4 juillet 2018

[Abbé Michel Simoulin, fsspx - Le Seignadou] Menteries

SOURCE - Abbé Michel Simoulin, fsspx - Le Seignadou - juillet-août 2018

A l’approche de notre Chapitre Général, pour lequel nous prions et vous invitons à prier, d’autres esprits moins favorables s’échauffent. Ce sont nos amis «résistants» ... tellement inquiets et avides de démontrer qu’ils avaient raison de prophétiser la chute de la Fraternité et son ralliement au concile, qu’ils ne craignent pas d’user de la menterie comme disaient nos anciens! Ce n’est pas la première fois, et c’est même devenu chez eux une habitude: menteries sur la fête de l’école de Saint-Manvieu, menteries sur mes relations avec Mère Anne-Marie, menteries sur les «libéraux qui préparent le Chapitre», pour ne citer que les plus récentes, mais celui qui a écrit ce qui suit est vraiment un champion! Savez-vous qu’il existe à Moncrabeau (Lot-et-Garonne) une «Académie des menteurs» qui tient chaque année, le premier dimanche d’août, un festival où chacun peut venir proposer quelque menterie de son invention ? Notre bel oiseau aurait toute sa chance d’être sacré «roi des menteurs» et sa tirade vaut la peine d’être citée en entier:

« Le pape François vient de dédier le lundi de Pentecôte à Marie Mère de l’Église. La Fraternité Saint-Pie X rapporte aussitôt l’information et en profite subtilement pour rapporter que Mgr Lefebvre s’était réjoui de la proclamation de Marie comme Mère de l’Église par le Concile. Comme quoi il y aurait de bonnes choses à accepter dans ce concile...!»

«S’ils avaient un peu de piété filiale, les supérieurs de la Fraternité Saint-Pie X pourraient faire remarquer le miracle opéré par Marie Mère de l’Église, celui d’avoir suscité Mgr Lefebvre pour sauver la foi pervertie par le Concile. Ma conclusion est que cet article de la Fraternité Saint-Pie X, en apparence anodin, est la marque certaine que la Fraternité Saint-Pie X veut non seulement se rallier, mais accepter le Concile. Oh, certes, elle l’acceptera en faisant la moue, en faisant des réserves comme Mgr Schneider, mais elle l’acceptera. Ses supérieurs l’ont même déjà accepté.»
   
Vous avez bien lu: une marque certaine que nos supérieurs ont déjà accepté le concile! Impressionnant, non ? Manque de chance: «tout ça, c’est rien que des menteries» comme disait la gouvernante de mon curé! Que cet oiseau bavard me donne des précisions sur l’acte par lequel nos supérieurs ont accepté le concile, sa nature, ses circonstances de lieu et de date, etc... et nous en reparlerons!
 
Je ne salirai pas ma plume en vous disant son nom, mais je lui ferai quand même remarquer que ce n’est pas le concile mais le pape Paul VI qui a fait cette proclamation! Il l’a faite durant le Concile, mais de sa propre autorité, lors de la promulgation de la constitution dogmatique Lumen Gentium, le 21 novembre 1964. «Pour introduire ce titre pratiquement nouveau, remarque Mgr Philips, le Pape n'a pas sollicité un décret "synodal", il a usé de son autorité pontificale

Alors je conclurai à mon tour en soulignant que la menterie, lorsqu’elle n’est pas un jeu et se prend au sérieux, est l’arme des médiocres, et que la médiocrité de ces procédés est la meilleure démonstration de l’absence d’arguments sérieux et intelligents! Il me faudra des arguments plus sérieux pour m’amener à douter de mes supérieurs et, surtout, douter de ma mère l’Église. Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
     
Au jour de mon baptême, lorsque Mgr Florent Dubois de la Villerabel (qui sera épuré peu après!) versa l’eau sur mon front, j’ai été secrètement conçu par le Saint-Esprit dans le sein de l’Église, comme Jésus a été conçu du Saint-Esprit dans le sein de Marie. Il s’agit là, bien sûr, d’une analogie, mais c’est bien le Saint-Esprit qui, depuis mon baptême «répand la charité» dans mon âme, laquelle vertu me porte d’abord à aimer ceux et celles dont j’ai reçu la vie divine après la vie naturelle. Et c’est l’Église qui, dans cet ordre-là, est devenue ma mère. Et l’amour que j’ai pour l’Église ma mère, est du même ordre que l’amour de Jésus pour Marie sa mère et mère de l’Église.
    
