Certes, ils ont revendiqué pendant des années le vocable de chrétiens traditionnels. Mais le surnom de « tradis », qui leur colle à la peau, ils n'en veulent plus vraiment. Ils aimeraient qu'on les désigne simplement comme des « catholiques », voire comme des « néo-tradis » pour signifier l'existence d'une nouvelle génération d'amoureux du rite extraordinaire de la messe (dit de Saint Pie V). La rencontre-bilan du samedi 14 novembre 2009, à Versailles, autour de l'application du Motu proprio, a marqué un tournant dans la façon dont ces croyants entendent désormais se situer au sein de l'Eglise catholique. Ils se présentent comme un courant d'ouverture dont il est encore difficile de mesurer l'influence au sein d'une galaxie traditionaliste fort complexe.
Un mot d'ordre : la réconciliation
Dans l'invitation à leur colloque, les néo-tradis du groupe Réunicathos défendent officiellement une posture claire de dialogue : « Les querelles du passé n'ont plus de raison d'être » . Leur but revendiqué ? « Se tourner vers l'avenir, retrouver l'unité en participant à la nouvelle évangélisation » Dans leur tract, ils posaient, d'entrée de jeu, cette exigence à leurs ouailles : « Etes vous vraiment disposés à oeuvrer pour la nécessaire réconciliation entre tous les catholiques » ?
Dans l'invitation à leur colloque, les néo-tradis du groupe Réunicathos défendent officiellement une posture claire de dialogue : « Les querelles du passé n'ont plus de raison d'être » . Leur but revendiqué ? « Se tourner vers l'avenir, retrouver l'unité en participant à la nouvelle évangélisation » Dans leur tract, ils posaient, d'entrée de jeu, cette exigence à leurs ouailles : « Etes vous vraiment disposés à oeuvrer pour la nécessaire réconciliation entre tous les catholiques » ?
Le Motu Proprio de 2007 sur la libéralisation de la messe ancienne, et l'appel du pape à la réconciliation entre catholiques a eu pour effet de forcer les tradis, toutes chapelles confondues, à négocier avec leurs curés de paroisse et leurs évêques. Au delà des tensions parfois très réelles, les néo-tradis impriment une nouvelle façon d'être catholiques. Jadis, ils l'étaient en étant vigoureusement « pour » le pape et « contre » les évêques, considérés comme des ennemis. Cette période serait-elle bientôt révolue ? Le discours consistant à se considérer comme victimes de l'establishment, même s'il perdure dans certains esprits, paraît en voie de « ringardisation » par une génération plus jeune de fidèles qui ne sont pas allergiques au rite ordinaire de Paul VI mais souhaitent profiter du rite extraordinaire qu'ils préfèrent pour des raisons esthétiques et spirituelles. Pour ce faire, ils se situent dans une stratégie à la fois militante et conciliante qui « joue » le dialogue avec les autorités compétentes, l'envisageant dans une longue durée (espérant en l'usure des résistances), et dans la participation active aux réalités du diocèse.
Entrisme ? Opportunisme ? Cette nouvelle posture semble sincèrement vécue par les intéressés comme une façon « de ne plus apparaître comme des monstres », selon le mot d'un des intervenants, Patrick Jozeau, mais comme des catholiques de base « souriants, gais, ouverts ». Dans un diocèse, « Tout évêque doit nous trouver présents et dévoués à tous les niveaux », commente un autre. Ils se désolidarisent de fait de la stratégie agressive de revendication utilisée par l'association La Paix Liturgique, qui elle, joue encore, contre l'épiscopat, la carte victimaire et de la marginalisation.
« Attention, vous n'êtes plus désormais dans la citadelle assiégée », a expliqué l'abbé Christian-Philippe Chanut, prêtre du diocèse d'Evry, aux participants du colloque. Quant à l'abbé Fabrice Loiseau, supérieur de la Fraternité de la Miséricorde divine (Toulon), il a appelé les troupes à ne poser des revendications que dans la prise en compte de la « sacramentalité » de l'Eglise, plaidant pour une sainte rencontre entre « l'autorité » et le « mouvement spirituel fort » des amoureux de la messe tridentine. Décodé, le message est clair : il faut honorer les évêques à la manière du Concile. Rappelons ici que Vatican II a mis en valeur la sacramentalité des évêques et de l'Eglise, contre une vision ancienne qui considérait les évêques comme de pures courroies de transmission du pape au sein d'une pyramide hiérarchique.
