel bilan en tirez-vous ?
Le Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI avait pour objectif de permettre une diffusion aussi large et généreuse que possible de la forme extraordinaire du rite romain.
Celui-ci a déjà porté de nombreux fruits sur ce plan là, et dans le monde entier nous avons pu assister à la multiplication des célébrations dans l'usus antiquior, aussi bien par des prêtres appartenant à des communautés dépendant d'Ecclesia Dei que par des religieux ou des prêtres diocésains : la Messe traditionnelle a en quelque sorte enfin retrouvé en pratique le droit d'exister, même si l'on peut regretter que l'application ait été bien parcimonieuse et réticente dans un certain nombre d'endroits où toutes les conditions sont pourtant remplies.
Ce Motu Proprio restera dans l'Histoire comme l'un des actes majeurs du Pontificat de Benoît XVI, sa portée ne se limite absolument pas aux groupes de fidèles, d'ailleurs de plus en plus nombreux, qui en bénéficient directement. La liturgie traditionnelle a été officiellement rendue à l’Église, et par le même fait, l’Église a été rendue à la liturgie. Comme le notait à l'époque le Cardinal Ratzinger, la crise dans l’Église provient d'abord de la crise dans la liturgie, et dans cette perspective, c'est seulement par une restauration de la liturgie qu'une solution à cette crise peut être espérée. La Providence suscitera certainement de grands liturges et hommes de prières comme furent Durand de Mende, Mgr Gromier ou ces deux fils de Saint Benoît : dom Guéranger au XIX° et le cardinal Schuster au XX°.
Permettez-moi de vous citer quelques phrases que Dom Guéranger écrivait dans son Introduction à l'Année liturgique :
Or, sur cette terre, c'est dans la sainte Église que réside ce divin Esprit. Il est descendu vers elle comme un souffle impétueux, en même temps qu'il apparaissait sous l'emblème expressif de langues enflammées. Depuis lors, il fait sa demeure dans cette heureuse Épouse; il est le principe de ses mouvements; il lui impose ses demandes, ses vœux, ses cantiques de louange, son enthousiasme et ses soupirs. De là vient que, depuis dix-huit siècles, elle ne se tait ni le jour, ni la nuit ; et sa voix est toujours mélodieuse, sa parole va toujours au cœur de l’Époux.
Tantôt, sous l'impression de cet Esprit qui anima le divin Psalmiste et les Prophètes, elle puise dans les Livres de l'ancien Peuple le thème de ses chants ; tantôt, fille et sœur des saints Apôtres, elle entonne les cantiques insérés aux Livres de la Nouvelle Alliance ; tantôt enfin, se souvenant qu'elle aussi a reçu la trompette et la harpe, elle donne passage à l'Esprit qui l'anime, et chante à son tour un cantique nouveau ; de cette triple source émane l'élément divin qu'on nomme la Liturgie. La prière de l’Église est donc la plus agréable à l'oreille et au cœur de Dieu, et, partant, la plus puissante.
La sainte liturgie est ce pont dressé vers le Ciel qui nous met en contact direct et immédiat avec le Seigneur. Œuvre d’amour par excellence, le culte divin constitue le renouvellement, l’actualisation, la continuation de la Passion du Christ ; et de découvrir à la médiocrité du siècle la miséricorde du Sauveur, et d’en dispenser les innombrables faveurs. Que ce soit dans la sainte Eucharistie – le Sacrement d’amour par antonomase -, la vie sacramentelle ou le chant de l’office divin, Notre-Seigneur continue à inonder le monde de ses grâces.
Je suis convaincu que la grande richesse de la forme extraordinaire encourage et stimule ce contact de l'âme avec Dieu, que ce soit l'âme du prêtre qui célèbre le saint Sacrifice ou l'âme des fidèles qui y participent. Nos prédécesseurs dans la Foi ont pendant des siècles puisé dans ce réservoir comme à une fontaine d'eau vive, et le pape Benoît XVI a rouvert un accès facile à ce trésor : ne nous lassons pas de le faire découvrir !
La liturgie romaine traditionnelle est essentiellement théocentrique. N'est ce pas ce qui manque terriblement à notre monde actuel : la présence de Dieu ?
Si Dieu ne règne pas par sa présence, Il règne par son absence et c’est l’enfer. C’est un peu paraphraser ce que disait le grand Cardinal Pie, évêque de Poitiers au XIXe siècle :
« de toute façon, Dieu règne toujours, soit par les malheurs dus à son absence, soit par les bienfaits de sa présence ».
Donnons la primauté à Dieu en tout, et d'abord dans le culte qui lui est dû ; l’Église et l'humanité ne s'en trouveront que mieux ; voilà le vrai remède. Que l'Esprit Saint ouvre les cœurs et les esprits à ses ministres sacrés pour en faire des instruments humbles et fidèles à son service.