SOURCE - Petrus - Le Forum Catholique - 28 août 2005
C'est le sujet brûlant de la rentrée. C'est la question dont tout le monde parle en cette fin août. Internet crépite, les gazettes s'excitent, des milliers de personnes sont en transe. Non, chers amis, il ne s'agit pas des risques de scission au PS pronostiqués par Rocard, souhaités par Kouchner, de la zizanie chez les Verts qui comptent déjà six candidats à la prochaine présidentielle (qui dit mieux!), ni du verre de l'amitié bu par la triade des horreurs, José, Besancenot et Buffet à l'université d'été de la LCR, ni de la confirmation à Bordeaux de la cinquième candidature élyséenne de Jean-Marie Le Pen à septante-neuf printemps (quelle santé, chapeau l'artiste!), non, chers liseurs du FC, il s'agit de la rencontre le 29 août entre Mgr Fellay et Benoît XVI.
Puisque tout le monde y va de son grain de sel, Petrus se fait une joie et un devoir d'apporter sa modeste contribution.
D'abord, y aura-t-il accord? That is the question. Si cela ne tenait qu'à Mgr Fellay et à ses principaux collaborateurs (les abbés Sélégny, Baudot, Schmidberger), sans aucun doute, il se ferait. Certes pas à n'importe quelle condition. Mais contre la levée des excommunications, une libéralisation de la messe tridentine et la mise en place d'une administration apostolique pour la FSSPX qui lui permettrait d'échapper à l'Ordinaire, tout laisse à penser que le supérieur général de la Fraternité apposerait sa signature au bas d'un protocole d'accord.
Par ailleurs, qui ne voit que ce serait pour lui une façon de rebondir après sa gestion très critiquée de la crise laguériste et des départs toujours plus nombreux (bien que encore numériquement limités) de cette société sacerdotale? Alors même que son mandat de douze ans expire au plus tard en juillet 2006, Mgr Fellay apparaîtrait comme l'homme qui a régularisé canoniquement la situation de la FSSPX, trente ans exactement après la suppression administrative de cet institut le 6 mai 1975 et vingt-neuf ans après la suspens a divinis de Mgr Lefebvre par Paul VI. Au bout d'une génération de conflit, ce serait les grands retrouvailles entre la Rome post-Vatican II et l'organisation fondée par le prélat d'Ecône.
Ajoutons que la grande majorité des fidèles de la FSSPX, au moins en France (à l'étranger, cela semble moins vrai) souhaitent un accord avec Benoît XVI. Il faut dire que les publications officielles de la FSSPX, et notamment celles du district de France, se sont montrées jusque-là globalement favorables au successeur de Jean-Paul II.
Par conséquent, si un accord était finalement conclu, le plus probable est que la grande majorité des prêtres, et plus encore des fidèles, suivraient. D'ailleurs, de plus en plus de soutiens de la FSSPX n'hésitent pas à fréquenter occasionnellement des lieux de culte ecclésiadéistes quand cela les arrange, (tendance nettement renforcée depuis la crise de l'automne 2004) ce qui s'explique aisément dès lors que l'on considère comme eux que le combat est seulement ou d'abord celui de la messe.
Tous ces éléments plaident objectivement pour un accord.
Et pourtant, nous ne serions pas prêt à parier une villa sur la Côte d'Azur que l'accord se fera. Car il existe des obstacles qu'il ne faut pas se cacher ni minorer. Sont-ils de nature doctrinale? On nous le fera croire en cas d'échec des négociations mais il ne faut pas prendre pour argent comptant ces justifications a priori. En effet, si la FSSPX considérait comme absolument impossible tout accord avec des partisans résolus de Vatican II et de ses enseignements, elle ne nourrirait aucun espoir en Benoît XVI qui, il y a encore quelques jours à Cologne, s'est inscrit dans la parfaite fidélité à Jean-Paul II dans sa volonté oecuménique avec les protestants et son dialogue interreligieux avec les juifs (visités et honorés en premier, ce qui n'est pas un hasard) et les musulmans.
