SOURCE - recension       du livre de Marc Aillet sur ceremoniaire.net - Décembre 2007
Un événement liturgique ou le sens d’un Motu proprio - Marc Aillet
Éditions Tempora, novembre 2007
ISBN 9-782916-053202 - 137 pages - 13,90 €
Le père Marc Aillet, membre de la Communauté Saint-Martin, est       vicaire général de Mgr Dominique Rey au diocèse de Fréjus-Toulon. Le       filial attachement de ce diocèse et de son évêque à la personne du       Vicaire du Christ étant connu de tous, on ne s’étonne pas que le       vicaire général nous gratifie d’une analyse des raisons du Motu       proprio Summorum Pontificum, dans un petit livre dont le but est de       mettre en lumière la continuité dans laquelle s’inscrit ce document       pontifical. Dans la préface qu’il accorde à cet ouvrage, Mgr Rey       explique que le Motu proprio ne se réduit pas à une pure       séduction vis-à-vis de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, mais       s’inscrit au contraire dans une volonté, affichée depuis toujours par       Joseph Ratzinger, de promouvoir la croissance organique de l’enseignement       et de la liturgie de l’Église, avec pour horizon le projet de       réforme de la réforme, c’est-à-dire la redécouverte de l’esprit       de la liturgie et la progressive resacralisation du culte, en particulier       du rite ordinaire.
L’ouvrage se divise en trois chapitres, suivis d’une       brève conclusion, de la traduction française du Motu proprio et       de la lettre de présentation du document aux évêques, ainsi que d’une       petite bibliographie pour se faire une idée juste de la liturgie       romaine. On ne peut pas nier la qualité et l’à-propos de la       bibliothèque recommandée par le père Aillet, mais nous trouvons       surprenant que le plus ancien texte sur la liturgie romaine dont il       conseille la lecture date du 4 décembre 1963. Cela dit, l’intitulé       de ce sous-titre de la bibliographie laisse percevoir le but subsidiaire       du livre entier, tant il est manifeste que des catholiques, qui n’avaient       pas une idée juste de la liturgie romaine, pourraient éprouver       quelque difficulté à recevoir sereinement les affirmations et       prescriptions de Summorum Pontificum.
  
Le vicaire général commence par présenter       brièvement les dispositions du Motu proprio, ainsi que les recours       dont disposent les fidèles qui n’obtiendraient pas du curé ce qu’ils       demandent légitimement, tout en rassurant le lecteur qu’il ne s’agit       pas de revenir en arrière et ainsi d’amenuiser l’autorité du       Concile Vatican II, en particulier de mettre en doute la réforme       liturgique qui y a été décidée (p. 23). En effet, le       Saint-Père est convaincu que dans les pays comme la France, où le       « mouvement liturgique avait donné à de nombreuses personnes       une remarquable formation liturgique », l’attachement au Missel       antérieur était fondé et éclairé (p. 27). Dans son       troisième chapitre, sur la participation à la liturgie, l’auteur cite       la préface donnée par cardinal Ratzinger en 2003 au livre du père Uwe       Michaël Lang : « Pour ceux qui fréquentent habituellement       l’Église, les deux effets les plus évidents de la réforme liturgique       du Concile Vatican II semblent être la disparition du latin et l’autel       orienté vers le peuple. Qui a lu les textes, poursuit le futur       Benoît XVI, se rendra compte toutefois avec stupeur qu’en       réalité les décrets du Concile ne prévoient rien de tout cela »       (p. 91).
  
La juste idée de la liturgie romaine semblerait       donc impliquer une désastreuse mise en application de la réforme voulue       par le récent Concile, dont l’authentique application nécessiterait un       nouveau mouvement liturgique, qui fait le sujet du deuxième       chapitre. On ne s’étonnera pas des réactions inquiètes de tel ou       tel prêtre ou animateur laïc de liturgie à la publication du Moto       proprio : ces commentaires trahissent un manque de formation       liturgique et sens théologique, qu’on ne saurait d’ailleurs pas       toujours leur imputer (p. 35). Au cours de ce long chapitre, qui       occupe presque la moitié du livre, en commençant par ce constat que l’inculture       liturgique a envahi le sanctuaire (ou le podium), l’auteur passe en       revue d’autres exigences énumérées par Sacrosanctum Concilium,       ainsi que les échecs par lesquels elles se sont soldées. Là où les       gestes, en nous venant du fond des âges, en particulier de l’âge d’or       de la liturgie romaine, avaient l’art de nous immerger d’un coup dans       le Mystère en nous faisant sortir du monde profane qui tend toujours à       nous détourner de Dieu, on a mis en lieu et place, le plus souvent faute       de formation, des gestes fabriqués, stéréotypés, empruntés à la vie       ordinaire et incapables d’ouvrir à la transcendance du Mystère       célébré (p. 62). La musique sacrée a subi les effets d’une       mécompréhension de la participation active demandée par le Concile       (p. 64). En parlant du lien voulu entre Bible et liturgie (p. 67),       l’auteur oublie certes de mentionner que le renouveau tant acclamé du       lectionnaire a écarté de la proclamation publique – pour prendre un       cas flagrant – des paroles trop dures de l’Apôtre à l’intention de       ceux qui s’approcheraient de la sainte table sans discernement. Mais       il souligne que la répétition des textes du dimanche pendant la       semaine permettait peut-être une meilleure assimilation de la parole par       les fidèles et surtout, les chants de la Messe – introït, graduel,       alleluia ou trait, chant d’offertoire, chant de communion – tirés       toujours de l’Écriture, principalement de l’Ancien Testament et       particulièrement des psaumes, constituaient un commentaire de l’Écriture       par l’Écriture (p. 68). Il enchaîne des observations sur les       banales et impossibles « traductions » officielles, les       prescriptions qui n’en sont pas, surtout concernant l’usage du       latin et l’orientation de la messe face à Dieu (p. 74), et       ainsi de suite.
  
En un mot, on devine que le vicaire général est loin       d’être persuadé que tout se passe pour le mieux dans la forme la plus       ordinaire de la liturgie. Il groupe ses observations sous les       titres : une plus grande fidélité aux normes liturgiques       (p. 58) et un plus grand soin apporté à la formation liturgique       (p. 75). L’auteur ne va pas jusqu’à suggérer qu’un nouveau       mouvement liturgique – la thèse globale du deuxième chapitre –       ne saurait s’édifier sur les livres de Paul VI, et ce n’est       très probablement pas sa pensée ; il se contente de parler, comme       Benoît XVI, d’un enrichissement mutuel des deux Missels (p. 54).
  
Le présent livre ne concerne donc pas les Grecs, les       Russes, les Anglais et autres brebis perdues, à qui le Souverain Pontife       a peut-être tout autant pensé en rédigeant le Motu proprio, et       il ne s’adresse pas directement aux clercs et aux églises qui jouissent       déjà, plus ou moins tranquillement, de la liturgie classique – bien       que les questions traitées ne soient pas sans intérêt pour eux. Il s’adresse       surtout à des catholiques élevés dans une liturgie déformée, à la       limite du supportable, qui ont cru de bonne foi suivre la volonté de       leur sainte Mère l’Église en continuant de faire ainsi. Que cet       ouvrage contribue à leur ouvrir l’intelligence et le cœur !
PF.
