27 octobre 2014

[Mgr Fellay, fsspx / La Porte Latine] "A Lourdes, sous l'étendard du Christ-Roi"


SOURCE - Mgr Fellay, fsspx / La Porte Latine - 27 octobre 2014

Mgr Bernard Fellay, Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, a bien voulu nous accorder un entretien exclusif lors du pèlerinage international 2014 à Lourdes. Qu'il en soit ici chaleureusement remercié. 
Son Excellence a répondu sans détour à toutes nos questions. Après nous avoir fait part de sa joie pour la réussite de ce pèlerinage, il nous a livré ses analyses sur le synode sur la famille et la béatification du pape Paul VI. Il a conclu enfin sur une mise au point à propos de la phrase de son sermon qui évoquait Notre Seigneur et son "noli timere", "n'ayez pas peur". 
La Porte Latine
"A Lourdes, sous l'étendard du Christ-Roi"
La Porte Latine - Bonjour, Monseigneur. Merci de répondre aux questions de La Porte Latine pour les fidèles de France qui n’ont pas pu assister à ce magnifique pèlerinage. Comment pouvez-vous conclure ce pèlerinage?
Mgr Fellay - Effectivement, le terme magnifique est celui qu’il faut utiliser. Un très, très, très beau pèlerinage avec une conjonction parfaite : l’aide du centre, de l’organisation du pèlerinage, qui a mis à notre disposition tout ce qu’il nous fallait, le Bon Dieu qui s’est débrouillé pour nous donner un temps absolument magnifique, de très belles journées d’arrière-automne qui ont permis les cérémonies les plus sereines possible…Je crois que c’est aussi le terme que j’utiliserais: la sérénité, c’était très calme et très beau. Je pense que les âmes ont pu s’élever vers le Bon Dieu, s’unir au Bon Dieu, remercier la Sainte Vierge, la supplier pour toutes les grâces dont elles ont besoin, dont nous avons besoin. Vraiment un beau pèlerinage d’action de grâces.
LPL - Nous avons eu plusieurs consécrations pendant ce pèlerinage. Pouvez-vous nous en parler, parce que cela engage aussi tous les fidèles de la Fraternité?
Mgr - En fait, c’était des renouvellements. Je ne pense pas qu’il y ait eu directement une consécration, sauf peut être celle d’aujourd’hui qui était plutôt une supplique à saint Pie X, mais bien sûr, c’est notre patron, et déjà tout est entre ses mains. Le renouvellement de la consécration au Coeur Immaculé de Marie, de la Fraternité, du District de France, c’est ce qui correspond à Fatima, Lourdes étant un lieu d’apparition de la Sainte Vierge, les messages étant au fond les mêmes, c’est-à-dire cette insistance sur une très profonde et très intime dévotion à la Sainte Vierge, au Coeur Immaculé. Ici, c’est l’Immaculée, à Fatima, c’est le Coeur Immaculé et Douloureux, on s’y retrouve, c’est bien la même Sainte Vierge. Donc consécration importante pour nous, parce que manifestement, le Ciel nous indique les moyens pour trouver protection, secours, dans les temps difficiles que nous traversons, c’est bien le Coeur Immaculé, le moyen indiqué par le Bon Dieu, par le Ciel. Au Sacré-Coeur aussi, lié au Christ-Roi. Nous avons cela très à coeur, et cela nous est très cher.

