30 mars 2016

[Paix Liturgique] Quatorze diocèses en France au seuil de la miséricorde

Mgr Ventura a récemment célébré
une messe pontificale et administré
le sacrement de c
onfirmation à
Fontainebleau pour la Fraternité
Saint-Pierre. (photo FSSP)
SOURCE - Paix Liturgique - Paix Liturgique - lettre n°535 - 30 mars 2016

Il y a trois ans, dans notre lettre 381 du 4 avril 2013, nous dressions un bilan de l’application dominicale et hebdomadaire du Motu Proprio Summorum Pontificum en France au terme du pontificat de Benoît XVI. Nous relevions alors que 15 des 93 diocèses territoriaux de la métropole étaient privés de la célébration dominicale hebdomadaire de la forme extraordinaire de la messe. Aujourd’hui, alors que 9 des 15 évêques titulaires de ces diocèses ont été renouvelés par le pape François sur suggestion du nonce, Mgr Ventura, nous en refaisons un rapide tour d’horizon pour voir si quelque chose y a évolué.
I – 2013 : 15 diocèses sans messe traditionnelle dominicale et hebdomadaire
Voici ce que nous écrivions dans notre lettre 381 : « Au cours de l’année 2011, nous avons publié une série de lettres sur les diocèses privés de toute messe extraordinaire, non seulement dominicale mais aussi en semaine. Nous en avions dénombrés 6 : Mende, Langres, Angoulême, Châlons-en-Champagne, Viviers et Cambrai. À la date du 28 février 2013, si nous considérons non pas seulement ces diocèses mais bien tous ceux qui n’offrent aucune messe dominicale ET hebdomad aire, nous en trouvons non pas 6 mais... 15 ! Il faut en effet ajouter à la liste précédente les diocèses d’Amiens, d’Autun, de Digne, de La Rochelle, de Reims, de Saint-Claude, de Saint-Denis, de Soissons et de Verdun : soit quinze diocèses où l’on peut dire que ni le Motu Proprio Ecclesia Dei de Jean-Paul II ni le Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI ne sont en fait appliqués. »
II – 2016 : 14 diocèses sans messe traditionnelle dominicale et hebdomadaire
> Mende : Dans ce diocèse très peu peuplé (80 000 habitants), aucune des cinq paroisses n’offre la forme extraordinaire du rite romain. Mgr Jacolin gère la crise depuis son arrivée en 2007. Un de nos lecteurs nous dit : « ;il est déjà souvent difficile de voir la forme ordinaire célébrée dans son propre village » mais, dans la pratique, rien n’empêcherait de faire appel à un prêtre Ecclesia Dei pour célébrer une messe tridentine, qui contribuerait à redonner de la vie à ce diocèse qui se meurt.

> Langres : Mgr Joseph de Metz-Noblat, prélat très classique venu du diocèse de Verdun, a succédé à Mgr Guéneley en 2014. Peu à peu, la situation diocésaine se détend même si, pour l’heure, la célébration de la forme extraordinaire n’est pas encore à l’ordre du jour.

> Angoulême : Succéder à Mgr Claude Dagens est un lourd défi pour M gr Hervé Gosselin, ordonné évêque d’Angoulême le 10 janvier 2016. Il convient de laisser à ce Breton issu des Foyers de Charité le temps de prendre connaissance de la situation liturgique locale pour savoir s’il saura l’apaiser et la résoudre avec charité et miséricorde.

> Châlons-en-Champagne : Mgr François Touvet a officiellement succédé à Mgr Gilbert Louis en décembre 2015. Dans un diocèse où les groupes de demandeurs sont nombreux, laissons donc un peu de temps à ce prélat, beau-frère du général de Villiers, chef d’état-major général des armées, pour juger de sa largeur de vues et de son intelligence de ce que sera l’avenir de l’Église en France.

> Viviers : Encore un diocèse rural, où l’évêque est de nomination récente et issu du moule des vicaires généraux. Venu de Nice, Mgr Jean-Louis Balsa a en effet succédé à Mgr François Blondel à l’automne 2015. Wait and see, donc, comme aurait dit le regretté abbé Houghton, qui repose dans le cimetière de Viviers (voir notre lettre 292).

