SOURCE - Jeannne Smits - Présent - 20 octobre 2009
Pour la première fois depuis quarante ans…
Une messe pontificale traditionnelle à Saint-Pierre de Rome
A Rome, dimanche, personne ne s’y est trompé. La célébration d’une messe pontificale en la « forme extraordinaire », pour la première fois depuis quarante ans en la basilique Saint-Pierre de Rome, fut un véritable événement. Depuis l’imposition du Nouvel Ordo on n’avait plus vu cela : un évêque de la sainte Eglise romaine, observant avec son diacre, son sous-diacre, son prêtre-assistant, son cérémoniaire et tous les acteurs de cet acte liturgique très particulier toutes les rubriques traditionnelles, tous les détails riches de signification du sacrifice eucharistique offert « pontificalement » par un successeur des apôtres…
L’évêque, c’était S.E.R. Mgr Raymond Leo Burke, nommé en juin 2008 par Benoît XVI préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, juridiction de dernier ressort pour les décisions de la Rote romaine et pour les conflits de compétence. Je le revois devant moi, assis sur le faldistoire un peu à droite, devant l’autel, au centre du sobre ballet des clercs qui accomplissent tour à tour les gestes prescrits pour l’assister, le solliciter, recueillir une bénédiction, le vêtir et le dévêtir de sa mitre dorée ou sa mitre précieuse… : c’est une miniature médiévale qui prend vie devant mes yeux, ou un tableau de la Renaissance. Tout aurait pu se dérouler il y a quatre cents ans, et j’aurais assisté à la même scène… à la même Cène, avec les mêmes mots, les mêmes sortes d’ornements, les mêmes chants.
Car ce fut là une autre grâce de cette messe exceptionnelle, de cet événement symbolique : les chœurs des Franciscains et des Franciscaines de l’Immaculée, institut de droit pontifical où le motu proprio Summorum pontificum a été accueilli et mis en pratique avec une ardeur toute religieuse, ont fait résonner la chapelle du Saint-Sacrement de Saint-Pierre d’un chant grégorien très pur, et, en dehors du Kyriale et du propre de la messe du jour, d’une polyphonie liturgique discrète et priante.
C’est cela aussi, l’universalité de l’Eglise : où que l’on soit dans l’espace ou dans le temps, le sacrifice offert sur l’autel est le seul et unique Sacrifice. Le visage grave et immobile de Mgr Burke, tourné vers les fidèles en attendant l’Offertoire et la Consécration, me semble l’image à la fois de son autorité et de son obéissance aux prescriptions d’un rituel qui le dépasse et qui ordonne tout à Notre Seigneur.
Evénement, oui ; si la basilique qui est au cœur de la chrétienté a déjà, depuis plusieurs années, accueilli des messes tridentines, et même des messes tridentines célébrées par des évêques, ce furent des liturgies plus discrètes, des messes basses, souvent dans des chapelles fermées. Dimanche, nous avons assisté à un nouveau pas dans la lente mais sûre remise à l’honneur du sublime héritage de notre rite latin. Dimanche, un évêque chargé d’une tâche importante au sein de l’Eglise universelle a accepté de participer à cette pacifique reconquête. Dimanche, des centaines de personnes – peut-être cinq cents ? – ont assisté, recueillies, à cette messe pontificale traditionnelle. On aperçut Mgr Guido Pozzo, président de la commission Ecclesia Dei, et le Père Augustine Di Noia, qui a remplacé Mgr Ranjith à la Congrégation pour le culte divin. Mais surtout, dimanche, des dizaines et des dizaines de prêtres, de séminaristes, de religieux, de religieuses, et un évêque – Mgr Anastasius Schneider – étaient présents, étaient heureux ; et presque tous, ils étaient jeunes. Le passé de l’Eglise est aussi son avenir.
Précisément, la messe de dimanche clôturait le 2e colloque de l’association italienne « Giovani e tradizione » (Jeunes et tradition) créée dès le 15 septembre 2007 pour suivre et promouvoir l’application du motu proprio Summorum pontificum, sur le thème, cette année : « Le motu proprio de S.S.Benoît XVI, un grand don pour toute l’Eglise ». Colloque qui s’est déroulé à la Casa Bonus Pastor du vicariat de Rome, en présence de plusieurs évêques et supérieurs d’ordres religieux : il y a beaucoup à en dire et nous le dirons, d’autant que nul n’y a caché les difficultés que rencontre la mise en œuvre du motu proprio. Dimanche, en sortant de la messe pontificale traditionnelle, les fidèles ont entendu sur la place Saint-Pierre Benoît XVI saluer paternellement, à la fin de l’Angélus, les participants au colloque. Ils ont voulu voir, dans ses paroles, un encouragement. C’était en tout cas une bienveillante reconnaissance publique. Et des munitions pour les reconquêtes à venir.
JEANNE SMITS