2 octobre 2009

[Charlier / Forum catholique] Mgr Lefebvre, les sacres et la liberté religieuse

SOURCE - Message publié par Charlier sur le Forum Catholique - 2 octobre 2009

A Gentiloup : Mgr Lefebvre, les sacres et la liberté religieuse

Cher Monsieur,

1.- je partage votre avis sur la nécessité d'autres témoignages. Ils viendront sans aucun doute à leur heure, pour rendre à chacun sa vérité.

2.- En revanche, il n'est pas possible de vous suivre lorsque vous affirmez : "On sait que c'est "Assise" et donc "la liberté religieuse" qui a emporté la décision de Mgr Lefebvre pour les sacres de 1988!"

Il vaudrait mieux écrire : "On dit qu'il en a été ainsi". C’est, en particulier, l’affirmation tenue sur le site de La Porte Latine, sous la plume de M. l’abbé F.-M. Chautard.

Cette affirmation, cependant, est erronée. Certes, il est exact que Mgr Lefebvre, dès juin 1987, avait menacé de sacrer des évêques à la suite de l’événement d’Assise et de la réponse qu’il avait reçue aux “dubia” qu’il avait soumis à Rome.

Cependant ce n'est pas la question de la liberté religieuse qui a finalement porté Mgr Lefebvre à décider de sacrer des évêques en 1988.

Votre affirmation fait prétérition d’une événement important, qui est intervenu entre temps : les négociations et la signature du protocole d’accord du 5 mai 1988 entre Mgr Lefebvre et Rome.

Or, au regard de cet événement capital, l’affirmation selon laquelle Mgr Lefebvre a décidé de sacrer des évêques à cause de la liberté religieuse est à la fois fausse et invraisemblable.

UNE EXPLICATION INVRAISEMBLABLE

Lors de ces tractations, qui ont en particulier été menées par celui qui était alors le Cardinal Ratzinger, toutes les questions litigieuses entre les parties ont été abordées. Toutes. En particulier celle de la liberté religieuse. Or, au terme de ces négociations, Mgr Lefebvre – dont vous m’accorderez qu’il n’était ni un menteur, ni un homme qui entendait abuser l’autre partie, ni un naïf, ni un homme privé de sa raison – a signé de sa main le protocole qui les a conclues. Ainsi, il s’est engagé et il a engagé sa Fraternité en connaissance de cause.

Cela signifie très clairement ceci : par cette signature, Mgr Lefebvre a jugé qu’un accord était possible, malgré les points de désaccord subsistants. Y compris, par conséquent, celui qui portait sur la liberté religieuse. Cela signifie aussi ceci : acceptant cet accord, Mgr Lefebvre n’a pas cru devoir faire des éléments qui le fondaient un point de rupture. C’eut été contradictoire. L’accord manifestait enfin que Mgr Lefebvre jugeait qu’une issue demeurait à terme possible sans recourir à cet acte de rupture qu’il avait évoqué : la consécration d’évêques.

Le choix de cet acte de rupture était d’autant plus exclu que le protocole d’accord du 5 mai 1988 lui accordait le droit de sacrer un évêque pour la Fraternité Saint-Pie X et prévoyait un statut canonique spécifique pour cette dernière, lui accordant ainsi ce qu'il recherchait pour l'avenir de son oeuvre.

Mgr Lefebvre, qui a signé ce protocole malgré les difficultés subsistantes, y compris sur la liberté religieuse, n’avait donc aucune raison de provoquer une rupture, au nom de cette question, en recourant illégalement à un acte que le protocole lui donnait le droit d’accomplir légalement.

Pourtant, contre toute attente, à la surprise totale du Pape Jean-Paul II et du Cardinal Ratzinger, Mgr Lefebvre, malgré l’engagement qu’il avait pris, est revenu sur sa signature, rompant ainsi unilatéralement l’accord conclu.

UNE EXPLICATION FAUSSE

La cause de cette rupture et la cause des sacres est identique. Elle n’est pas, encore une fois, la liberté religieuse. Quelle est-elle ?

Le site de La Porte Latine, sous une plume cette fois plus prudente, esquisse une amorce d’explication qui se rapproche de la vérité : « (Les négociations) aboutissent le 5 mai à la signature d'un protocole d'accord avec Rome ; mais, se rendant vite compte que le cardinal Ratzinger n'est pas prêt à lui accorder ce qu'il demande [c’est moi qui souligne], il se rétracte. Il consulte, puis le 2 juin 1988, il écrit au pape sa décision de sacrer 4 évêques le 30 juin. »

Il a fallu, pour déterminer Mgr Lefebvre à opter pour le choix grave auquel il s’est arrêté, la survenance d’un événement extrinsèque.

Cet événement, indiqué ici en termes feutrés, est que Mgr Lefebvre a “découvert” qu’il était trompé par le Cardinal Ratzinger. Il s’est alors convaincu qu’il ne pouvait ni ne devait avoir confiance dans le respect des engagements pris par Rome. Il s'est alors cru trahi, et c'est pourquoi, à deux semaines seulement du terme fixé par les engagements signés, il a décidé la rupture.

Cet événement extrinsèque, qui n’a rien à voir avec Assise ou la liberté religieuse, est donc celui-là : “la découverte” qu’il était trahi.

Le site de La Porte Latine n’en dit rien de plus, probablement parce qu’il n’en sait rien de plus. Parce que, d’une certaine manière, il ne peut pas le savoir.

Mais ce qu’il ne sait pas, d’autres le savent. La vérité est que certaines personnes, à Rome, peut-être avec la complicité d’autres personnes [la connaissance des histoires rend l’hypothèse plausible, pour ne pas dire probable], ont sciemment organisé, à l’insu du Pape et du Cardinal Ratzinger, une manoeuvre mensongère destinée à tromper Mgr Lefebvre afin de lui faire croire à la duplicité du Saint-Siège, d'empêcher les accords et de provoquer sa chute.

C’est cela, c’est cet événement extrinsèque-là qui, trompant Mgr Lefebvre, l’a persuadé qu’il était trahi et l’a poussé à la rupture.

Ce n'est pas un opinion que j'exprime là. C'est une certitude dont je vous fais part. Il m'est impossible de vous en dire davantage, c'est-à-dire de vous en apporter pour le moment la preuve, parce que ce fait odieux, qui est désormais connu du Pape actuel, concerne des personnes toujours vivantes. Je ne puis donc que vous le livrer comme tel, en l'exposant ainsi, il est vrai à toutes les objections possibles.

Le fait n'en est pas moins réel et certain, et l'histoire à venir, proche ou lointaine, l'établira aux yeux de tous.

En toutes hypothèses, la connaissance des circonstances, y compris de celles qui sont connues de tous, permet d'exclure avec certitude l'affirmation selon laquelle la décision de Mgr Lefebvre de sacrer des évêques aurait été emportée par la question de la liberté religieuse, comme vous le dites.

C'est une contre-vérité qu'il convient d'écarter.

Cordialement