SOURCE - Soazig Quemener - Le Journal du Dimanche - 16 mars 2009
Chahuté par l'affaire Williamson, Benoît XVI débute son premier voyage en Afrique mardi. Dans une lettre envoyée la semaine dernière aux 5000 évêques catholiques, le pape affirme qu'il ignorait les positions négationnistes du prélat. Henri Madelin, théologien et ancien provincial des Jésuites de France, revient pour Le Journal du Dimanche sur les polémiques suscitées par le Vatican.
Benoît XVI a finalement reconnu une erreur. Jeudi, le Saint-Père a fait parvenir une lettre d'explication aux 5000 évêques catholiques. Le pape y admet qu'il ignorait les positions négationnistes de Richard Williamson, l'un des quatre prélats lefebvristes dont il a levé l'excommunication fin janvier. Et assure que la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre ne pourra pas réintégrer l'Eglise si elle ne reconnaît pas les décisions de Vatican II. Mais un autre front s'allume, au Brésil cette fois. La décision, la semaine dernière par l'archevêque de Recife, d'excommunier une mère qui a fait avorter sa fille de 9 ans, enceinte de jumeaux à la suite d'un viol, ainsi que toute l'équipe médicale qui l'a opérée, suscite un mouvement de protestation planétaire. Alors que samedi 7 mars, le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques, justifiait cette décision, la Conférence nationale des évêques du Brésil a fait savoir vendredi dernier qu'elle avait annulé l'excommunication. Un nouveau travail d'explications en perspective pour Benoît XVI.
Comment jugez-vous la lettre expédiée jeudi par le pape aux évêques?
Benoît XVI se présente avec une attitude humble et même désemparée. Manifestement, on a pris conscience à Rome que la communication de la curie a connu de nombreux ratés. Le pire était la non-consultation des évêques locaux avant de prendre une décision qui les concernait au premier chef et qui allait se répercuter dans tous les diocèses. C'est une secousse énorme. Aujourd'hui il s'agit de rattraper tout cela.
Des remous prévisibles
Dans cette lettre, le pape explique qu'il ignorait l'antisémitisme de Williamson, l'un des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre...
Le processus de réconciliation avec les lefebvristes est compliqué et dangereux. Les quatre récipiendaires n'étaient sans doute pas mûrs pour cela. Ce n'était pourtant pas quelque chose de dramatique. Ce qui l'a été, en revanche, c'est l'affaire Williamson. Mais tout n'est pas négatif dans ce qui se passe. La solidarité avec les juifs a joué malgré les protestations, nombreuses de chaque côté. Or, que les chrétiens reconnaissent leurs racines communes avec le judaïsme était l'une des avancées du concile Vatican II. Une avancée refusée par les intégristes.
Etait-il réellement nécessaire de leur tendre la main?
Je comprends que quelqu'un qui est à la barre du gouvernement d'une Eglise et qui connaît bien l'histoire fasse tout ce qu'il peut pendant que c'est encore possible afin d'éviter un schisme. Nous avons des exemples dans l'Histoire de groupes qui se sont séparés, il y a un ou deux siècles, et qui ne meurent pas, continuant à alimenter des revendications éternelles. Enfin, quand on est aux commandes d'un gros navire comme celui-là, on est hanté par l'idée de l'unité. Comme toujours, le pape en appelle à un effort de culture et de lecture de l'histoire.
Certains observateurs du Vatican décrivent un pape très solitaire. Benoît XVI n'est-il pas trop coupé du monde?
Il y a un fractionnement entre les différents responsables du Vatican. Ils ne semblent pas se rencontrer fréquemment, il n'y a donc pas de position harmonisée. Enfin, Benoît XVI est d'abord un professeur. Il parle comme s'il faisait un cours. Après, quand il s'aperçoit que ses propos n'ont pas été bien reçus, il corrige et repart autrement. Cela a été le cas lors du discours de Ratisbonne, mais aussi avec les nominations ratées à Linz et Varsovie. Il aurait pu prévoir que cela allait faire des remous.
Le spectre du "pape allemand"
La lettre aux évêques va-t-elle pouvoir rassurer les catholiques?
Les évêques sont les plus proches de la reprise du dialogue avec le pape, même s'ils se demandent toujours comment ils vont pouvoir un jour associer leurs prêtres à ceux de la Fraternité Saint-Pie X. Pour les fidèles, ce sera plus lent, plus compliqué. Ce qui s'est passé laissera plus de traces encore en Allemagne qu'en France. Ce qui a choqué, outre-Rhin, c'est le retour du passé allemand par un pape allemand. Souvenez-vous, lors de son élection, les commentateurs disaient que c'était un signe de maturité de l'Eglise qu'un cardinal allemand devienne pape. Aujourd'hui, c'est d'autant plus difficile pour l'opinion publique allemande.
Les catholiques français vont-ils s'éloigner du pape?
Ils sont déçus mais il y aura d'autres mouvements. Le voyage du Saint-Père en France s'était très bien passé. D'ailleurs, Benoît XVI s'est agacé de voir cette crise user le crédit acquis à Paris.
Comment avez-vous compris l'excommunication, au Brésil, de l'équipe médicale qui avait procédé à l'avortement d'une petite fille violée?
Je suis très choqué par cette histoire. Faire tomber une excommunication dans un pays pauvre, dans un contexte de vie affective et sexuelle que l'on sait très dur, c'est un acte de puissance difficilement compréhensible.
Quels sont les enjeux du voyage du pape cette semaine en Afrique?
