SOURCE       - Christophe Geffroy - La Nef n°188 - Décembre 2007    
Si certains évêques renâclent face au Motu proprio Summorum Pontificum     au point que Rome devrait prochainement publier une « explication » de ce     texte, Mgr Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon, érige dans son     diocèse l’association sacerdotale Totus tuus destinée aux prêtres diocésains     qui célèbrent selon la forme extraordinaire du rite romain. Entretien avec     le modérateur, notre collaborateur l’abbé Christian Gouyaud, curé de la     paroisse personnelle de la Croix glorieuse à Strasbourg, et avec le secrétaire,     l’abbé Tancrède Leroux, recteur de l’église Saint-Georges à Lyon.     Mais avant, le message de Mgr Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d'Avignon.
L’association Totus tuus
Depuis plusieurs années, j’étais en contact avec des prêtres venant     régulièrement dans mon diocèse pour célébrer la messe dans la forme     tridentine. L’an dernier, nous étions tous dans l’attente d’un «     Motu proprio » annoncé. Je me demandais comment nous pourrions répondre     au désir du Saint-Père à travers ce Motu proprio. Je portais tout cela     dans ma prière, demandant à l’Esprit Saint de m’éclairer. Puis, à la     demande de plusieurs de ces prêtres, j’ai accepté de passer une journée     avec eux. Ensemble nous nous sommes retrempés dans les premiers chapitres     des Actes des Apôtres et dans la naissance de la première communauté au     souffle de l’Esprit. Je leur ai proposé alors de rédiger une charte à     la lumière des quatre piliers de la vie de la première communauté chrétienne     : « Ils étaient fidèles à l’enseignement des apôtres, à la communion     fraternelle, à la fraction du pain et aux prières ».
Dans la confiance nous nous sommes revus de nouveau une journée au début     de l’été. En fin d’été, nous avons passé ensemble quelques jours     dans les Alpes pour finaliser la charte. Tout était prêt pour se lancer     dans cette aventure dans la lumière du Motu proprio qui venait de sortir.     Après avoir présenté mon projet à plusieurs évêques français et au     cardinal Castrillon Hoyos, le 16 octobre dernier, date anniversaire de l’élection     de Jean-Paul II, j’érigeais officiellement l’Association « Totus tuus     ».
Le but de cette Association est d’apporter aux prêtres qui en feront     partie un soutien spirituel et fraternel, mais aussi de leur permettre de     s’intégrer de nouveau et pleinement dans la vie du presbyterium de nos     diocèses. Attachés, sans exclusive, à la forme extraordinaire de la     liturgie de l’Église, ils veulent vivre pleinement dans la lumière du     Motu proprio selon lequel : « les deux expressions de la lex orandi de l’Église     n’induisent aucune division de la lex credendi de l’Église ; ce sont en     effet deux mises en œuvres de l’unique rite romain ». Ils veulent vivre     pleinement leur sacerdoce au cœur de nos diocèses sous la conduite de     leurs évêques.
L’Association devrait à terme permettre de dépasser les tensions et     les incompréhensions au cœur même de l’Église entre des gens qui tous     se savent membres de l’unique Corps du Christ. Les prêtres membres de     l’Association veulent vraiment être dans la charité des artisans de paix     et d’unité au cœur de l’Église. À la lumière de la lettre de     Jean-Paul II à l’aube du troisième millénaire, ils veulent que nos     communautés chrétiennes deviennent d’authentiques écoles de la     communion dans la charité.
Le Motu Proprio ne dessaisit aucunement les évêques de leur triple     charge d’enseigner, de sanctifier et de conduire le Peuple de Dieu, il les     invite au contraire à œuvrer pour que nous retrouvions par-delà deux     expressions, l’une extraordinaire et l’autre ordinaire de la lex orandi     de l’Église une unité toujours plus profonde et plus vraie au cœur de     l’Église pour un meilleur service missionnaire au cœur de notre monde     d’aujourd’hui.
Lors de notre Assemblée plénière des Évêques de France à Lourdes,     nous avons partagé sur la mise en œuvre du Motu proprio dans nos diocèses.     Il se met en place progressivement et paisiblement. Il faudra encore du     temps pour que nous apprenions tous, de part et d’autre, à vivre dans la     confiance réciproque et nous avons tous à nous convertir pour nous laisser     toujours davantage conduire par l’Esprit Saint.
Mgr Jean-Pierre Cattenoz  
archevêque d’Avignon
La Nef – Pourquoi avoir créé l’association de prêtres Totus     tuus ?
Abbé Christian Gouyaud – Encouragées par l’Église, les associations sacerdotales « proposent une règle de vie adaptée et dûment approuvée, et un soutien fraternel qui aident les prêtres à se sanctifier dans l’exercice du ministère ». L’association Totus tuus offre cette règle et ce soutien aux prêtres diocésains « attachés à la “forme extraordinaire de l’unique rite romain” » et engagés dans l’application du Motu proprio Summorum pontificum. Cependant, la Charte de l’Association dépasse ce cadre liturgique. Comme l’a souligné Mgr Cattenoz, l’option d’une forme liturgique ne suffit pas à fonder une spiritualité sacerdotale. Nous sommes plusieurs à en avoir fait l’expérience.
