SOURCE - Christophe Geffroy - La Nef - juin 2011
L’instruction Universae Ecclesiae, publiée par la Commission Ecclesia Dei en date du 30 avril et rendue publique le 13 mai, est destinée à faciliter l’application du motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007. On parlait de ce texte déjà à la fin de l’année 2007, et plusieurs fois il fut annoncé en vain. Il était cependant plus logique qu’il prît en compte la consultation qui eut lieu avec les évêques après les trois premières années d’application.
Sans doute faut-il commencer ici par rappeler les bienfaits occasionnés par Summorum Pontificum, qui restera un événement majeur de l’histoire de la réforme des années 70. Pour la première fois depuis l’instauration du nouvel Ordo, un statut est officiellement reconnu à la forme liturgique antérieure, réputée n’avoir jamais été abrogée, lequel statut permet à de nombreux prêtres (et aussi de fidèles) de découvrir tout à fait « légalement » ce trésor du patrimoine liturgique latin. Mais ne nous cachons pas la vérité, la nécessité de cette instruction montre indubitablement que la réception du motu proprio a posé un certain nombre de problèmes.
Pour le comprendre, il faut revenir aux buts fixés par Benoît XVI en 2007. L’instruction les rappelle en trois points : « a) offrir à tous les fidèles la liturgie romaine dans l’usus antiquior, comme un trésor à conserver précieusement ; b) garantir et […] assurer réellement l’usage de la forme extraordinaire à tous ceux qui le demandent […] ; c) favoriser la réconciliation au sein de l’Église» (art. 8).
Cette instruction confirme d’abord la ferme volonté de Benoît XVI de continuer dans la voie ouverte en 2007 – le motu proprio « a promulgué une loi universelle pour l’Église » (art. 2), lit-on dès les premières lignes. Ensuite, même si rien n’est dit explicitement, on comprend par les mesures posées que les demandes des fidèles n’avaient pas été suffisamment prises en compte – les curés, notamment, ne pouvant dans la plupart des cas décider seul d’accepter la célébration régulière dans leur paroisse d’une messe dans la forme extraordinaire.
À l’origine, on attendait surtout de Rome qu’elle clarifiât la notion ambiguë de « groupe stable » (de fidèles sollicitant une messe dans la forme extraordinaire) qui n’avait pas été précisée plus avant dans le motu proprio (art. 5, § 1) et qui a souvent été le prétexte au refus ou à l’ajournement de requêtes de fidèles. C’est désormais chose faite, et de la façon la plus ouverte qui soit, puisqu’il suffit que les personnes du « groupe » soient « réunies à cause de leur vénération pour la liturgie célébrée dans l’usus antiquior […] dans une église paroissiale donnée, un oratoire ou une chapelle » (art. 15), indépendamment de leur origine géographique (ils peuvent même venir d’un diocèse voisin).
Autre point pour faciliter l’application du motu proprio, les évêques diocésains sont invités à « prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect de la forme extraordinaire du rite romain » (art. 14) et, en cas de litige, « la Commission Ecclesia Dei jugera » (art. 13), ce qui suppose qu’elle bénéficiera désormais d’un pouvoir juridictionnel d’arbitrage sur les évêques, « en tant que supérieur hiérarchique » (art. 10, § 1), chose tout à fait nouvelle.
Ces mesures devraient contribuer à répondre aux deux premiers objectifs de Benoît XVI évoqués plus haut et, par voie de conséquence, au troisième qui est la paix dans l’Église, si chacun y met un peu de bonne volonté et cherche sincèrement à répondre aux vœux du Saint-Père. Certains, dans la presse, se sont étonnés que Rome favorise ainsi les « tradis » sans contrepartie – sauf celle, minimum, de n’être pas liés « à des groupes qui nient la validité ou la légitimité » de la forme ordinaire (art. 19). Cette vision très dialectique des choses ne correspond pas à l’esprit de l’Église. Dans toute entreprise, quand il y a un problème à résoudre, les dirigeants ne commencent pas par s’en prendre à la base,mais réunissent leurs cadres pour leur donner de nouveaux objectifs ; il en est de même dans l’Église où il est normal que le pape passe par les évêques pour gouverner en leur donnant des consignes claires.
Restent d’autres points plus secondaires en débat, à commencer par la vie de l’ancien missel lui-même que l’on pourrait croire désormais « figé ». Il semble en réalité que Rome cherche surtout à éviter que chacun décide seul des points à intégrer dans la version de référence qui est le missel de 1962. Si l’instruction ne mentionne plus les « enrichissements mutuels » souhaités par Benoît XVI – mais elle ne les nie pas non plus –, elle évoque à nouveau l’adjonction de nouveaux saints et de nouvelles préfaces (art. 25) et donne pouvoir à la Commission Ecclesia Dei « de veiller à l’édition éventuelle des textes liturgiques relatifs à la forme extraordinaire du rite romain » (art. 11), ce qui laisse la porte ouverte à de possibles évolutions.
Enfin, seul petit regret, cette instruction ne permet pas aux évêques diocésains, sans dispense, d’ordonner des prêtres de leur diocèse dans la forme extraordinaire (art. 31), alors même qu’elle les invite à offrir au clergé la possibilité de se former à cette forme liturgique dans les séminaires (art. 21).
