Chers amis et bienfaiteurs,
Etant donné le rôle que Notre-Dame joue dans le mystère de l’Incarnation, l’Eglise se devait de lui réserver une place d’honneur dans sa liturgie de l’Avent. On peut même dire que la Vierge est, à plusieurs titres, comme la personnification de l’Avent. Par sa présence, qui est prélude à la présence du Christ, elle exerce vis-à-vis du monde, comme de chacun de nous, une activité préparatoire. Saint Aelred, abbé cistercien du XII ème siècle, enseigne que l’Avent nous prépare à trois avènements du Christ. «Nous pouvons, dit-il, comprendre son avènement de trois manières: selon qu’il a assumé la chair, selon les visites spirituelles, selon la manifestation du jugement.» Voyons comment Notre-Dame est très intimement associée à ces venues du Seigneur. «Il est venu à nous une première fois corporellement», enseigne saint Aelred. La Vierge n’est créée que pour qu’en elle se réalise le mystère de l’Incarnation. Les longues préparations de l’Ancien Testament aboutissent en Marie. Elle est cette fleur éclose sur la tige de Jessé, où s’épanouit tout ce que ces longs siècles de grâces avaient progressivement mûri, purifié, affiné, spiritualisé, ouvert toujours plus profondément et plus largement à l’action divine. Quand Notre-Dame vint au monde, ce fut le véritable Israël selon le cœur de Dieu qui trouva en elle son accomplissement. Personne n’a jamais attendu, désiré, et préparé l’avènement du Messie comme Marie.
Or ce que Notre-Dame a été pour le monde entier lors du premier avènement du Christ, elle l’est pour chacun de nous, car notre âme, quel que soit le degré d’union à Dieu où elle est parvenue, est toujours en attente d’un avènement du Seigneur. «Il vient à nous, dit saint Aelred, chaque jour spirituellement.» Sans nul doute, il est déjà là. Mais c’est avec une grâce toujours nouvelle qu’il ne cesse de venir à nous pour y être davantage. En union avec le Saint-Esprit qui la remplit, et dont elle est comme l’organe, la Vierge enfante, engendre le Christ en nous. C’est à ce titre qu’elle nous est présente d’une présence unique. Si nous nous livrons à son influence, si nous la prenons pour modèle, si nous l’écoutons, elle nous fera éprouver tout ce que son intervention peut nous apporter de joie, de lumière et de grâce. Toujours attentive, Marie s’introduit dans la trame de la Providence avec sa délicatesse de mère virginale. Si elle est médiatrice de toutes les grâces, il y a néanmoins des grâces de vie cachée, de silence, de prière, d’oubli de soi qui portent tout particulièrement son empreinte. Nous savons bien que de telles grâces sorties du Cœur de Dieu ont traversé le sien.
Saint Aelred poursuit: «Enfin il viendra pour notre glorification». Comme elle a mystérieusement préparé le monde à la venue du Fils de Dieu en son sein, la Vierge est présente au cœur de l’Eglise dans l’attente du dernier avènement du Christ. Elle est Notre-Dame de l’attente et des préparations, son rôle est d’aider à l’édification de cette Jérusalem céleste qu’elle n’a cessé de représenter dans sa beauté et dont elle sera le sommet. Tandis que l’Eglise avance dans le temps, elle pénètre de plus en plus dans le mystère de Marie. Des conciles, des définitions dogmatiques ont mis en relief sa grandeur, ses prérogatives. Elle est, auprès de Dieu, non certes un objet d’adoration, mais celui d’une contemplation et d’une vénération qui ne s’épuiseront jamais. D’autre part, ses visites à l’Eglise militante se multiplient. Au sein d’un monde troublé, enclin à l’orgueil, à la jouissance, la Vierge vient nous rappeler l’Evangile, nous avertir que le retour du Seigneur est proche, qu’il nous demande d’être humbles, doux, pénitents, priants, toujours prêts au don de nous-mêmes à nos frères dans la charité. Comprenons bien que la sainte Mère de Dieu, cet être si pur, doué d’une souveraine grandeur par sa prédestination, sa mission, sa sainteté immaculée et exemplaire, est en même temps si simple et toute proche de nous. La Vierge Marie restera toujours pour nous, en même temps que la Femme couronnée d’étoiles, revêtue de lumière, une personne familière, notre mère dans l’ordre de la grâce. Heureusement qu’elle est là, cette présence maternelle et apaisante, pour nous aider à porter le poids parfois bien lourd de notre attente. Car les moines sont eux-aussi dans l’Eglise comme un signe sensible de l’Avent. Notre vie est d’attendre le Christ. Comme la Vierge, les moines préparent et hâtent le retour du Seigneur, dans la prière et la vigilance. Ils vivent aussi dans le silence, attendant ces venues secrètes du Christ dans les cœurs.
«Par conséquent, conclut saint Aelred, considérons à quel point Dieu nous aime, lui qui a supporté tant de choses pour nous lors de son premier avènement, qui prend un tel soin de nous lors de ses visites quotidiennes, qui réserve tant de biens à nous donner lors de son troisième avènement; et, par cette considération, entretenons en nous l’amour afin de parvenir plus sûrement à sa gloire, grâce à celui qui vit et règne pour les siècles des siècles. Ainsi soit-il.»
Fr. Placide, o.s.b., Prieur