SOURCE - Jacques Dhaussy, Una Voce France - 25 novembre 2009
Jetons un regard également sur les Pays-Bas : c’est le 8 avril 1967 qu’a été fondée à Utrecht Una Voce Nederland pour maintenir vivante la liturgie latine et grégorienne conformément aux instructions de la Constitution conciliaire « De Sacra Liturgia » du 2° Concile du Vatican. Les moyens préconisés à cet effet sont de promouvoir la célébration de la Sainte Messe en latin, ; de telle façon que tous les fidèles soient en mesure d’y prendre part ; de se grouper pour une participation active à l’exécution de la liturgie latine, tant à la sainte messe chantée qu’à la messe basse et à l’office divin ; de rendre accessible l’étude du latin et du chant grégorien. L’accent est surtout mis sur la pratique, c’est-à-dire sur la formation de petits groupes régionaux qui apprendront et exécuteront le chant grégorien... Pratique et formation !
Quand quarante ans plus tard après le motu proprio de Benoît XVI on lit certaines publications, certaines annonces pour réintroduire la messe selon l’ordo de 1962 dans les paroisses, on constate que la méthode préconisée est toujours la même. Demander, réclamer la messe aux évêques et aux curés selon le rite extraordinaire, mais en faisant l’effort d’organiser les cérémonies. C’est à la fin de la première décennie du XXI° siècle chose plus difficile que dans les premières années qui ont suivi le concile, car à cette époque les rites et les mélodies traditionnelles n’étaient pas totalement oubliés...
En 1969, une véritable crise a atteint la Hollande, une crise grave. Comment une chrétienté aussi fervente et solide que la chrétienté hollandaise a-t-elle pu en arriver là ?
Le R.P. van der Ploeg, O.P. professeur à la Faculté de Théologie de l’Université catholique de Nimègue, a tenté de retracer les étapes de cette évolution au cours d’une conférence de presse qu’il a donnée le 13 mai à l’Institut néerlandais de Paris.
De cet exposé si objectif et si complet, nous a dit une personne qui y assistait, on a pu constater qu’il s’agissait d’une crise de la foi, d’une rupture théologique sans précédent, semble-t-il. Un exemple typique est celui du « catéchisme hollandais » auquel ses auteurs ont toujours refusé d’apporter les corrections demandées par le Saint-Siège (1) . Et naturellement cette crise de la foi s’exprime par une très grave crise liturgique. Nombre de prêtres, a souligné le conférencier, ayant perdu le sens de la fidélité aux textes liturgiques prescrits, n’hésitent pas à composer le samedi des textes pour la célébration de la messe du lendemain. On change même les canons et jusqu’à la formule consécratoire. Les évêques ne se sentent d’ailleurs plus, eux non plus, liés aux prescriptions liturgiques éditées par Rome.
Les résultats ? D’incroyables confusions au plan théologique, dont les « intercommunions » entre pasteurs protestants et prêtres catholiques ne sont qu’un aspect, le plus connu du public.
A ce propos, permettez-nous cette incise, le cardinal Journet écrivait dans un article publié à la même époque par l’Osservatore Romano : « Accepter l’intercommunion entre l’Eglise catholique d’une part et les communions protestantes d’autre part, c’est accepter l’équivalence de l’Eucharistie et de la Cène protestante ». Le cardinal, professeur au séminaire de Fribourg (Suisse), poursuivait : « Les protestants partisans de l’intercommunion diront qu’ils croient ce que nous croyons... La raison en est qu’ils considèrent comme secondaire, accidentel, destiné à disparaître un jour, tout ce qui nous différencie les uns des autres, lorsque nous parlons de la présence réelle du Christ. S’ils croyaient vraiment à cette présence réelle, comme nous l’affirmons, ils viendraient à elle, ils ne pourraient plus supporter un seul instant d’en être séparés. »
Le RP van der Ploeg dénonçait donc les « incroyables confusions » et déplorait aussi la disparition de toute notion d’autorité ecclésiastique, la chute des vocations, le recul grave des ordinations, la diminution de la vie sacramentelle des fidèles , les pires « fantaisies » liturgiques. Alors, la hiérarchie se contente de maintenir les fidèles dans le grand ensemble de l’Eglise, sans trop leur demander ce qu’ils croient ou ne croient plus... Cependant, il y a des ilots de résistance et la conférencier cite, entre autres, la Vereeniging voor latijnse liturgie, l’homologue d’Una Voce en Hollande.
Cette association a tenu le 10 mai à Amsterdam sa 3° assemblée générale dont un ami nous a envoyé le compte rendu. Beaucoup de spontanéité et une attitude bien réconfortante...
« L’assemblée fut précédée d’une messe chantée par un choeur grégorien d’étudiants d’Amsterdam.
Cette rencontre à laquelle assistaient 350 des 2 500 membres de l’association s’es tenue sous le signe de la confiance. Confiance que c’est le Seigneur qui conduit toujours son Eglise, confiance dans la force de la liturgie qui pourvu qu’on y travaille ardemment et intelligemment, ne manquera pas de prouver elle-même sa valeur essentielle.
Cela ne veut pas dire, comme l’a précisé le président Jhr. J.E. van der Does de Willebois, avocat à Rotterdam, que nous sous-estimons la gravité de la situation actuelle, mais la grande tentation à éviter c’est la tentation du découragement, de se dire :à quoi bon ? Il importe de garder son sang-froid et de poursuivre intrépidement le chemin choisi : nous sommes essentiellement un groupe de travail, faisons donc des sacrifices pour organiser et assister à une messe, même lointaine, pour prier ensemble vêpres et complies ; à cela, trois ou quatre personnes suffisent. Si les hommes n’ont pas le temps, que les femmes le fassent – qui sait si les religieux ne suivront pas.
Le président se montra d’ailleurs étonné du très petit nombre ici présent des 120 prêtres membres de l’association.
Dans une discussion animée, quelques points saillent : il faut à tout prix rester au coeur de l’Eglise, donc ne jamais se laisser entraîner par un fanatisme qui rejette tout renouveau (même voulu expressément par l’Eglise) parce que c’est du renouveau. Il ne faut pas oublier que nous ne sommes pas contre la langue vulgaire, mais pour l’usage du latin et pour la liturgie, c’est-à-dire nous essayons de redécouvrir le nœud qui lie la liturgie et à la société et à la vie intérieure.
Nous ferons usage de la presse si l’occasion se présente sans y chercher spécialement un appui.
Le R.P. Kat, membre du conseil général et curé du Papegaaienkerk à Amsterdam, en s’adressant au public, a relevé le caractère intemporel de la liturgie. Parce que au coeur même d’Amsterdam, il a maintenu intégralement la liturgie dans son église, il sait de quoi il parle.
Après avoir chanté tous ensemble le Regina Caeli, on s’en alla réconforté et raffermi dans la foi.»
(1) Le mauvais vent du nord a soufflé jusqu’au Liban où en octobre de cette année 1969 nous avons eu nous-même une conversation assez animée avec l’évêque melkite de Beyrouth qui se vantait devant nous d’avoir introduit le catéchisme hollandais parmi son clergé et ses fidèles...