22 septembre 2014

[Notre Dame de Chrétienté] La réforme liturgique vue par l’un de ses protagonistes

SOURCE - Notre Dame de Chrétienté - 22 septembre 2014

Les mémoires nouvellement publiées du Père Louis Bouyer, qui participa intimement à la réforme de la liturgie romaine suivant Vatican II, révèlent quelques faits et gestes importants de la commission. « Appelé à contribuer aux commissions préparatoires de Vatican II, Bouyer réalisa immédiatement de par sa propre expérience l’ampleur et la misère du projet, et bien vite s’en écarta. » écrivit Sandro Magister le 16 septembre dans son blog Settimo Cielo, pour la publication italienne l’Espresso.
Le P. Bouyer est né en 1913 à Paris de famille luthérienne, et devint prêtre luthérien. A travers l’étude des Pères de l’Eglise, il se convertit à l’Eglise Catholique en 1939, « attiré par elle surtout par sa liturgie, pour laquelle il s’est enthousiasmé et se lança dans une étude impeccablement maîtrisée des rites de la Semaine Sainte, « le Mystère Pascal », explique Sandro Magister.

Le P. Bouyer joignit la Congrégation de l’Oratoire, et à terme fut envoyé pour consulter à Vatican II. Son expérience le conduisit à la réalisation de « l’œcuménisme bon marché de cette ère folle et insupportable, ressemblant à quelque chose comme Alice aux Pays des Merveilles. » ( Sandro Magister).

Les mémoires du P. Bouyer font de nombreux éloges de Joseph Ratzinger, et Bouyer recevait la haute estime de l’Archevêque Giovanni Battista Montini, qui en 1963 devint Paul VI. Magister explique : « Paul VI voulait Bouyer au comité pour la réforme de la liturgie, présidé ‘en théorie’ par le Cardinal Giacomo Lercaro, un homme généreux mais incapable de contrecarrer les manœuvres criminelles et mielleuses de Annibale Bugnini, son secrétaire et confident, un homme aussi dénué de capacité à apprendre que d’honnêteté. »

Mgr. Bugnini, plus tard consacré évêque, était secrétaire au Concile et au comité qui concocta l’ordre révisé de la Messe post Vatican II ; Bouyer, lui, était membre de ce comité. Bouyer raconte dans ses mémoires que Bugnini, qu’il qualifie de « méprisable », avait l’habitude de balayer les préoccupations des autres membres du comité en disant « le Pape le veut ainsi ».

Quand le P. Bouyer dit à Paul VI qu’il s’était engagé dans la réforme parce qu’on lui avait dit que le Pape en désirait ainsi, Montini répondit « mais est-ce bien possible ? Il m’a dit que votre accord était unanime…» L’archevêque Bugnini fut secrétaire pour la Congrégation pour le Culte divin de 1969, date de la publication de la nouvelle Messe, jusqu’à 1976 où il devint nonce apostolique en Iran, où il mourut en 1982. Le secrétaire personnel de Bugnini, Piero Marini, fut maître papal des cérémonies de 1967 à 2007, et est maintenant candidat potentiel au poste de préfet de la Congrégation pour le Culte divin.

Parmi les incidents évoqués par le P. Bouyer dans ses mémoires, est mentionnée la composition de la Deuxième Prière Eucharistique. « Bouyer dut reformuler in extremis une proposition désastreuse pour la nouvelle Seconde Prière Eucharistique, de laquelle Bugnini souhaitait même retirer le Sanctus. Un soir, sur la table d’un restaurant au Trastevere, il dut réécrire la suite du nouveau canon, celui là même qui est lu aujourd’hui lu à la Messe, aidé du liturgiste bénédictin Bernard Botte, avec la pression supplémentaire de devoir rendre le tout le matin suivant. » (Sandro Magister)

Les mémoires du prêtre révèlent également que Paul VI avait voulu le nommer Cardinal, mais qu’il en fut empêché par l’opposition des évêques français. Parmi les autres ouvrages du P. Bouyer il y a "Piété Liturgique", "la Décomposition du Catholicisme" et "Eucharistie : Théologie et Spiritualité de la Prière Eucharistique".
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Les mémoires du P. Louis Bouyer ont été éditées au Cerf.