Mgr Lefebvre avait, à la demande d'élèves du séminaire français de Rome,
institué une première année de formation sacerdotale à Fribourg en
1969. Onze recrues se sont présentées à lui. Cependant, dès la fin de
l'année, il se sent mourir et il pense que sa mission est terminée.
« Et puis, voilà que je tombe malade, mais vraiment malade je vous assure, à partir du 8 décembre. J’étais à Rome, et j’avais la grippe, une mauvaise grippe, la grippe de Hong Kong. Et, je ne sais pas quelle maladie me prenait, j’étais mal à l’aise, j’avais mal au foie, mal partout, je dormais difficilement. J’ai été obligé de me soigner, je ne pouvais pas faire autrement. Je suis allé chez les Pères du Saint-Esprit, me reposer un peu pendant quelques semaines, comptant sur cet Abbé Clerc pour s’occuper de ces séminaristes. Mais mon état de santé empirait.Alors, une bonne fois je suis rentré en clinique à Fribourg. Vraiment, je croyais disparaître ! [...] Ils ont fait analyser les prélèvements par l’Institut tropical de Bâle ; et la réponse a été : « Strongles, il faut qu'il prenne tel et tel médicament pour s’en débarrasser et après un peu de convalescence ça ira. » Où est-ce que j’avais attrapé cela ? Je n’en sais rien ! On disait, bah ! c’est en Afrique, certainement. Mais l’Afrique, il y avait longtemps que je l’avais quittée, ce n’était pas possible. Alors on vous a empoisonné ! Pourquoi pas ! Je n’en sais rien moi ! Mais alors là... la réponse la plus amusante, c’était celle de ma petite sœur Marie-Thérèse de Colombie. C’est une taquine ! Elle est allée chercher dans le dictionnaire médical Larousse, la définition du terme « strongle » : parasite que l’on trouve généralement chez les porcs et qu’on ne découvre qu’après l’autopsie ! Oh ! Me voilà bien arrangé ! Elle était toute contente d’avoir découvert la chose dans le Larousse médical. Heureusement qu’on n’a pas découvert ça après l’autopsie mais avant... Alors, je me suis soigné et heureusement j’ai été guéri.J’ai pu reprendre donc un peu le travail avec les séminaristes. Mais, je croyais vraiment que le bon Dieu ne voulait pas que je fasse cette œuvre parce que dans l’état où j’étais...Et voilà encore de nouvelles épreuves ! Trois séminaristes s’en vont, puis un quatrième. On arrive fin mai, il ne reste plus que l’Abbé Aulagnier, l’Abbé Tissier de Mallerais et l’Abbé Pellabeuf. « Mes chers amis, leur ai-je dit. je crois que l’année prochaine vous allez vous installer dans le séminaire interdiocésain qu’on a visité dernièrement. Vous essaierez de vous organiser vous-mêmes pour faire un peu les exercices de piété et autres. Moi je ne vais pas continuer comme cela, ce n’est pas la peine, on va arrêter l’expérience. » Alors l’Abbé Aulagnier et l’Abbé Tissier de Mallerais surtout, ont dit : « Non ! Ah non ! Non, il ne faut pas arrêter, nous ne voulons pas aller dans cette maison où il n’y a rien. Nous ne voulons pas être formés comme cela, non ! Non ! On va continuer, il y en aura peut-être quelques-uns qui vont venir. »Et puis, pendant le mois de juin, je reçois onze demandes. Onze demandes ! Pas possible ! Alors il faut que je continue. Il n’y a rien à faire. »
Extrait de Petite histoire de ma longue histoire, 1994, recueil de conférences dispensées par Mgr Lefebvre aux soeurs de la Fraternité Saint-Pie X à l'abbaye de Saint-Michel-en-Brenne.