La Révolution de Benedetto |
30 octobre 2008 - abbé Guillaume de Tanoüarn - ab2t.blogspot.com |
"Lire le Concile à la lumière de la tradition", la formule n'est pas neuve, elle avait d'ailleurs servi à Mgr Lefebvre lui-même, qui a signé la plupart des documents du Concile et qui admettait que l'on puisse et que l'on doive en "discuter" à la lumière de la Tradition, en cas de difficulté (alors que Mgr Fellay à Villepreux le 11 octobre dit curieusement que "Pour nous le Concile, c'était pas matière à discussion". S'il refuse de le discuter, il refuse donc de le lire à la lumière de la Tradition). Mais ce n'est pas cette "discussion autour du Concile" qui est nouvelle chez Benoît XVI. Ce qui est nouveau, c'est que quelle que soit la pertinence des questions posées par Vatican II (qui, ayant refusé de condamner le communisme nous a placé dans un univers mondialisé, le monde idéal rêvé après la IIème Guerre Mondiale et qui naît après la chute du Mur de Berlin en 1989), on ne peut les comprendre, ces interrogations nouvelles apportées par le Concile, que par la méditation des grands auteurs de la Tradition catholique, et en particulier par la méditation de saint Bonaventure. Concrètement cela donne quoi ? Voici un exemple de lecture bonaventurienne du Concile. On doit comprendre la fameuse "autonomie des réalités créées" exaltée par les Pères conciliaire non pas en la référant à la théorie kantienne de l'autonomie du sujet, seule source de la loi, mais en relisant l'Itinerarium mentis ad Deum et en faisant de la consistance autonome du créé devant le Créateur une raison supplémentaire d'adorer sa Toute-puissance. L'autonomie du créé n'est que celle de l'image par rapport à ce dont elle est l'image. Et voilà Bonaventure interprète de Vatican II ! Mais cette référence papale à Bonaventure (référence cum grano sais comme je l'écris plus haut) signifie encore autre chose, parce que le sel du pape est corrosif. Elle induit une attitude totalement nouvelle face au Concile. Benoît XVI n'a pas seulement en vue l'interprétations de quelques passages difficiles dans le Concile. Il explique, bénignement, qu'entre Bonaventure et Vatican II, entre un auteur traditionnel et un texte magistériel resté volontairement sans les formes de l'autorité et sans les anathema sit qui la formalisent, l'autorité discriminante ou référentielle se trouve habituellement dans le docteur traditionnel et pas dans le texte conciliaire. Ceux qui seraient choqués ou inquiets devant ce "new deal" de la foi peuvent reprendre le texte du pape au Seraphicum (cf. post préc.) : on ne peut comprendre Vatican II et son actualité que par Bonaventure et sa Tradition. On ne peut donner autorité au Concile que dans l'autorité des docteurs de la foi, qui ne le connaissaient pas, mais qui permettent de comprendre les questions qu'ont posé de manière pertinente les Père conciliaires. Parmi ces docteurs de la foi, il y en a un qui a connu le Concile et c'est le pape Jean Paul II, autour duquel tourne le colloque organisé au Seraphicum. Certes les encycliques de la première décade de son pontificat révèlent "une écriture très personnelle", note Joseph Ratzinger dans un texte d'hommage pour les 20 ans de pontificat de JPII. Mais les encycliques de la deuxième décade (il cite particulièrement Veritatis splendor 1993), c'est autre chose : "Ils se déploient en profondeur, confrontant les questions du temps présent à la plénitude de la Tradition, enseignant ainsi à conjuguer continuité et développement". Telle est la Révolution de Benedetto ! Un changement du centre de gravité. Le centre, c'est la Tradition, le concile, c'est la périphérie. Périphérique, le concile n'est pas cité dans la dernière encyclique papale, Spe salvi, centrée sur le coeur traditionnel de l'Eglise, la Parole de Dieu en général et les épîtres de saint Paul en particulier. |