Alors, s’il est tristement vrai que ma mère est malade, atteinte d’un mal semblable à une véritable lèpre, dois-je fuir au loin, cesser de l’écouter, de l’entendre et de recevoir d’elle ce qu’elle peut encore me donner de bon ? N’est-elle donc plus capable d’un geste de bonté, d’un acte de vérité, d’un sourire ? Ainsi que le disait Mgr Lefebvre en commentant sa déclaration de 1974, «nous faisons la sourde oreille aux nouveautés destructrices de l’Église», mais nous demeurons à l’écoute de l’Église et nous écoutons et recevons tout ce que nous dit l’Église «gardienne de la foi catholique»! Est-elle donc atteinte à ce point qu’elle ne puisse plus garder pour nous cette foi, qu’elle ne puisse plus rien nous donner de bon ? Si tel était le cas, elle serait, non plus malade mais morte, tout simplement. Seul un cadavre est impuissant à donner quelque chose de bon. Tout être vivant, aussi malade soit-il, peut donner quelque chose de bon. Or l’Église est vivante, et de meure ma mère. D’elle je peux encore recevoir des bontés, des bienfaits... malgré ses ministres infidèles.
    
Parmi ces bienfaits, il y a eu la reconnaissance de nos pouvoirs sacramentaux pour les confessions et les mariages, qui sont des réalités bonnes mais qui ne nous étaient plus reconnues. Alors, serait-ce encore aimer ma mère l’Église que de lui dire que cela ne m’intéresse pas, que je n’ai pas besoin d’elle ? Mgr Lefebvre nous a pourtant clairement montré la règle qui avait dicté ses propres refus: refus d’actes illégaux (suppression de la Fraternité) ou contraires au bien commun de l’Église, principalement à sa foi (documents erronés du Concile, Assise, etc...) Aller plus loin que lui, c’est lui être infidèle et, plus gravement, n’avoir plus l’esprit de l’Église.
 
Il est trop facile de dire que l’on croit en l’Église et d’agir comme si elle n’existait plus. Notre amour pour elle ne peut être théorique ou platonique, mais concret et réel ; et nous devons l’aimer telle qu’elle est aujourd’hui puisque c’est ainsi que Dieu l’aime! L’aimer telle qu’elle était avant le Concile, c’est aimer un merveilleux souvenir, non une réalité. Sans doute l’Église est-elle éternelle dans sa substance, mais elle s’incarne dans le temps, à une époque donnée, et c’est l’Église d’aujourd’hui que je dois aimer, l’Église du Pape François telle qu’elle vit même si tout en elle est méconnaissable! Aimer l’Église sans pape ni évêques, comme s’ils n’existaient pas, c’est aimer un fantôme ou un cadavre d’Église! Aimer l’Église crucifiée telle qu’elle souffre aujourd’hui est la seule façon de l’aimer en vérité, comme l’on aime Jésus-Christ, l’aimer pour lui apporter ce dont elle a besoin: ma foi, mon espérance, ma confiance et ma compassion, en échange de ce qu’elle me donne au-delà du mal dont elle souffre: la vie surnaturelle, la grâce pour vivre, partager et offrir ce qu’elle vit et offre elle-même «per Ipsum, et cum Ipso et in Ipso» pour la gloire de la Très Sainte Trinité.
   
Aimer l’Église c’est l’aimer comme Dieu l’aime, c’est-à-dire telle qu’elle est dans le moment présent, telle qu’il la connaît et l’aime, et même telle qu’il la veut, puisque rien n’arrive sans que Dieu le veuille.
   