> Cambrai : Plus que trois ans ! Plus que trois ans avant que Mgr Garnier, qui sévit dans le diocèse depuis l’an 2000, n’atteigne l’âge canonique de la retraite. D’ici là, 1 000 000 d’habitants resteront encore privés de messe traditionnelle.

> Saint-Denis : Toujours pas de messe dominicale hebdomadaire dans le diocèse dirigé par Mgr Delannoy depuis 2009. La messe mensuelle de Montfermeil continue toutefois d’être célébrée le premier dimanche du mois, à 9h45.

> La Rochelle et Saintes : Le pape François vient d’appeler le supérieur général des Missions Étrangères de Paris, le Père Georges Colomb, à succéder à Mgr Bernard Housset. Cette nomination, qui rompt la routine des vicaires généraux, est très encourageante pour un diocèse où, comme nous l’avons rappelé dans notre lettre 513 : « l’application du Motu ProprioSummorum Pontificum est lim itée à une célébration mensuelle alternée entre les deux sièges épiscopaux... distants de 70 km ».

> Autun : Enfin un diocèse où l’effet Summorum Pontificum commence à se faire sentir ! Depuis que Mgr Rivière a donné la possibilité à la Fraternité Saint-Pierre d’y ouvrir une maison, début 2013, la situation s’est grandement améliorée. À la messe hebdomadaire de Chalon-sur-Saône, il faut ajouter les messes bimensuelles de Varennes-les-Mâcon et Paray-le-Monial. À ces trois messes célébrées par la FSSP, il convient d’ajouter les deux messes mensuelles paroissiales, célébrées à Ligny-en-Brionnais et, depuis la rentrée 2015, à Digoin. Bref, un diocèse où ; s’installe, lentement mais sûrement, la paix liturgique et où d'autres avancées sont possibles.

> Digne : Mgr Jean-Philippe Nault, venu du sanctuaire d’Ars et qui appartient à la famille de ces nouveaux évêques dépourvus d'œillères idéologiques, passés par le scoutisme et les mouvements de jeunes, en lien étroit avec Solesmes, a succédé à Mgr François-Xavier Loizeau en 2014. Aucun changement : une seule messe toujours, le 3ème dimanche du mois à Digne. Pour l’instant.

> Amiens : Mgr Olivier Leborgne, qui a souvent été cité dans nos colonnes lorsqu’il était vicaire général de Versailles, a succédé à Mgr Jean-Luc Bouilleret en 2014. Mgr B ouilleret s’était rendu tristement célèbre en refusant l’hospitalité à la communauté traditionnelle locale qui avait perdu, en 2007, l’usage de la chapelle dont elle bénéficiait jusque-là. Pour l’évêque, le « tort » de cette communauté était de faire appel aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X. Sauf que le diocèse n’offrait strictement aucune alternative à ces fidèles, contraints d’organiser la messe sur le trottoir en plein hiver ! Aujourd’hui, la FSSPX s’est installée à Amiens, dans l’ancien séminaire des lazaristes (qui deviendra maison ecclésiastique officielle quand la FSSPX sera reconnue…), mais le diocèse, comme tel, demeure terra incognita pour la forme extraordinaire.

> Reims : Installé dans la cité des sacres depuis 1999, Mgr Jordan entendra d’ici deux ans sonner l’heure de la retraite. Faut-il attendre quelque chose de cet homme élevé dans une famille versaillaise des plus classiques et qui a choisi, devenant un persécuteur des séminaristes français traditionnels lorsqu’il était en poste à Rome, d’embrasser le camp du mépris et du déni face aux fidèles désireux de vivre selon la liturgie millénaire de l’Église ? Vaille que vaille, la communauté locale s’agrippe à la messe mensuelle que célèbrent les chanoines de l’ICRSP.

> Saint-Claude : Ce diocèse rural, dont une partie montagneuse, n’a droit qu’à une messe mensuelle, à Dole. L’arrivée en 2 011 de Mgr Jordy, évêque classique issu de la Communauté de l’Emmanuel, n’y a, pour l’instant, rien changé (1).

