SOURCE - Michel Kubler - La Croix - 25 août 2005
INTÉGRISTES. Rome entrouvre une porte aux fidèles de Mgr Lefebvre. Mgr Ricard rappelle qu'il y a place dans l'Église pour une large palette de sensibilités. "On ne reviendra pas en arrière sur la réforme liturgique de Vatican II". Interview: Mgr Jean-Pierre Ricard. Archevêque de Bordeaux, président de la Conférence des évêques de France.
Comment réagissez-vous à la perspective d'une audience de Benoît XVI à Mgr Fellay, lundi prochain?Mgr Jean-Pierre Ricard: Lors d'une réunion que j'ai eue au mois de juin dans le cadre de la Commission Ecclesia Dei (dont je fais partie), était présente dans nos échanges la préoccupation d'améliorer le contact avec la Fraternité Saint-Pie-X, comme aussi le souci de donner leur place aux groupes catholiques traditionalistes ralliés à Rome. On sait en effet combien l'élection de Benoît XVI a été accueillie dans ces divers milieux comme ouvrant de nouvelles possibilités de dialogue avec les instances du Vatican. On sait également que le nouveau pape ne veut laisser échapper aucune occasion de progresser vers une plus grande communion avec les catholiques qui se sont coupés de Rome, voire de parvenir à rétablir la pleine communion. Mais il ne transigera pas, me semble-t-il, sur les convictions majeures de l'Église quant à l'immense apport de Vatican II.
- Y a-t-il, à votre connaissance, une "stratégie" de Benoît XVI à l'égard des catholiques intégristes?- Je n'ai pas connaissance qu'il se soit exprimé sur ce sujet. Ce dont je suis sûr, c'est qu'une rencontre comme celle dont il est question doit être située dans un contexte: le pape qui recevra Mgr Fellay - si cette rencontre a effectivement lieu - est le même qui, la semaine dernière à Cologne, a personnellement tenu à rencontrer les autres Églises chrétiennes, ainsi que la communauté juive et des responsables musulmans.
- Sur la question de la liturgie, le cardinal Ratzinger avait souvent déploré une mise en oeuvre trop exclusive de la réforme de Vatican II, au détriment du rituel antérieur...- On ne reviendra pas en arrière. Mais on pourra peut-être envisager des possibilités plus larges, pour ceux qui le souhaitent, de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V. Il doit y avoir place, dans l'Église, pour une large palette de sensibilités, et celle qui se manifeste par le désir de célébrer l'Eucharistie selon ce rituel ancien peut sans doute être encore mieux accueillie qu'elle ne l'est déjà. Mais il y a une contrepartie à demander: que ces personnes et ces groupes "traditionalistes" reconnaissent la pleine légitimité du rituel de Paul VI, qui est la messe aujourd'hui célébrée par le pape et par les évêques en communion avec lui, ainsi que de l'enseignement du Concile, qui a été déclaré majeur par Jean-Paul II ainsi que, dès le tout début de son pontificat, par Benoît XVI.