Abbé Tancrède Leroux – Les prêtres à l’origine de l’association appartiennent à la « génération Jean-Paul II ». De là sa devise épiscopale – Totus tuus – comme nom de l’association et surtout sa piété mariale comme l’un des fondements de notre spiritualité.
Pourriez-vous nous expliquer quel sera le cheminement pour un jeune garçon ayant une vocation et qui serait intéressé de rejoindre l’association ?
T.L. – L’association n’incardine pas de prêtres. Se former en vue du sacerdoce et rejoindre l’association sont donc deux questions différentes. Cependant nous portons le souci des vocations et des candidats au sacerdoce sont en lien avec l’association. Est-il vraiment utile de multiplier les séminaires ? Pourvu que la formation prenne en compte le critère indispensable d’une « herméneutique de la réforme dans la continuité de l’unique sujet-Eglise », concernant l’enseignement depuis Vatican II, des séminaristes peuvent être intégrés dans un séminaire diocésain où l’expression liturgique traditionnelle serait prise en compte et respectée. Aujourd’hui de telles possibilités existent et se mettent en place pour les jeunes attachés à cette liturgie.
Cette association est-elle un fruit du Motu proprio ?
C.G. – Cette association était déjà en chantier avant la promulgation du Motu proprio. Erigée après la publication de ce texte, elle constitue, de la part de Mgr Cattenoz, une réponse positive et originale à ce que souhaite Benoît XVI. Contrairement à ce qui a pu être parfois dit, les évêques n’ont pas perdu la main dans ce dossier : la solution apparente d’un diocèse personnel ou d’une administration apostolique a été écartée, pour ne pas soustraire ce type de ministère à leur juridiction. Il est donc particulièrement heureux que des évêques prennent des initiatives dans ce sens. Deux écueils doivent être évités : l’opposition d’une fin de non-recevoir à une telle demande des fidèles ; l’octroi d’un statut « à part » qui marginalise ce type de célébration. Comme je l’ai déjà écrit dans La Nef, en s’adressant principalement aux curés qui accueillent le tout-venant sans sectorisation a priori de leur sollicitude pastorale, Benoît XVI normalise cette forme liturgique par sa dévolution au niveau le plus élémentaire qu’est la paroisse.
Ne craignez-vous pas de faire concurrence aux instituts Ecclesia Dei ?
T.L. – Le premier impact du Motu proprio devrait être de désenclaver la forme liturgique traditionnelle. À partir de là, il y aura du travail pour tous ceux qui veulent exercer un ministère pastoral en vertu d’une mission reçue par l’évêque du lieu. Nous souhaitons surtout mettre l’accent sur cette cohérence demandée par le pape de ne pas exclure en pratique de célébrer aussi selon la forme ordinaire dès lors qu’on lui reconnaît d’être valide et sanctifiante, notamment par la concélébration qui est un signe de l’unité du presbyterium autour de l’évêque. L’association sacerdotale, de droit diocésain, n’est pas un institut de droit pontifical. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas du tout dans une logique d’exemption.
Comment voyez-vous l’avenir liturgique depuis la publication du Motu     proprio ?
C.G. – Benoît XVI entend « parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Église ». Les deux formes rituelles peuvent s’enrichir et, à terme, l’avenir est dans la fameuse « réforme de la réforme » qui réunirait les aspects positifs de l’une et de l’autre. Les principes essentiels de la Constitution conciliaire sur la liturgie doivent d’ailleurs guider la célébration selon l’ancien missel, comme le recommandait le cardinal Ratzinger lors des 10 ans du Motu proprio Ecclesia Dei. Si, dans la situation présente, il faut mettre un terme aux abus liturgiques, il convient aussi d’éviter « les exagérations [qui] ne manquent pas, ni parfois des aspects sociaux indûment liés à l’attitude de certains fidèles attachés à l’ancienne tradition liturgique latine ». Heureusement, bien des fidèles souhaitent répondre au vœu d’unité ecclésiale et de pacification liturgique du Saint-Père.
Sauf quelques exceptions, les évêques français ne semblent pour le     moment pas vouloir profiter du Motu proprio pour établir une véritable     paix liturgique et faciliter les souhaits des fidèles attachés aux     anciennes formes liturgiques : comment analysez-vous cela ?
T.L. – Des initiatives sont prises ici ou là. Mais, après seulement trois mois, un bilan n’est-il pas prématuré ? Certains comportements revendicatifs ne sont peut-être pas les plus à même d’accréditer des demandes d’application du Motu proprio. De part et d’autre, comme le souligne Benoît XVI dans sa lettre, c’est surtout l’ouverture de cœur qui permettra d’avancer. Collaborateurs de l’évêque et pleinement attachés à la forme extraordinaire du rite romain, les prêtres de l’association Totus tuus souhaitent contribuer à dégager cette forme liturgique de certaines problématiques qui, à juste titre, inquiètent les pasteurs. Ils sont reconnaissants aux évêques qui, parfois depuis plusieurs années, à la suite de Jean-Paul II puis de Benoît XVI, ont eu une attitude vraiment paternelle pour les fidèles attachés à la forme extraordinaire.
propos recueillis par Christophe Geffroy
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