Non, vous pouvez en être convaincu, chers liseurs, s'il n'y a pas d'accord, c'est que Mgr Fellay, craignant une scission de l'aile droite de la FSSPX et la rébellion d'un ou plusieurs évêques, préférera sauvegarder l'unité de la structure à l'accord avec le Vatican. Plutôt le statu-quo juridique que l'éclatement de la Fraternité! C'est d'ailleurs, à mon sens, cette obsession de l'unité, de la survie, du maintien, de l'homogénéité (au moins de façade) de la FSSPX, confondue de fait avec l'Eglise, qui explique l'échec de toutes les tentatives d'accord depuis trente ans. C'était déjà vrai du temps de Mgr Lefebvre, cela reste vrai aujourd'hui. La FSSPX s'est mise dans une telle situation qu'elle ne peut ni glisser à droite vers le sédévacantisme ni se déporter sur la gauche vers le ralliement (même pudiquement déguisé en simple régularisation canonique) sans exploser en plein vol.
Mgr Fellay le sait. Il sait que, s'il y a accord, il y aura des pertes. Il y est prêt si elles sont minimes. Mais si la contestation gagne une minorité non négligeable des clercs et s'étend même, ne fût-ce qu'à un seul des trois autres évêques, on peut douter que l'accord avec Rome se fasse.
Car, pour qui connaît la FSSPX, l'on sait bien que les prêtres qui la composent ne sont à peu près d'accord sur rien, sauf sur le culte, légèrement infantile, voué au fondateur. Par exemple, je connais un prêtre, l'abbé Basilio Méramo, qui est prêtre de la FSSPX, actuellement en poste au Mexique, d'ailleurs très sympathique, tout en étant sédévacantiste complet. Il ne cachait pas que pour lui Jean-Paul II était l'Antichrist et il est évidemment non una cum au canon de la messe. A l'autre extrémité, l'abbé Didier Bonneterre, actuellement en poste à Paris à la chapelle Sainte-Germaine, ne pouvait s'empêcher dans la plupart de ses sermons dominicaux de dire tout le bien qu'il pensait de Jean-Paul II et de la nécessité d'être uni au pape. Le seul point commun entre les deux? Le culte qu'ils vouent à Mgr Lefebvre considéré par eux comme un saint. Et en effet comme le fondateur de la FSSPX a dit à peu près tout et son contraire, successivement mais aussi simultanément, selon les lieux et les publics, selon qu'il parlait à des journalistes ou à des fidèles, selon qu'il parlait à des "durs" ou à des libéraux, selon l'évolution de ses rapports avec Rome, selon l'intérêt de la structure FSSPX, les deux prêtres peuvent chacun à bon droit se réclamer de l'héritage moral, doctrinal et spirituel de l'archevêque qui les a fait prêtres pour l'éternité.
Bref, tout cela pour dire qu'il y a, pour faire simple, trois tendances au sein de la FSSPX :
-l'aile ouvertement favorable aux accords et au fond très proche des milieux ecclesiadéistes. C'était le cas de la quasi-totalité des laguéristes quand ils étaient encore au sein de la Fraternité. C'est, semble-t-il, le cas de Mgr Fellay et de ses adjoints et des principaux responsables du district de France.
_l'aile indifférentiste qui suivra sans états d'âme la décision finale, quelle qu'elle soit. C'est la grande majorité des troupes cléricales formées à l'obéissance et qui ne s'imaginent pas ailleurs qu'à la FSSPX, qu'elle soit ralliée ou non à Rome.
_l'aile hostile voire très hostile aux accords. Il y a bien sûr les dominicains d'Avrillé mais qui, il est vrai, ne sont pas membres de la FSSPX tout en s'inscrivant résolument dans la mouvance lefebvriste et en cherchant leurs ordinations auprès des évêques de la Fraternité. Dès l'avènement de Benoît XVI, ils ont publié deux plaquettes très hostiles au nouvel occupant du siège de Pierre et l'on imagine mal les voir accepter un accord qui contredirait presque quinze ans de combat dans leur revue doctrinale Le Sel de la Terre. Si accord il y a, ils seront selon toute vraisemblance à la tête de la résistance. Il y a aussi un certain nombre de prêtres qui ne suivront probablement pas. C'est à coup sûr le cas d'un abbé Vignalou, d'un abbé Meramo et de tous les crypto-sédévacantistes de la FSSPX.
