28 juin 2007





Ces nouveaux prêtres en question
28 juin 2007 - Reginald Urtebize - Golias
C’est la saison des ordinations et l’Eglise racle les fonds de tiroirs pour trouver des candidats. Golias en profite pour faire le point sur les nouveaux prêtres qui arrivent sur le marché ecclésial. Les nouveaux prêtres d’aujourd’hui ne ressemblent guère à leurs aînés étrillés par le Marquis de Saint Pierre. Au contraire, on peut dire que sur un grand nombre de points, ils tournent radicalement le dos aux intentions de leurs devanciers. Alors qu’en 1960, les prêtres aspiraient à quitter leur soutane ; leurs héritiers d’aujourd’hui reprennent des tenues très visibles. Les clercs de 1960 voulaient s’ouvrir au monde ; ceux d’aujourd’hui préfèrent l’ambiance des sacristies à celle des usines ou des night clubs.

Un responsable de formation, le Père Gérard Le Stang, supérieur du séminaire Saint-Yves de Rennes, en convient tout en essayant de minimiser les choses : « ils sont très centrés sur la personne du Christ. Et puis, contrairement à leurs aînés, ils ne sont plus dans l’émancipation vis-à-vis de l’institution, mais manifestent au contraire un retour vers une Eglise-source.".
Il faudrait tenter d’expliquer cette évolution. Elle ne traduit pas seulement ni d’abord la victoire d’une tendance ecclésiale sur une autre. Elle exprime plutôt les tourbillons parfois contradictoires qui secouent nos sociétés post-modernes. Il faut donc aborder le phénomène sous des angles différents.
En premier lieu, le progressisme des clercs de jadis traduisait leur volonté d’émancipation à l’endroit d’une culture et d’une disciplines étouffantes, mais bien connues. Nos jeunes lévites sont fascinés par des références dont ils ne mesurent pas les tenants et les aboutissants par manque de culture religieuse et de contact familier avec l’univers du catholicisme. Faute de bien connaître les repères qu’ils regrettent d’avoir perdus, ils se cramponnent à des visions très sulpiciennes et imaginatives où l’affectif joue un grand rôle et illustre ce sentiment diffus d’un manque d’identité. La confrontation parfois sourde mais non moins décisive avec un monde sécularisé incite beaucoup de jeunes croyants à faire de leur religion une bouée, illusoire bien entendu.
En second lieu, un contre-courant est souvent suscité par une évolution importante, rapide ou violente. La sécularisation de notre monde occidental, le refus croissant des consciences de s’assujettir à une autorité religieuse, au point que le problème ne se pose même plus, pourraient bien constituer un mouvement de fond à long terme qui fait naître des contre-courant et des effets de retour, qui ne seront pas durable, mais qui peuvent néanmoins sembler aguichants ou convaincants un certain temps.
En troisième lieu, le nouveau profil des jeunes abbés n’est pas tant l’indice d’un vent en poupe que la conséquence par défaut d’une hémorragie dans les rangs des catholiques d’ouverture. Autrement dit, il n’est pas si vrai de dire que les franges identitaires et intransigeantes du catholicisme l’emporteraient ; il vaudrait mieux préciser que les franges progressistes ont mioins résisté à l’érosion.
En quatrième lieu, l’Eglise, en particulier en France, paie peut-être la note des limites et étroitesses d’un catholicisme qui se voulait à la hauteur mais qui n’a pas véritablement ouvert ses portes à un esprit de renouveau, favorisé un élan de réflexion ni exalté l’amour de la vie. Le catholicisme dit progressiste reproduisit souvent les défauts qu’il dénonçait (avec raison) chez les conservateurs, comme si, en définitive, il était difficile de se libérer d’un mode de fonctionnement enfermant et aliénant, lors même qu’on entend le faire et parfois de manière spectaculaire.
Il est d’ailleurs toujours plus facile de changer de contenu que de mode de fonctionnement. Les lacunes évidentes d’un catholicisme devenu apparemment moins répressif (je dis apparemment) mais visiblement très ennuyeux, sinon davantage encore, ne pouvaient permettre à cet élan de liberté et de vie dans l’esprit de Concile de faire éclore des fruits savoureux. Trop cérébral, le catholicisme français post-conciliaire, par exemple, n’a pas su parler aux sens et au cœur. D’où la nostalgie récurrente de l’ancienne liturgie, lors même qu’elle présente des insuffisances théologiques évidentes et tend à pétrifier le mystère.
En cinquième lieu enfin, les « versions fortes » d’un courant l’emportent sur les « versions faibles » en cas de crise générale ou de déclin. Au contraire, lorsqu’une manière de voir va de soi de sorte qu’on y adhère volontiers presque spontanément, il n’y a pas besoin de se défendre, de prendre les armes et de remonter le pont-levis. Des questions inédites sont aujourd’hui posées aux représentants des religions, à commencer par les enjeux sociétaux. Souvent, les croyants opposent des certitudes en fait fragiles, et dissimulant de grands doutes et de grandes craintes, aux questions gênantes ou inédites.
Le type de prêtre encore présenté comme idéal dans l’Eglise catholique exprime des traits d’une époque révolue. Certaines exigences exaltées, au moins en théorie, comme la continence des clercs (l’absence totale de vie sexuelle) peuvent produire des effets inverses de ceux recherchés. Une évolution en douceur finira sans doute par prendre le relais des velléités itératives de modifier rapidement les choses. Il n’en reste pas moins que les rares isolés qui demandent aujourd’hui à devenir prêtres ne suffiront pas, du moins en France et dans l’espace européen occidental, à inverser le cours des mentalités et à occuper les Eglises menacées d’être rasées. Il faudrait peut-être songer à d’autres pistes.