Il fallait que Benoît XVI s'inscrive dans la continuité de son prédécesseur, Jean-Paul II, en soutenant le continent africain, terrain très important pour la foi chrétienne. L'Afrique est aussi un continent de souffrances, et ce voyage une manière d'aller au coeur de la crise. Le pape n'aura pas de peine à remplir les stades et à secouer les foules par sa parole.
Benoît XVI a finalement reconnu une erreur. Jeudi, le Saint-Père a fait parvenir une lettre d'explication aux 5000 évêques catholiques. Le pape y admet qu'il ignorait les positions négationnistes de Richard Williamson, l'un des quatre prélats lefebvristes dont il a levé l'excommunication fin janvier. Et assure que la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre ne pourra pas réintégrer l'Eglise si elle ne reconnaît pas les décisions de Vatican II. Mais un autre front s'allume, au Brésil cette fois. La décision, la semaine dernière par l'archevêque de Recife, d'excommunier une mère qui a fait avorter sa fille de 9 ans, enceinte de jumeaux à la suite d'un viol, ainsi que toute l'équipe médicale qui l'a opérée, suscite un mouvement de protestation planétaire. Alors que samedi 7 mars, le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques, justifiait cette décision, la Conférence nationale des évêques du Brésil a fait savoir vendredi dernier qu'elle avait annulé l'excommunication. Un nouveau travail d'explications en perspective pour Benoît XVI.
Comment jugez-vous la lettre expédiée jeudi par le pape aux évêques?
Benoît XVI se présente avec une attitude humble et même désemparée. Manifestement, on a pris conscience à Rome que la communication de la curie a connu de nombreux ratés. Le pire était la non-consultation des évêques locaux avant de prendre une décision qui les concernait au premier chef et qui allait se répercuter dans tous les diocèses. C'est une secousse énorme. Aujourd'hui il s'agit de rattraper tout cela.
Des remous prévisibles
Dans cette lettre, le pape explique qu'il ignorait l'antisémitisme de Williamson, l'un des quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre...
Le processus de réconciliation avec les lefebvristes est compliqué et dangereux. Les quatre récipiendaires n'étaient sans doute pas mûrs pour cela. Ce n'était pourtant pas quelque chose de dramatique. Ce qui l'a été, en revanche, c'est l'affaire Williamson. Mais tout n'est pas négatif dans ce qui se passe. La solidarité avec les juifs a joué malgré les protestations, nombreuses de chaque côté. Or, que les chrétiens reconnaissent leurs racines communes avec le judaïsme était l'une des avancées du concile Vatican II. Une avancée refusée par les intégristes.
Etait-il réellement nécessaire de leur tendre la main?
Je comprends que quelqu'un qui est à la barre du gouvernement d'une Eglise et qui connaît bien l'histoire fasse tout ce qu'il peut pendant que c'est encore possible afin d'éviter un schisme. Nous avons des exemples dans l'Histoire de groupes qui se sont séparés, il y a un ou deux siècles, et qui ne meurent pas, continuant à alimenter des revendications éternelles. Enfin, quand on est aux commandes d'un gros navire comme celui-là, on est hanté par l'idée de l'unité. Comme toujours, le pape en appelle à un effort de culture et de lecture de l'histoire.
Certains observateurs du Vatican décrivent un pape très solitaire. Benoît XVI n'est-il pas trop coupé du monde?
Il y a un fractionnement entre les différents responsables du Vatican. Ils ne semblent pas se rencontrer fréquemment, il n'y a donc pas de position harmonisée. Enfin, Benoît XVI est d'abord un professeur. Il parle comme s'il faisait un cours. Après, quand il s'aperçoit que ses propos n'ont pas été bien reçus, il corrige et repart autrement. Cela a été le cas lors du discours de Ratisbonne, mais aussi avec les nominations ratées à Linz et Varsovie. Il aurait pu prévoir que cela allait faire des remous.
Le spectre du "pape allemand"
La lettre aux évêques va-t-elle pouvoir rassurer les catholiques?
Les évêques sont les plus proches de la reprise du dialogue avec le pape, même s'ils se demandent toujours comment ils vont pouvoir un jour associer leurs prêtres à ceux de la Fraternité Saint-Pie X. Pour les fidèles, ce sera plus lent, plus compliqué. Ce qui s'est passé laissera plus de traces encore en Allemagne qu'en France. Ce qui a choqué, outre-Rhin, c'est le retour du passé allemand par un pape allemand. Souvenez-vous, lors de son élection, les commentateurs disaient que c'était un signe de maturité de l'Eglise qu'un cardinal allemand devienne pape. Aujourd'hui, c'est d'autant plus difficile pour l'opinion publique allemande.
Les catholiques français vont-ils s'éloigner du pape?
Ils sont déçus mais il y aura d'autres mouvements. Le voyage du Saint-Père en France s'était très bien passé. D'ailleurs, Benoît XVI s'est agacé de voir cette crise user le crédit acquis à Paris.
Comment avez-vous compris l'excommunication, au Brésil, de l'équipe médicale qui avait procédé à l'avortement d'une petite fille violée?
Je suis très choqué par cette histoire. Faire tomber une excommunication dans un pays pauvre, dans un contexte de vie affective et sexuelle que l'on sait très dur, c'est un acte de puissance difficilement compréhensible.
Quels sont les enjeux du voyage du pape cette semaine en Afrique?
Il fallait que Benoît XVI s'inscrive dans la continuité de son prédécesseur, Jean-Paul II, en soutenant le continent africain, terrain très important pour la foi chrétienne. L'Afrique est aussi un continent de souffrances, et ce voyage une manière d'aller au coeur de la crise. Le pape n'aura pas de peine à remplir les stades et à secouer les foules par sa parole.