D’ailleurs, ça me rappelle que Mgr Lefebvre a une phrase extrêmement éclairante sur le combat, sur les problèmes actuels dans l’Eglise, et il les lie au Christ-Roi. Il dit: « c’est parce que les prélats, nos prélats, les chefs de l’Eglise, n’ont plus le souci, la préoccupation du royaume, du règne de Notre Seigneur Jésus-Christ que les choses vont mal », et il va même jusqu’à dire que nous ne pouvons pas les suivre, et c’est vrai, c’est un langage qui n’est plus compris aujourd’hui, plus du tout compris. c’est je crois l’un des plus grands malheurs, c’est une espèce de remise à la théorie, de la royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ, dont on ne veut plus l’application pratique…Eventuellement, pour les individus…mais pour la société, de reconnaître que les sociétés, les pays, les nations, appartiennent à Notre Seigneur, tout simplement, aujourd’hui c’est considéré comme une idée de martien, et dans l’Eglise. C’est une tragédie profonde parce que c’est le même Seigneur des Nations qui est notre Sauveur, c’est le même qui est à la tête de toutes les nations et la tête de l’Eglise, qui est le Sauveur, le seul par qui on peut être sauvé. Enlever une partie - cette partie dans laquelle se déroule la vie humaine, c’est-à-dire ce monde, on a une âme et un corps - c’est très grave, c’est en fait ce qu’ont voulu les ennemis de l’Eglise, c’est ravir ce sceptre de Notre Seigneur. Ce combat, il est abandonné, nous l’avons toujours compris à la suite de Mgr comme quelque chose de très, très grave, et nous sommes bien sûr persuadés que nous avons raison. Donc, renouveler cette consécration, demandée par Pie XI, c’est une valeur très importante ; c’est une protestation vers le Ciel en disant: beaucoup vous ont tourné le dos, nous pas! On veut être avec vous.
LPL - Et cette dernière supplique à saint Pie X, d’aujourd’hui?
Mgr - Saint Pie X, c’est notre patron. Alors on lui demande vraiment de nous garder, de nous protéger, d’intercéder du haut du ciel pour cette oeuvre qui s’est mise sous son patronage, qui veut suivre son exemple, qui veut bénéficier de son intercession. On peut dire tout ce que l’on veut, mais saint Pie X, c’est vraiment un grand saint pape. Il est canonisé au nom de son sacerdoce. Bien sûr, si l’on peut dire, le pape c’est le summum du sacerdoce - Souverain Pontife - et cela aussi c’est tout un programme. Il faut bien rappeler que notre modèle, c’est lui, c’est saint Pie X.
LPL - Quelques questions d’actualité préoccupent les catholiques, et plus spécialement les fidèles de la fraternité. La première concerne les chrétiens d’Orient qui sont massacrés actuellement. Quelle st votre opinion sur ce qui se passe ?
Mgr - Tout d’abord, c’est une immense compassion, mais aussi, sans aucun doute, si on trouve maintenant cette forme d’islam extrêmement agressive dans ces pays, c’est qu’il y avait un certain ordre établi qui a été complètement bouleversé, et c’est récent. Jusque là les chrétiens vivaient dans ces pays avec tout l’honneur et le respect qui leur étaient dus, on peut dire depuis les origines. Lorsque l’islam est arrivé là, sous Mahomet, ils n’ont pas été aussi barbares qu’aujourd’hui; cela, c’est aussi un signe des temps. Cela devrait faire réfléchir les gens, mais on a l’impression que l’on ne réfléchit pas. On essaie de mettre cela sous une espèce d’extrémisme, et puis c’est tout. C’est grave, c’est vraiment très, très, grave, ce qui se passe là. Encore une fois, comme on ne veut plus de ce règne de Notre Seigneur, et bien, on en subit les conséquences: on les a devant nous!
LPL - Les médias parlent beaucoup du synode de l’Eglise catholique. Que doit-on en retenir? Que faut-il en attendre?
Mgr - Il n’y a rien à attendre. Il ne faut pas attendre, la ligne est donnée. Elle est claire. Il faut le dire simplement: elle est claire. Il est évident que l’on veut arriver à banaliser la situation de personnes qui vivent dans l’adultère, vraiment dans une situation de péché. On veut banaliser cela, et c’est très, très, très grave. Quant on touche à la morale, on touche aux commandements de Dieu. Qu’on ait osé, pendant deux semaines laisser libre cours à l’opinion là où il n’y a pas de place pour l’opinion. C’est Dieu qui a parlé. Il y a le « amen ». Il faut bien sûr réfléchir comment aider ces personnes, il faut toujours réfléchir à cela. Mais on ne les aide certainement pas en leur disant qu’il y a une porte ouverte là où il n’y en a pas. La porte qu’on est en train d’ouvrir, c’est une porte pour l’enfer! Ces prélats qui ont reçu le pouvoir des clés, c’est-à-dire d’ouvrir les portes du Ciel, ils sont en train de les fermer et d’ouvrir les portes de l’enfer. C’est invraisemblable ! C’est à hurler! C’est à hurler! Et comme je vous ai dit, la ligne est donnée. Il est vrai que ce synode n’était pas sensé décider, c’était sensé être un premier pas, mais les premiers pas ont été marqués, la direction a été donnée, et ce n’est pas difficile de deviner ce qui se fera au synode suivant.A moins, qu’il n’y ait une réaction beaucoup plus forte que celle qui existe aujourd’hui, et malheureusement, je pense qu’elle ne sera pas là. Elle ne sera pas là, hélas!
LPL - Que doit-on penser de la béatification de Paul VI?
Mgr - Ce n’est pas sérieux, tout simplement. On en conclut que tout le monde peut devenir saint, surtout si on est pro-Vatican II, quoi! Tout ce qui touche à Vatican II maintenant est saint, béatifié, canonisé. Encore une fois, il y a là une banalisation de la sainteté. Ce n’est plus sérieux, ce n’est pas sérieux! Cela fait mal, cela nous touche profondément. On ridiculise la religion. Un saint doit éclater par ses vertus, vertus héroïques, ce doit être un exemple à suivre. Et çà, ce n’est pas sérieux, ce qu’on fait là, c’est triste à dire.
LPL - Nous terminerons sur les mots que la presse a retenus de votre sermon d’hier: « N’ayez pas peur! ». Pour les fidèles qui n’assistaient pas à cette messe, dites-nous ce qu’ils doivent en retenir.
Mgr - Il faut bien comprendre ce que j’ai dit. Je n’ai pas dit simplement comme cela « n’ayez pas peur ». J’ai dit qu’il y avait ces raisons, humainement parlant gravissimes d’avoir peur, et de tous les côtés, mais que à cette peur humaine, il fallait répondre par un regard surnaturel, en écoutant Notre Seigneur qui, se rendait compte que déjà les apôtres avaient peur, cette crainte n’est pas d’aujourd’hui.