S'ouvre donc une transition délicate pour les groupes néo-tradis : quitter la position de la contestation, s'installer dans la Grande Eglise (alors que celle-ci oppose encore des poches de résistance) sans perdre le soutien (notamment financier) des tradis de la première génération, qui ont mené la « guerre » à la suite du Concile.
Vers le bi-formalisme ?
L'objectif des néo-tradis reste bien de convaincre les évêques qu'il faut installer la messe dans un maximum de paroisses en France, sinon toutes. Peu importe que cela soit réalisable concrètement sur le terrain. « Nous sommes des évangélisateurs. Nous croyons, comme Benoît XVI l'écrit dans Summorum Pontificum, que le rite extraordinaire peut enrichir les fidèles de rite ordinaire et être un outil d'évangélisation. » explique Fabien Leroux. Ce jeune père de famille de 36 ans cite en exemple des lieux où l'installation de la messe tridentine a attiré des gens qui jusqu'ici ne mettaient plus les pieds à la messe. Ces « missionnaires » espèrent la généralisation du bi-formalisme dans les paroisses (les deux formes du rite, ordinaire et extraordinaire), chaque forme répondant à deux publics différents. Officiellement, les néo-tradis défendent l'idée d'un pragmatisme liturgique s'appuyant sur une offre diversifiée, pour répondre à des attentes diverses. Presque du marketing, en somme, où l'on pense en termes d'adaptation à la demande.
L'objectif des néo-tradis reste bien de convaincre les évêques qu'il faut installer la messe dans un maximum de paroisses en France, sinon toutes. Peu importe que cela soit réalisable concrètement sur le terrain. « Nous sommes des évangélisateurs. Nous croyons, comme Benoît XVI l'écrit dans Summorum Pontificum, que le rite extraordinaire peut enrichir les fidèles de rite ordinaire et être un outil d'évangélisation. » explique Fabien Leroux. Ce jeune père de famille de 36 ans cite en exemple des lieux où l'installation de la messe tridentine a attiré des gens qui jusqu'ici ne mettaient plus les pieds à la messe. Ces « missionnaires » espèrent la généralisation du bi-formalisme dans les paroisses (les deux formes du rite, ordinaire et extraordinaire), chaque forme répondant à deux publics différents. Officiellement, les néo-tradis défendent l'idée d'un pragmatisme liturgique s'appuyant sur une offre diversifiée, pour répondre à des attentes diverses. Presque du marketing, en somme, où l'on pense en termes d'adaptation à la demande.
Au sein des néo-tradis, les cadres qui montent, notamment des prêtres incarnent cette nouvelle donne. C'est le cas de l'abbé Fabrice Loiseau, à Toulon, qui combine le rite tridentin à une forte volonté évangélisatrice (donc d'ouverture à des catholiques qui ne sont pas de leur sensibilité), et qui accepte de concélébrer selon le rite ordinaire. « L'enjeu est de redécouvrir la dimension sacrificielle de la messe, pas de faire la guerre des rites ». C'est aussi celui de l'abbé Laurent Spriet. Ce jeune prêtre a quitté la Fraternité Sacerdotale Saint Pierre, laquelle célèbre exclusivement selon le rite tridentin, pour demander son incardination dans le diocèse de Versailles. Il participe actuellement au lancement d'une association de prêtres qui sont attachés à la forme extraordinaire sans exclure la forme ordinaire, Totus Tuus. Dans cet esprit d'ouverture, cette association organisera une année de propédeutique réservée aux candidats au sacerdoce habitué au rite ancien, sous la responsabilité du diocèse de Lyon, et de son évêque auxiliaire, Mgr Jean-Pierre Batut.
Un nouveau style
On peut être moderne et tridentin, tel est le leitmotiv des « néo-tradis » qui veulent montrer qu'on peut être attaché à la forme extraordinaire sans pour autant évoquer les pires clichés du conservatisme. Ainsi l'abbé Fabrice Loiseau a mis en garde contre les cantiques du XIXe qui « veillissent mal », et contre le look « amish » de certaines communautés – faisant référence aux communautés mennonites américaines qui s'habillent encore comme au XVIIe siècle. Interrogé par La Vie, Fabien Leroux se défend aussi des clichés : « On peut être dans le vent et aimer le rite extraordinaire. Les mantilles (habituellement portées par les femmes à la messe d'antan) sont plutôt ridicules »
Ce changement de style est aussi avancé en ce qui concerne les inclinations politiques. Lors du colloque de Versailles, plusieurs paroles ont fait écho au vif désir que l'opinion publique catholique ne puisse plus faire l'amalgame entre les traditionalistes et l'extrême-droite. Une révolution culturelle est-elle en marche ?