Que fera un abbé Beaublat, un abbé Pivert? Difficile de choisir entre leur conviction profonde et leur fidélité à la structure FSSPX?
C'est là que la question des évêques devient déterminante : si un seul évêque résiste, l'on peut être sûr qu'il sera suivi par au moins quelques dizaines de prêtres sur les quelque 460 que compte officiellement la Fraternité. En revanche, si aucun n'ose se rébeller, on peut douter que les résistances ecclésiastiques soient nombreuses. D'autant que, et je dis cela sans mépris, l'aspect matériel compte. Lorsque l'on jouit du confort d'un prieuré, d'une voiture, du remboursement de l'essence au kilomètre, lorsque l'on est dans une oeuvre connue, étendue dans le monde entier et relativement prospère, il faut une sacrée dose de courage pour la quitter et aller dans la nature. D'autant que la quasi-totalité des chapelles appartient aujourd'hui à la FSSPX. Donc un prêtre qui quitte l'oeuvre se retrouve sans rien. S'il n'a pas une fortune personnelle, s'il ne peut pas compter sur le soutien de riches et dévoués bienfaiteurs, la situation peut être extrêmement difficile.
Si un évêque devait résister à un accord, beaucoup pensent que ce serait Mgr Williamson. C'est d'ailleurs ce que sous-entendent les gazettes et autres dépêches d'agence. Il est à peu près certain en effet que si résistance il devait y avoir, ce n'est sûrement pas de Mgr Tissier ou de Mgr de Galaretta qu'elle viendrait. Ils n'en ont ni le profil, ni le caractère ni l'envergure.
Cependant je ne parierai pas très cher sur la rébellion de Mgr Williamson. Il est homme à faire des déclarations tonitruantes, et généralement alambiquées (ce que ne suffit pas à expliquer sa nationalité britannique!) et puis rien ne se passe. La montagne accouche d'une souris. On l'a bien vu dans l'affaire laguériste où, après un sermon à Saint-Nicolas très virulent contre Mgr Fellay (jamais cité), il est complètement rentré dans le rang. Au moins extérieurement. Décevant ainsi les laguéristes après s'être discrédité auprès des fellaysiens.
J'ajoute que s'il devait être le chef de file de la résistance, sa crédibilité serait très entamée auprès des "durs" qui, pour la plupart, ont été à la pointe contre les laguéro-tanoüarniens et contre les positions sur la gnose des abbés Célier et de Tanoüarn. C'est notoirement le cas des milieux gravitant autour de la revue Sous la Bannière d'Adrien Loubier, de CSI de Louis-Hubert Rémy, de DPF de Jean Auguy et de La Politique de Philippe Ploncard d'Assac, même si la vérité oblige à dire, s'agissant de ces deux derniers, qu'ils ne sont pas par principes hostiles à un accord avec Benoît XVI.
En toutes hypothèses, la FSSPX est actuellement très fragilisée et, quel que soit le choix que fasse in fine son supérieur général, elle est dans une mauvaise posture. Soit elle ne signe pas l'accord proposé par Benoît XVI, auquel cas beaucoup de ses fidèles ne comprendront pas et rejoindront les milieux Ecclesia Dei, d'autant plus nombreux si la messe tridentine est "libérée". De même, les prêtres qui souffrent de moins en moins l'ambiance interne, en effet irrespirable, et qui ne sont pas fondamentalement hostiles à une régularisation canonique, profiteront peu à peu des solutions offertes par Rome. Ce ne sera peut-être pas une grosse hémorragie mais du goutte-à-goutte qui interdira toute expansion de la FSSPX. Laquelle déclinera irrémédiablement, même si elle subsistera comme structure pyramidale et autocentrée fonctionnant alors de plus comme une petite Eglise sans pour autant s'orienter vers le sédévacantisme.
