Jacques Berset - APIC - 28 août 2005
Rome - Le pape Benoît XVI reçoit ce lundi 29 août 2005 à Castel Gandolfo Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité sacerdotale St Pie X. Il va s'entretenir avec lui des différends entre Rome et la fraternité schismatique depuis les ordinations épiscopales illicites célébrées par Mgr Lefebvre en 1988.
Mgr Bernard Fellay, 48 ans, avait vu dans l'élection du cardinal Joseph Ratzinger à la charge de Souverain pontife "une lueur d'espérance pour sortir de la profonde crise qui secoue l'Eglise catholique". Il estimait aussi que c'était une nouvelle porteuse d'espoir pour la Fraternité sacerdotale St-Pie X, dont le siège est à Menzingen, dans le canton de Zoug. Notamment parce que lors de la messe précédant le conclave, le cardinal Ratzinger avait dénoncé la "dictature du relativisme" dont la dernière mesure est "son propre ego et ses désirs". "Avoir une foi claire selon le credo de l'Eglise est souvent étiqueté comme fondamentalisme", avait-il ajouté.
Benoît XVI s'apprête donc à rencontrer à Castel Gandolfo, le 29 août 2005, le supérieur général de la Fraternité sacerdotale St-Pie X, Mgr Bernard Fellay, pour s'entretenir des différends entre Rome et la fraternité schismatique. Cette rencontre est une nouvelle étape dans la longue et tumultueuse série de rapprochements et de crises entre le Saint-Siège et les fidèles de Mgr Lefebvre, depuis son excommunication prononcée en 1988.
La mésentente entre le Saint-Siège et la Fraternité sacerdotale St-Pie X trouve ses racines dans le Concile Vatican II (1962-1965). Le fondateur de la Fraternité, l'évêque français Marcel Lefebvre, avait alors condamné avec virulence l'œcuménisme, la liberté religieuse et la réforme liturgique, issus du Concile œcuménique.
En 1984, Jean Paul II permet aux évêques de décider s'ils veulent autoriser la célébration de la messe tridentine, c'est-à-dire selon la liturgie traditionnelle préconciliaire. Malgré les fortes critiques de Mgr Lefebvre sur la rencontre interreligieuse d'Assise en 1986, un accord de réconciliation fut alors sur le point d'être conclu avec l'évêque traditionaliste, sous le patronage du cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Suivirent alors douze années de contacts épisodiques et officieux entre l'Eglise catholique et la fraternité schismatique, qui n'aboutirent à aucune réconciliation. Il fallut attendre le Grand jubilé de l'an 2000 pour une amorce de rapprochement.
C'est la même année que le Souverain pontife nomma le cardinal Dario Castrillon Hoyos, déjà préfet de la Congrégation pour le clergé, à la tête de la commission pontificale "Ecclesia Dei", chargée des négociations avec les "lefebvristes". Le cardinal colombien connaissait bien les responsables de la Fraternité St-Pie X.
Cependant, en janvier 2002, un accord fut trouvé avec la Fraternité brésilienne St-Jean-Marie-Vianney, du diocèse de Campos. Cette fraternité schismatique, dont l'évêque avait été ordonné par un évêque de la Fraternité St-Pie X, revint sous l'autorité de Rome sous la forme d'une administration apostolique personnelle, indépendante de l'évêché local et limitée à son territoire. Pendant ce temps, les négociations entre Rome et la Fraternité semblèrent se poursuivre sans succès.
A l'annonce de cette célébration, des rumeurs circulèrent sur un rapprochement de Rome avec une partie de la Fraternité. Cette dernière considéra pour sa part que l'Eglise voulait la "diviser". Malgré tout, Mgr Fellay qualifia cette messe de "geste important de la part de Rome".
L'Instruction "Redemptionis Sacramentum" de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements du 25 mars 2004 "sur certaines choses à observer et à éviter concernant la très sainte Eucharistie" contribua cependant à rassurer les lefebvristes, fondamentalement inquiets sur la "nouvelle messe" et la façon dont elle est célébrée.
En mai 2004, en collaboration avec la commission "Ecclesia Dei" et l'archevêché de Berlin (Allemagne), un oratoire de Saint-Philippe Néri fut constitué par des prêtres, diacres, et séminaristes ayant quitté la Fraternité St-Pie X. Dernier épisode en date, l'élection même de Benoît XVI, en qui Mgr Fellay "voit une lueur d’espoir", même s'il regrette l'attachement de ce dernier au Concile Vatican II.