> Soissons : Mgr Renauld de Dinechin a succédé à Mgr Hervé Giraud en 2015. Une rude tâche attend ce Parisien, ancien auxiliaire de la capitale, dans ce diocèse qui est comme le fils aîné de l’Église de France mais n’a pas résisté mieux que les autres à la crise des vocations : le nombre des prêtres y a baissé de 60% en 25 ans...

> Verdun : Mgr Jean-Paul Gusching, très conciliaire, et dont la carrière a été faite par Mgr Bouilleret, qui l'avait choisi comme vicaire général à Amiens, a succédé à Mgr François Mau pu en 2014. On voit difficilement la situation évoluer dans ce diocèse où la forme extraordinaire n’est pas célébrée même s’il existe une messe mensuelle en latin utilisant le lectionnaire moderne. Pourtant, nos amis du Baptistère indiquent qu’une messe dominicale hebdomadaire est désormais célébrée, selon la forme extraordinaire du rite romain, à Thierville-sur-Meuse. Mais, de fait, c’est une messe du diocèse aux armées, célébrée dans la chapelle du 1er Régiment de Chasseurs.

Bilan : Si l’on retire Autun de notre liste de départ, il demeure 14 diocèses privés de toute célébration dominicale hebdomadaire de la messe dans un cadre paroissial ou Ecclesia Dei.
III – Une intention de prière pour le Jubilé de la Miséricorde
Paul Ariès, athée militant, dénonce avec rage, dans son dernier livre, La face cachée du pape François, paru aux éditions Max Milo, la droitisation actuelle de l’Église. Point de vue discutable sans doute, mais qui correspond au constat dressé aujourd’hui dans les officines laïcistes françaises, et qui est l’une des explications du montage de l’affaire Barbarin. 

Dans un récent article, le blog Riposte catholique analyse la stratégie de nominations épiscopales suivie par le nonce à Paris, Mgr Ventura, et n'est pas loin de souscrire égalem ent à cette vision de l’évolution de l’Église (à savoir que les seules troupes catholiques qui resteront seront bientôt celles que l’on qualifie d’« identitaires »). Le diplomate, par petites touches prudentes, ferait un pari sur l’avenir qui anticiperait « ce que pourraient être les futures évolutions romaines à moyen terme, et de toute façon à long terme ». Dans le domaine liturgique qui est le nôtre, cela signifie que l'on peut raisonnablement prévoir une embellie pour l'accueil réservé aux demandes de messes traditionnelles.

Alors que, comme les journaux s'en sont faits l'écho, le pape François a reçu Mgr Fellay, Supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) à Rome le week-end dernier, nous ne pouvons que souligner encor e une fois l’anomalie pastorale que représentent ces diocèses privés totalement de l’application sincère et honnête du Motu Proprio de Benoît XVI. Dans huit des quatorze diocèses suscités, la reconnaissance canonique de la périphérie d’Écône à l’Église serait incontestablement une bonne et grande nouvelle pour tous et permettrait de répondre aux besoins de nombreux fidèles. 

Toutefois, dans les six diocèses où la FSSPX ne célèbre pas, elle non plus, de façon dominicale hebdomadaire, un éventuel accord ne résoudrait rien. Ces six diocèses sont : Mende, Châlons-en-Champagne, Viviers, Cambrai, Digne et Verdun.

Prions donc pour les fidèles de ces six diocèses, afin que leurs pasteurs entendent l’appel du pape à la miséricorde et le suivent dans sa démarche de réconciliation en ouvrant enfin les portes de leurs églises à cette portion de leur troupeau qui veut prier selon la tradition multiséculaire de l’Église.
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(1) L’année suivante, en 2012, le nouvel évêque de Saint-Claude, en tournée pastorale dans le secteur des Rousses, où la FSSPX dessert la chapelle N-D de Lourdes, a intégré cette chapelle à son parcours : il l’a visitée, reçu par le prêtre desservant, et a prié et a conversé le plus naturellement du monde avec des représentants de la communauté traditionaliste. Un beau témoignage de la vocation de l'évêque à être le pasteur de tous les fidèles catholiques de son diocèse.