SOURCE - Alain Hasso - Monde&Vie - 11 novembre 2009
Qu’est-ce qui fait l’événement ? Mystère…  Deux déclarations épiscopales se sont télescopées ces derniers jours sur  les téléscripteurs, qui offrent un aspect particulièrement noir de la Conférence  épiscopale et de la communion (ou disons mieux : de la désunion) qui y règne.
Prise en elle-même, aucune des deux n’aurait arrêté  l’attention des analystes. Ensemble, elles constituent un signe fort. Dans le  tunnel interminable dans lequel nos seigneurs n’en finissent pas de se dépêtrer,  un feu rouge s’est allumé : Stop !
La première de ces déclaration est parue le 2 novembre –  jour des morts – dans la lettre de Paix liturgique. Il s’agissait d’une réaction  « à chaud » de Mgr Philippe Gueneley, évêque de Langres. Au mois  d’août dernier, quelques personnes s’étaient rendus à la messe à  Joinville pour distribuer le nouveau tract de l’association Paix liturgique.  Sur ce tract, on voit Benoît XVI ouvrant les bras et on y lit des questions sur  la messe traditionnelle et sa possible réintroduction dans les diocèses, après  le Motu proprio de notre pape. Chacun peut se prononcer librement sur ce sujet  en renvoyant le tract à l’expéditeur. Ce n’était pas du goût de Mgr Guéneley  qui a manifesté violemment sa mauvaise humeur après la messe, alors qu’il  avait déjà fait un avertissement solennel avant l’office, et une diatribe  furibarde en guise d’envoi des fidèles. La place nous manque. Nous donnerons  toutes les informations dans le prochain numéro de Monde et Vie. Ce sera comme  si vous y étiez.
Le fait est en tout cas, que l’évêque s’est abaissé à  prendre publiquement pour cible trois de ses confrères dans l’épiscopat.  Entouré de sa garde rapprochée, rassemblée autour de lui, il s’est écrié :  « Mgr Centène, on l’a fait plier. Mgr Aillet, on lui donne trois ans.  Après, nous verrons. Dominique Rey, son diocèse finira par couler ».
Notons que Mgr Centène est actuellement évêque du diocèse  de Vannes ; je pense qu’il appréciera d’être considéré par son  confrère comme un évêque « plié ». Mgr Aillet est le jeune et  fougueux évêque de Bayonne : dans trois ans, aura-t-il tellement vieilli ?  Quant à Mgr Dominique Rey, évêque de Toulon, c’est lui qui possède, depuis  au moins deux ans maintenant, le plus grand nombre de séminaristes. Il y a plus  de jeunes qui se préparent à devenir prêtre à Toulon qu’à Paris… S’il  coule un jour, ce sera de surcharge ! Mais je crois qu’en ce domaine  comme en beaucoup d’autres, abondance de biens de nuit pas… Le naufrage de  Mgr Rey est simplement un vilain fantasme auquel publiquement cède son confrère  Mgr Guéneley, avec une de ces délectation qu’autrefois, non sans raison, on  appelait moroses.
Vous me direz : mais non ! Madame Véronique  Gallissot, déléguée épiscopale à l'information, a publiquement démenti que  de telles énormités aient jamais pu être proférées par un évêque français :  « Monseigneur Gueneley, de retour de Lourdes, me charge de vous dire qu'il  n'a pas tenu les propos qui lui sont attribués » a-t-elle écrit à nos  confrères du Salon beige, qui avaient relayé l’information.
Eh bien ! Madame Gallissot n’y était pas et Monde et  Vie a retrouvé le témoin. Nous sommes en mesure de dire – parole contre  parole – que ces propos ont bel et bien été tenu et nous vous donnerons,  dans notre prochain numéro, diverses information sur l’évêque de Langres.
Oh ! Ces mots doux ne seraient rien. On est tellement  habitué au mépris des évêques français pour leurs fidèles que l’on  n’est guère surpris de constater qu’ils se méprisent aussi entre eux. Le  problème c’est que sur ces entrefaites, le 5 novembre précisément, soit  trois jours après, c’est le président de la Conférence épiscopale, Mgr  Vingt-Trois, d’habitude pourtant tellement maître de lui, qui se met à  tenir, sur certains confrères dans l’épiscopat qu’il ne nomme pas… un  discours disqualifiant, qui ressemble fort – un zest d’ironie en plus – au  discours de Mgr Gueneley. Il n’est pas tendre : « On peut avoir un  évêque qui croit aux communautés nouvelles : il sonne la cloche, appelle six  communautés nouvelles dans son diocèse et pense que ça va marcher ! Cela va  peut-être marcher tant qu’il sera là, mais après ? ». Ce texte  hallucinant, paru dans La Croix du 5 novembre, où le premier des évêques français  rompt publiquement la communion de rigueur entre frères et entre pasteurs en  critiquant l’un d’entre eux de toute son autorité, prend un relief fâcheux  si on le rapproche des paroles de Mgr Gueneley.
Personne n’est dupe, du reste ! Dès le 8 novembre, même  si Mgr Vingt-Trois, dans sa semonce, n’a donné aucun nom, c’est Mgr Rey qui  est interviewé par RCF. Les deux déclarations – celle de Mgr Gueneley et  celle du cardinal Vingt-Trois - sont impitoyablement rapprochées l’une de  l’autre par la rédaction de la Radio chrétienne, qui n’hésite pas à  demander à Mgr Rey ce qu’il pense de ces deux mises en cause.
De son côté, Mgr Rey, avec beaucoup de panache et un sens  profond de la communion ecclésiastique, souligne que Mgr Vingt-Trois ne peut  pas avoir pris position « contre l’accueil », car « l’accueil  est une vertu évangélique ». Mgr Vingt-Trois va-t-il lui-même démentir  ses propres paroles ou faire acte de repentance au nom de l’Evangile ? Ou  bien devra-t-on dire que le principal fruit de l’Assemblée des évêques à  Lourdes est d’avoir montré définitivement la collusion de l’évêque de  Langres et de l’archevêque de Paris dans une même détestation indiscrète  de tout ce qui leur semble opposé à leur propre projet pastoral.
En tout état de cause, cette collusion étrange contient un  enseignement de la plus haute importance. Il y a un peu plus d’un an, à  Lourdes justement, le Saint Père avait dit : « Personne ne doit se  sentir de trop dans l’Eglise ».
Aujourd’hui, pour l’Eglise de France, le problème  fondamental, ce n’est ni le manque de prêtre ni la déchristianisation  inexorable… C’est que beaucoup de prêtres, au seul titre qu’ils font  partie de communautés nouvelles, sont considérés comme étant des prêtres  « en trop ». Et qu’il est inadmissible qu’il se trouve un évêque  – Mgr Rey - pour les accueillir.
Alain Hasso