La rencontre de ce 29 août avec le pape Benoît XVI, confirmée par la Fraternité lefebvriste sur son site internet (www.fssp.org) le 24 août dernier, marque le dernier épisode de la longue série, commencée en 1988, de contacts tumultueux, entrecoupée de rumeurs d'accords définitifs ou de ruptures totales.
L'abbé Philippe Laguérie, 51 ans, de la paroisse lefebvriste de Saint-Eloi, à Bordeaux, après l'abbé Christophe Héry, s'est fait exclure de la Fraternité pour "mutinerie": il a refusé cet été sa mutation sanction au Mexique. A l'instar d'un partie de la Fraternité, il avait en effet fortement critiqué en juillet 2004 la gestion des séminaires traditionalistes, condamnant une trop forte sélection des postulants. L'abbé Laguérie, 51 ans, avait critiqué le fait que des séminaristes de la Fraternité étaient renvoyés pour des "broutilles".
Enfin, une aile dure, menée par l'évêque Richard Williamson, s'oppose à celle plus favorable, derrière Mgr Fellay, à un rapprochement avec Rome. L'annonce de la prochaine rencontre de ce dernier avec Benoît XVI a d'ailleurs été révélée par l'évêque schismatique anglais, sans doute dans le but de faire échouer ces négociations.
Basée à Menzingen, en Suisse, la Fraternité Saint Pie X comptait, fin 2004, 441 prêtres, dont un tiers de Français, dans 59 pays, ainsi que 6 séminaires. Ces derniers accueillent une cinquantaine de séminaristes chaque année. La Fraternité affirme regrouper 200'000 fidèles, dont 100'000 en France. (apic/imedia/gt/be)
28.08.2005 - Jacques Berset
Rome - Le pape Benoît XVI reçoit ce lundi 29 août 2005 à Castel Gandolfo Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la Fraternité sacerdotale St Pie X. Il va s'entretenir avec lui des différends entre Rome et la fraternité schismatique depuis les ordinations épiscopales illicites célébrées par Mgr Lefebvre en 1988.
Mgr Bernard Fellay, 48 ans, avait vu dans l'élection du cardinal Joseph Ratzinger à la charge de Souverain pontife "une lueur d'espérance pour sortir de la profonde crise qui secoue l'Eglise catholique". Il estimait aussi que c'était une nouvelle porteuse d'espoir pour la Fraternité sacerdotale St-Pie X, dont le siège est à Menzingen, dans le canton de Zoug. Notamment parce que lors de la messe précédant le conclave, le cardinal Ratzinger avait dénoncé la "dictature du relativisme" dont la dernière mesure est "son propre ego et ses désirs". "Avoir une foi claire selon le credo de l'Eglise est souvent étiqueté comme fondamentalisme", avait-il ajouté.
Benoît XVI s'apprête donc à rencontrer à Castel Gandolfo, le 29 août 2005, le supérieur général de la Fraternité sacerdotale St-Pie X, Mgr Bernard Fellay, pour s'entretenir des différends entre Rome et la fraternité schismatique. Cette rencontre est une nouvelle étape dans la longue et tumultueuse série de rapprochements et de crises entre le Saint-Siège et les fidèles de Mgr Lefebvre, depuis son excommunication prononcée en 1988.
La racine du conflit: le Concile Vatican IILe pape Benoît XVI a fait de la réconciliation entre chrétiens une priorité de son pontificat. Il va donc tenter lundi une ouverture vers l'aile la plus intransigeante du catholicisme quelque 17 ans après l'excommunication par Jean Paul II de son chef de file, Mgr Marcel Lefebvre.
La mésentente entre le Saint-Siège et la Fraternité sacerdotale St-Pie X trouve ses racines dans le Concile Vatican II (1962-1965). Le fondateur de la Fraternité, l'évêque français Marcel Lefebvre, avait alors condamné avec virulence l'œcuménisme, la liberté religieuse et la réforme liturgique, issus du Concile œcuménique.
La rupture d'EcôneAinsi, après le Concile, en 1970, Mgr Lefebvre fonda, à Fribourg, en Suisse, une fraternité de prêtres, suivant le rite dit 'tridentin' (issu du Concile de Trente au XVIe siècle), avec l'accord diocésain. C'est la création, sans autorisation de Rome, du séminaire d’Ecône, en Suisse, et l’ordination illicite de prêtres qui le conduisirent à sa suspension a divinis en 1976, lui enlevant ainsi le droit de célébrer les sacrements.