Et, quant à moi, j’aime la Fraternité comme j’aime l’Église et comme Dieu l’aime. Je l’aime pour ce qu’elle m’a donné et me donne encore, et je l’aime pour lui donner ce dont elle a besoin: ma confiance, ma fidélité... Je sais qu’elle est aimée de Dieu! Je sais qu’elle est aimée de l’Église comme au premier jour! Et je voudrais pouvoir l’aimer et la servir autant que l’aimait son fondateur, ne serait-ce que pour racheter tant d’abandons et de trahisons.

Achevons ces réflexions avec une belle méditation empruntée à saint Michel Garicoïts.

«C’est dans le plan providentiel de Dieu qu’il y ait des hérésies et que les méchants soient mêlés aux bons, même dans l’Église. Dans la pratique, hélas! On perd de vue cette doctrine ; on s’emporte, on s’irrite, on crie au scandale, lorsque le Maître a dit: «Il est nécessaire qu’il y ait des scandales» (Mt. 18,7). Comme les serviteurs au zèle indiscret, dont il est parlé dans l’Évangile, on voudrait arracher ce qui paraît inutile ou nuisible, mais qui entre dans les desseins de Dieu. A ceux-là Jésus-Christ répond: «Laissez croître l’ivraie, de peur qu’en l’arrachant, vous ne déraciniez le bon grain» (Mt. 13, 29-30).

Tirer le bien du mal, voilà le caractère des prédestinés. C’est l’usage que nous devons faire des tentations, des peines et des tribulations que Dieu nous envoie ; car il est l’auteur de tout, sauf du péché. Les châtiments du péché sont son œuvre et, pour le péché même, quoiqu’il ne le veuille pas, il le permet positivement: «necesse est ut veniant scandala, il est nécessaire qu’il arrive des scandales ; opportet haeresesesse, il faut qu’il y ait des hérésies» (I Cor. 11, 19). Le péché entre donc aussi dans l’accomplissement de ses desseins, pour exciter les justes et former les novices qui doivent régner au ciel. Dieu tire le bien du mal ; n’a-t-il pas tiré sa gloire des hontes de la Croix et, du déicide, le salut du genre humain ?
   
Sanctifions-nous donc, non seulement à l’occasion des vertus de nos frères, mais aussi de leurs scandales. Dieu les permet ; je ne dis pas assez, il les veut, non en eux-mêmes, mais par rapport à nous, pour nous sanctifier ; de même qu’il veut que le démon nous environne en rugissant pour nous tenter. 
   
Si nous devons regarder la volonté de Dieu jusque dans le malheur et le péché, quel désordre de  rejeter ce qui déplaît, parce que cela déplaît! Héli reçoit de Samuel la nouvelle de sa ruine, que répond-il? «Le Seigneur est le Maître ; qu’il soit fait selon son bon plaisir» (I R 3, 18). Admirable réponse à une parole de mort! Ainsi devrions-nous répondre, en toute occasion, afin d’être et de paraître tels qu’il faut, et d’attirer les autres au devoir.
    
Quelque malheur qu’il arrive, bénissons-en le Seigneur: c’est un précepte, «sit nomen Domini benedictum - que le nom du Seigneur soit béni!» (Job 1, 21) Mais qui ne veut que remplir le précepte, ne le remplira jamais. Il faut tendre par conséquent à la soumission amoureuse, et dire oui, au moins avec un commencement d’amour.

Que de fois dans la journée, nous avons sur les lèvres: «Paratum cor meum, Deus, paratum - Mon cœur est prêt, Seigneur, il est prêt» (Ps 107,1)! Ah! si nous l’avions bien dans le cœur, et si nous pouvions dire sans mentir: Je suis prêt, Seigneur, et prêt à tout! Quel bonheur! Le pieux David en était là. Au milieu de toutes les tribulations il s’écriait: «Dominus regit me et nihil mihi deerit; le Seigneur me conduit, rien ne me manquera» (Ps 22,1).»