Un jubilé, un Te Deum l’année sacerdotale ? Un bail que l’on se gargarise du concept de « génération Jean Paul II » et maintenant « Benoît XVI ». On y a cru, j’y ai cru. Mais où est-elle passée, une fois retombés les frissons juvéniles d’une nième JMJ ? Evaporée. Et l’on replonge : En France, 90 ordinations diocésaines prévues pour 2009 contre 101 l’an dernier. J’oublie le monde ? Non. Le rapport catholique (ou non) par prêtre augmente toujours…
Cette année sacerdotale est un coup de canon : Le Pape veut secouer ses prêtres. Qui attirera de nouvelles vocations sinon le prêtre convaincu ? Nous, les clercs, sommes-nous sûrs d’avoir vraiment la foi ? Plutôt grain de sénevé ou bien foi qui « prend aux tripes », fruit d’une véritable rencontre personnelle ? Contagieuse.
Le 21 mai, dans sa lettre annonçant l’année sacerdotale, le Cardinal Hummes, Préfet du Clergé, était clair : Le peuple catholique « désire voir ses prêtres heureux, saints et joyeux dans leur travail apostolique ». La vocation suit la foi. Elle passe par la rencontre d’un prêtre qui « donne envie ». Si nous ne vivons pas de foi, de prière et de charité, il ne restera que l’humain, et encore… C’est de « la perfection spirituelle dont dépend surtout l’efficacité de leur ministère ». Pas seulement d’une méthode ou d’un discours idéologique bien rôdé…
C’est aussi humainement que le prêtre doit irradier. Benoît XVI (Lettre aux prêtres du 18 juin) rappelle les événements douloureux qui ont obscurci l’image du prêtre ces dernières années. Paradoxalement, la sanctification du prêtre est tout le contraire d’une désincarnation. Cette dernière n’est-elle pas la cause de toutes ces dérives ? Le prêtre doit rester lui-même, avec sa personnalité (goûts, originalité, affectivité), dans le respect de l’ordre et de la communion. Pour l’équilibre de son célibat.
Trop de séminaristes entendent parler qui de « l’Homme », qui de « liberté responsable » qui de « réalisme thomiste » mais sont « flingués » par leurs supérieurs dès que leur profil ne correspond pas exactement au séminariste standard. L’on refuse l’homme-posé-devant, la personne… L’idéologie est encore là et fabrique des bombes à retardement. C’est pourquoi, selon le Pape, l’adhésion des prêtres au Christ doit se faire « par leurs pensées, leur volonté » mais aussi « leurs sentiments et le style de toute leur existence ». En un mot : non au prêtre-à-porter… priestyle !
Idem pour la « méthode pastorale ». Pour le Pape, « en Jésus, Personne et Mission tendent à coïncider ». Ainsi, le prêtre doit redécouvrir « l’extraordinaire fécondité produite par la rencontre entre la sainteté objective du ministère et celle, subjective, du ministre ». Etre soi et être au Christ ! De même, le Pape se garde bien de nous offrir un « concept » du prêtre. Il cite le Curé d’Ars : « Le sacerdoce, c’est l’amour du Cœur de Jésus ». Quoi de plus incarné…et de plus universel ?
Le Curé d’Ars…patron de l’année sacerdotale. Un choix qui tranche avec notre hédonisme contemporain ! Benoît XVI le reconnaît lui-même et ne s’attarde pas sur les « excès » d’une époque ou d’un hagiographe. De ce curé « très humble », conscient pourtant « d’être un don immense pour son peule », il ne retient que la moelle : « Que le prêtre est quelque chose de grand ! S’il se comprenait, il mourrait…Sans lui, la mort et la passion de Notre-Seigneur ne serviraient de rien… Il continue l’œuvre de Rédemption… pas prêtre pour lui… il est pour vous. »
Sur la vie du prêtre, notons ce passage, à l’heure où l’épiscopat français envisage une vie sacerdotale plus communautaire: « Je voudrais encore ajouter, dans la ligne de l’Exhortation apostolique Pastores dabo vobis du pape Jean-Paul II, que le ministère ordonné a une « forme communautaire » radicale et qu’il ne peut être accompli que dans la communion des prêtres avec leur évêque. Il faut que cette communion des prêtres entre eux et avec leur évêque, enracinée dans le sacrement de l’Ordre et manifestée par la concélébration eucharistique, se traduise dans les diverses formes concrètes d’une fraternité effective et affective. Ainsi seulement, les prêtres pourront-ils vivre en plénitude le don du célibat et seront-ils capables de faire épanouir des communautés chrétiennes [...]» Oui, la concélébration manifeste plus qu’elle ne fait la communion sacerdotale… Cette dernière, loin de s’y réduire, doit surtout s’incarner. Combien de prêtres souffrent aujourd’hui, en silence ou ouvertement (livres pseudonymes), de la solitude, du manque de paternité de leur évêque ou d’attention de leurs confrères? Et pourtant ils concélèbrent… La fraternité sacerdotale passe par l’amitié : le reste n’est que verbiage. Qui pourra comprendre un prêtre si ce n’est un prêtre ? Pour le Pape, c’est la clef du célibat, rien que ça ! Un pied-de-nez à la concélébration comme horizon indépassable de la communion ecclésiale. Sans confiance, réciprocité et amitié concrète, déjà suffisantes, elle n’est qu’hypocrisie « totalisante ».
Sinistrose ? Non. Cessons juste de nous voiler la face sur ces obstacles artificiels encombrant la voie de l’Ordre, déjà ardue. Trop de jeunes découvrent trop tard les difficultés du sacerdoce actuel, quittent le séminaire ou « défroquent ». La vérité les rendra libres. Et nous évitera le ridicule d’un mea culpa… Dieu appelle autant aujourd’hui qu’hier. Trop facile, pour expliquer la pénurie, de pointer du doigt la « société » et les « jeunes » zappeurs du 21ème siècle. L’appel de Dieu passe par la hiérarchie. Aux anciens aussi de se départir de leurs illusions de jeunesse. Qu’ils appellent !