En 1984, Jean Paul II permet aux évêques de décider s'ils veulent autoriser la célébration de la messe tridentine, c'est-à-dire selon la liturgie traditionnelle préconciliaire. Malgré les fortes critiques de Mgr Lefebvre sur la rencontre interreligieuse d'Assise en 1986, un accord de réconciliation fut alors sur le point d'être conclu avec l'évêque traditionaliste, sous le patronage du cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le refus à la dernière minute de Mgr LefebvreMais Mgr Lefebvre refusa au dernier moment de signer l'accord et, le 30 juin 1988, ordonna quatre évêques sans le consentement de Rome. Cet acte entraînera son excommunication latae sententiae (par le fait même), ainsi que celle des quatre consacrés parmi lesquels Mgr Bernard Fellay. Le 2 juillet 1988, par le Motu proprio "Ecclesia Dei", le pape Jean Paul II confirma le caractère schismatique de la Fraternité St-Pie X et créa la commission "Ecclesia Dei". Attachée à la Congrégation vaticane pour la doctrine de la foi, cette commission devait chercher à permettre aux traditionalistes le désirant de conserver le rite préconciliaire.
Suivirent alors douze années de contacts épisodiques et officieux entre l'Eglise catholique et la fraternité schismatique, qui n'aboutirent à aucune réconciliation. Il fallut attendre le Grand jubilé de l'an 2000 pour une amorce de rapprochement.
Amorce de rapprochement lors du Grand jubilé de l'an 2000Le 30 décembre 1999, Mgr Fellay rencontra brièvement Jean Paul II lors de sa messe privée. Mais c'est surtout au cours du pèlerinage jubilaire à Rome de la Fraternité que des contacts furent noués. Les 5'000 pèlerins obtinrent une autorisation spéciale du Saint-Siège leur permettant notamment de célébrer une messe en rite traditionnel dans la cathédrale de Rome Saint-Jean-de-Latran. Image forte, les fidèles de la Fraternité Saint Pie X firent une procession remarquée sur la via de la Conciliazione qui mène à la basilique Saint-Pierre. Mgr Bernard Fellay déclara alors en septembre 2000: "Si le pape m'appelle, je vais, ou plutôt, je cours, par obéissance filiale envers le chef de l'Eglise".
C'est la même année que le Souverain pontife nomma le cardinal Dario Castrillon Hoyos, déjà préfet de la Congrégation pour le clergé, à la tête de la commission pontificale "Ecclesia Dei", chargée des négociations avec les "lefebvristes". Le cardinal colombien connaissait bien les responsables de la Fraternité St-Pie X.
Mgr Fellay exige la levée des excommunicationsEn préalable aux négociations, Mgr Fellay exigeait la levée des excommunications, et le droit pour tous les prêtres du monde de célébrer la messe traditionnelle, sans aucune restriction. L'Eglise jugea cette dernière exigence "excessive", et les avancées dans le dialogue furent de courte durée. La Fraternité St-Pie X estima, de son côté, que Rome refusait le débat théologique tout en s'arc-boutant sur des solutions juridiques, secondaires à ses yeux.
Cependant, en janvier 2002, un accord fut trouvé avec la Fraternité brésilienne St-Jean-Marie-Vianney, du diocèse de Campos. Cette fraternité schismatique, dont l'évêque avait été ordonné par un évêque de la Fraternité St-Pie X, revint sous l'autorité de Rome sous la forme d'une administration apostolique personnelle, indépendante de l'évêché local et limitée à son territoire. Pendant ce temps, les négociations entre Rome et la Fraternité semblèrent se poursuivre sans succès.
Signe de rapprochement venant de RomeSigne de rapprochement venant de Rome, une messe traditionnelle fut célébrée le 23 mai 2003 par la Fraternité St-Pierre (traditionaliste mais en communion avec Rome, qui l'autorisa en 1988) au sein même de la basilique Saint-Pierre. Le lendemain, ce fut le cardinal Castrillon Hoyos lui-même qui célébra une messe en rite tridentin, dans la basilique romaine de Sainte-Marie-Majeure, "pour rendre un hommage au pape dans l'année du 25e anniversaire de son pontificat".
