SOURCE - Christian Laporte - La Libre Belgique - 26 août 2005
Mgr Bernard Fellay, le chef de file lefebvriste est attendu lundi à Castel Gandolfo. Un rapprochement déjà dénoncé par les plus «ultras» des schismatiques.
EclairageCertains milieux anticléricaux y voient déjà une nouvelle poussée conservatrice de l'Eglise catholique. C'est aller vite en besogne car ce ne sera qu'une (re)prise de contact... Ce lundi 29 août, Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X -les lefebvristes...- devrait être reçu en audience par le Pape et par le cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet pour la Congrégation du clergé. Ce dernier joue un rôle-clé de médiateur dans le difficile dialogue entre les «frères ennemis» depuis qu'en 1988, Mgr Lefebvre fut excommunié pour avoir consacré quatre évêques contre l'avis de Rome. Le divorce était certes consommé mais Jean-Paul II manifesta toujours le souci de ne pas rompre définitivement avec Ecône, avec l'appui de l'aile la plus conservatrice de l'Eglise qui estimait que les intégristes n'avaient pas tort sur toute la ligne.
«Apostasie silencieuse»L'on crut un rapprochement possible lors du jubilé de l'an 2000. En pèlerinage à Rome, les intégristes avaient pu disposer de la basilique Ste-Marie-Majeure. Mais voilà, si sur le terrain de la messe en latin selon le rite tridentin, nombre de prélats se sentent proches d'Ecône par nostalgie des célébrations d'antan, les traditionalistes restaient intransigeants dans leur condamnation de l'oecuménisme et du dialogue interreligieux, deux axes majeurs du pontificat de Jean-Paul II. Bigre, Mgr Fellay, le successeur de Mgr Lefebvre parla encore à ce sujet en avril 2004 d' «apostasie silencieuse». A ses yeux, l'oecuménisme a conduit «à un affaiblissement de la foi et de la défense de la vérité».Reste que l'élection de Joseph Ratzinger à la tête de l'Eglise a changé la donne. Lors d'une conférence à Bruxelles en juin dernier, Mgr Bernard Fellay a, en effet, constaté que «Benoît XVI a été élu en opposition au progressisme». Le mois dernier, le bulletin officiel de la Fraternité franchissait un pas supplémentaire en demandant à son supérieur ce qu'il dirait à Benoît XVI si celui-ci le recevait. Avant tout, la liberté de la messe pour tous et dans le monde entier! Mgr Fellay ajoutait qu' «on sait bien que tout ne se limite pas à la messe mais qu'il faut commencer par du concret. (...) Cela amènerait graduellement un changement d'atmosphère et d'esprit dans l'Eglise».Au-delà de l'amour de Benoît XVI pour la messe en latin, les traditionalistes soulignent que le nouveau Pape n'a jamais caché ses réserves face au dialogue interreligieux. Et de rappeler qu'il n'avait pas participé au dialogue d'Assise en 1986 et qu'on lui avait forcé la main en 2002...
De même, Joseph Ratzinger se montra peu favorable aux repentances publiques de feu Jean-Paul II qui faisaient émerger que la vérité était sans doute plus plurielle que l'Eglise catholique l'avait toujours affirmé.
Enfin, les traditionalistes partagent pleinement l'analyse de Ratzinger, encore cardinal à l'époque, sur «la situation dramatique de l'Eglise et la chute des vocations».Rome n'a cependant toujours pas confirmé la rencontre qui serait restée discrète si Mgr Williamson, autre évêque traditionaliste, opposé à tout rapprochement, ne l'avait éventée. Un signe que le Vatican ne veut pas brusquer les choses. Car la situation reste très, très délicate.