L’instruction Universae Ecclesiae, publiée par la Commission Ecclesia Dei en date du 30 avril et rendue publique le 13 mai, est destinée à faciliter l’application du motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007. On parlait de ce texte déjà à la fin de l’année 2007, et plusieurs fois il fut annoncé en vain. Il était cependant plus logique qu’il prît en compte la consultation qui eut lieu avec les évêques après les trois premières années d’application.
Sans doute faut-il commencer ici par rappeler les bienfaits occasionnés par Summorum Pontificum, qui restera un événement majeur de l’histoire de la réforme des années 70. Pour la première fois depuis l’instauration du nouvel Ordo, un statut est officiellement reconnu à la forme liturgique antérieure, réputée n’avoir jamais été abrogée, lequel statut permet à de nombreux prêtres (et aussi de fidèles) de découvrir tout à fait « légalement » ce trésor du patrimoine liturgique latin. Mais ne nous cachons pas la vérité, la nécessité de cette instruction montre indubitablement que la réception du motu proprio a posé un certain nombre de problèmes.
Pour le comprendre, il faut revenir aux buts fixés par Benoît XVI en 2007. L’instruction les rappelle en trois points : « a) offrir à tous les fidèles la liturgie romaine dans l’usus antiquior, comme un trésor à conserver précieusement ; b) garantir et […] assurer réellement l’usage de la forme extraordinaire à tous ceux qui le demandent […] ; c) favoriser la réconciliation au sein de l’Église» (art. 8).
Cette instruction confirme d’abord la ferme volonté de Benoît XVI de continuer dans la voie ouverte en 2007 – le motu proprio « a promulgué une loi universelle pour l’Église » (art. 2), lit-on dès les premières lignes. Ensuite, même si rien n’est dit explicitement, on comprend par les mesures posées que les demandes des fidèles n’avaient pas été suffisamment prises en compte – les curés, notamment, ne pouvant dans la plupart des cas décider seul d’accepter la célébration régulière dans leur paroisse d’une messe dans la forme extraordinaire.
À l’origine, on attendait surtout de Rome qu’elle clarifiât la notion ambiguë de « groupe stable » (de fidèles sollicitant une messe dans la forme extraordinaire) qui n’avait pas été précisée plus avant dans le motu proprio (art. 5, § 1) et qui a souvent été le prétexte au refus ou à l’ajournement de requêtes de fidèles. C’est désormais chose faite, et de la façon la plus ouverte qui soit, puisqu’il suffit que les personnes du « groupe » soient « réunies à cause de leur vénération pour la liturgie célébrée dans l’usus antiquior […] dans une église paroissiale donnée, un oratoire ou une chapelle » (art. 15), indépendamment de leur origine géographique (ils peuvent même venir d’un diocèse voisin).
Autre point pour faciliter l’application du motu proprio, les évêques diocésains sont invités à « prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect de la forme extraordinaire du rite romain » (art. 14) et, en cas de litige, « la Commission Ecclesia Dei jugera » (art. 13), ce qui suppose qu’elle bénéficiera désormais d’un pouvoir juridictionnel d’arbitrage sur les évêques, « en tant que supérieur hiérarchique » (art. 10, § 1), chose tout à fait nouvelle.
Ces mesures devraient contribuer à répondre aux deux premiers objectifs de Benoît XVI évoqués plus haut et, par voie de conséquence, au troisième qui est la paix dans l’Église, si chacun y met un peu de bonne volonté et cherche sincèrement à répondre aux vœux du Saint-Père. Certains, dans la presse, se sont étonnés que Rome favorise ainsi les « tradis » sans contrepartie – sauf celle, minimum, de n’être pas liés « à des groupes qui nient la validité ou la légitimité » de la forme ordinaire (art. 19). Cette vision très dialectique des choses ne correspond pas à l’esprit de l’Église. Dans toute entreprise, quand il y a un problème à résoudre, les dirigeants ne commencent pas par s’en prendre à la base,mais réunissent leurs cadres pour leur donner de nouveaux objectifs ; il en est de même dans l’Église où il est normal que le pape passe par les évêques pour gouverner en leur donnant des consignes claires.
Restent d’autres points plus secondaires en débat, à commencer par la vie de l’ancien missel lui-même que l’on pourrait croire désormais « figé ». Il semble en réalité que Rome cherche surtout à éviter que chacun décide seul des points à intégrer dans la version de référence qui est le missel de 1962. Si l’instruction ne mentionne plus les « enrichissements mutuels » souhaités par Benoît XVI – mais elle ne les nie pas non plus –, elle évoque à nouveau l’adjonction de nouveaux saints et de nouvelles préfaces (art. 25) et donne pouvoir à la Commission Ecclesia Dei « de veiller à l’édition éventuelle des textes liturgiques relatifs à la forme extraordinaire du rite romain » (art. 11), ce qui laisse la porte ouverte à de possibles évolutions.
Enfin, seul petit regret, cette instruction ne permet pas aux évêques diocésains, sans dispense, d’ordonner des prêtres de leur diocèse dans la forme extraordinaire (art. 31), alors même qu’elle les invite à offrir au clergé la possibilité de se former à cette forme liturgique dans les séminaires (art. 21).