A l'annonce de cette célébration, des rumeurs circulèrent sur un rapprochement de Rome avec une partie de la Fraternité. Cette dernière considéra pour sa part que l'Eglise voulait la "diviser". Malgré tout, Mgr Fellay qualifia cette messe de "geste important de la part de Rome".
Durcissement des positionsLes positions réciproques se durcirent cependant lorsqu'en février 2004 la Fraternité schismatique organisa devant la place Saint-Pierre une conférence de presse sur le sujet "de l'œcuménisme à l'apostasie silencieuse", reprenant ainsi une expression de Jean Paul II. La Fraternité envoya aussi une lettre aux cardinaux du monde les exhortant à condamner l'œcuménisme.
L'Instruction "Redemptionis Sacramentum" de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements du 25 mars 2004 "sur certaines choses à observer et à éviter concernant la très sainte Eucharistie" contribua cependant à rassurer les lefebvristes, fondamentalement inquiets sur la "nouvelle messe" et la façon dont elle est célébrée.
La "nouvelle messe" au cœur des débats
En mai 2004, en collaboration avec la commission "Ecclesia Dei" et l'archevêché de Berlin (Allemagne), un oratoire de Saint-Philippe Néri fut constitué par des prêtres, diacres, et séminaristes ayant quitté la Fraternité St-Pie X. Dernier épisode en date, l'élection même de Benoît XVI, en qui Mgr Fellay "voit une lueur d’espoir", même s'il regrette l'attachement de ce dernier au Concile Vatican II.
La rencontre de ce 29 août avec le pape Benoît XVI, confirmée par la Fraternité lefebvriste sur son site internet (www.fssp.org) le 24 août dernier, marque le dernier épisode de la longue série, commencée en 1988, de contacts tumultueux, entrecoupée de rumeurs d'accords définitifs ou de ruptures totales.
La Fraternité St-Pie X traverse une forte crise interneLa Fraternité St-Pie X traverse aujourd'hui une forte crise interne. Une "majorité silencieuse de laïcs traditionalistes qui craignent une autodestruction de la Fraternité Sacerdotale St-Pie X" ont lancé le site internet www.crisefraternite.com dans le but de documenter, de leur point de vue, les causes de cette crise profonde. L'abbé Arnaud Sélégny secrétaire général de la Fraternité, veut plutôt parler de "petite crise locale" qui agite le District de France de la Fraternité St-Pie X, "mais qui a certes des retentissements au-delà".
L'abbé Philippe Laguérie, 51 ans, de la paroisse lefebvriste de Saint-Eloi, à Bordeaux, après l'abbé Christophe Héry, s'est fait exclure de la Fraternité pour "mutinerie": il a refusé cet été sa mutation sanction au Mexique. A l'instar d'un partie de la Fraternité, il avait en effet fortement critiqué en juillet 2004 la gestion des séminaires traditionalistes, condamnant une trop forte sélection des postulants. L'abbé Laguérie, 51 ans, avait critiqué le fait que des séminaristes de la Fraternité étaient renvoyés pour des "broutilles".
Le cas Laguérie et d'autres encoreL'abbé Arnaud Sélégny affirme que les chiffres fournis par l'abbé rebelle sont faux. Ecône n'aurait ainsi connu que 49 départs ces huit dernières années, et non pas une soixantaine. Il n'y aura pas l'an prochain en France trois ordinations, selon les chiffres de l'abbé Laguérie, mais au minimum cinq. En Allemagne, au séminaire Sacré Cœur de Zaitzkofen, contrairement aux affirmations de l'abbé Laguérie, il n'y aura jamais eu autant d'ordinations. Aux Etats-Unis, il n'y a pas eu 20 départs du séminaire de St-Thomas d’Aquin de Winona, mais 15.
Enfin, une aile dure, menée par l'évêque Richard Williamson, s'oppose à celle plus favorable, derrière Mgr Fellay, à un rapprochement avec Rome. L'annonce de la prochaine rencontre de ce dernier avec Benoît XVI a d'ailleurs été révélée par l'évêque schismatique anglais, sans doute dans le but de faire échouer ces négociations.
Basée à Menzingen, en Suisse, la Fraternité Saint Pie X comptait, fin 2004, 441 prêtres, dont un tiers de Français, dans 59 pays, ainsi que 6 séminaires. Ces derniers accueillent une cinquantaine de séminaristes chaque année. La Fraternité affirme regrouper 200'000 fidèles, dont 100'000 en France. (apic/imedia/gt/be)
28.08.2005 - Jacques Berset