Depuis les apôtre, il y a cette peur. C’est un des moyens les plus puissants des ennemis de l’Eglise, en particulier du diable, pour paralyser l’action apostolique de l’Eglise. Il essaie de faire peur, d’effrayer. Il faut vaincre cette peur, mais pas en cherchant des moyens humains.

La tentation des hommes, c’est soit de se laisser effrayer par ce qui est une réalité devant nous ou en voulant prétendre résoudre les problèmes par soi-même. Des deux côtés, la réponse vraie, c’est la réponse apportée par Notre Seigneur lorsqu’il dit « n’ayez pas peur », c’est parce qu’il faut chercher le secours chez lui. « Adjutorum nostrum in Nomine Domini », notre secours, il est dans le Nom du Seigneur. C’est un regard sur le Bon Dieu qu’il faut porter. Et dans une crise aussi terrible que celle-ci, c’est la seule chose qui nous reste d’ailleurs. Du côté des hommes, c’est fini, c’est sans espoir. La situation de l’Eglise, c’est une catastrophe sans nom. Donc il y a vraiment de quoi avoir peur. Mais nous n’avons pas le droit de nous laisser paralyser, il faut aller de l’avant, il faut partir à la reconquête, et cela ne se fait que dans le Nom du Seigneur. Ce regard et cette recherche de l’aide promise par le Bon Dieu.

Le Bon Dieu qui a demandé aux apôtres d’aller dans le monde entier, il a dû leur dire: « n’ayez pas peur », mais il a dit aussi « comptez sur Moi, Je serai avec vous tous les jours. » Voilà le vrai message, ce n’est pas « n’ayez pas peur ».
----------
Entretien réalisé pour La Porte Latine par Jean-Paul et Jacques Buffet, le 27 octobre 2014