Soit au contraire la FSSPX se rallie, et c'est toute une aile qui la quitttera. Minoritaire très certainement mais bruyante. Elle criera à la trahison du combat de Mgr Lefebvre comme si le prélat d'Ecône n'avait pas lui-même signé un protocole d'accord avec le cardinal Ratzinger le 5 mai 1988, dix-huit mois seulement après Assise et deux ans après la réception par Jean-Paul II sur le front du signe du Tilak.
Dans tous les cas, nous sommes à la veille d'un véritable carnage spirituel. Les familles vont à nouveau se diviser, s'invectiver comme au moment des sacres, comme au moment de la crise laguériste. Les accusations de traîtrise et de libéralisme d'un côté, d'intégrisme et de schisme de l'autre vont réapparaître. Des gens dégoûtés abandonneront tout. Les amis d'hier deviendront les ennemis de demain. L'atomisation et la neutralisation du courant traditionaliste est en voie d'achèvement. L'éclipse de l'Eglise est désormais totale. Nous sommes au Samedi Saint de l'Eglise militante.
Tout est humainement désespéré.
Petrus.
C'est le sujet brûlant de la rentrée. C'est la question dont tout le monde parle en cette fin août. Internet crépite, les gazettes s'excitent, des milliers de personnes sont en transe. Non, chers amis, il ne s'agit pas des risques de scission au PS pronostiqués par Rocard, souhaités par Kouchner, de la zizanie chez les Verts qui comptent déjà six candidats à la prochaine présidentielle (qui dit mieux!), ni du verre de l'amitié bu par la triade des horreurs, José, Besancenot et Buffet à l'université d'été de la LCR, ni de la confirmation à Bordeaux de la cinquième candidature élyséenne de Jean-Marie Le Pen à septante-neuf printemps (quelle santé, chapeau l'artiste!), non, chers liseurs du FC, il s'agit de la rencontre le 29 août entre Mgr Fellay et Benoît XVI.
Puisque tout le monde y va de son grain de sel, Petrus se fait une joie et un devoir d'apporter sa modeste contribution.
D'abord, y aura-t-il accord? That is the question. Si cela ne tenait qu'à Mgr Fellay et à ses principaux collaborateurs (les abbés Sélégny, Baudot, Schmidberger), sans aucun doute, il se ferait. Certes pas à n'importe quelle condition. Mais contre la levée des excommunications, une libéralisation de la messe tridentine et la mise en place d'une administration apostolique pour la FSSPX qui lui permettrait d'échapper à l'Ordinaire, tout laisse à penser que le supérieur général de la Fraternité apposerait sa signature au bas d'un protocole d'accord.
Par ailleurs, qui ne voit que ce serait pour lui une façon de rebondir après sa gestion très critiquée de la crise laguériste et des départs toujours plus nombreux (bien que encore numériquement limités) de cette société sacerdotale? Alors même que son mandat de douze ans expire au plus tard en juillet 2006, Mgr Fellay apparaîtrait comme l'homme qui a régularisé canoniquement la situation de la FSSPX, trente ans exactement après la suppression administrative de cet institut le 6 mai 1975 et vingt-neuf ans après la suspens a divinis de Mgr Lefebvre par Paul VI. Au bout d'une génération de conflit, ce serait les grands retrouvailles entre la Rome post-Vatican II et l'organisation fondée par le prélat d'Ecône.
Ajoutons que la grande majorité des fidèles de la FSSPX, au moins en France (à l'étranger, cela semble moins vrai) souhaitent un accord avec Benoît XVI. Il faut dire que les publications officielles de la FSSPX, et notamment celles du district de France, se sont montrées jusque-là globalement favorables au successeur de Jean-Paul II.
Par conséquent, si un accord était finalement conclu, le plus probable est que la grande majorité des prêtres, et plus encore des fidèles, suivraient. D'ailleurs, de plus en plus de soutiens de la FSSPX n'hésitent pas à fréquenter occasionnellement des lieux de culte ecclésiadéistes quand cela les arrange, (tendance nettement renforcée depuis la crise de l'automne 2004) ce qui s'explique aisément dès lors que l'on considère comme eux que le combat est seulement ou d'abord celui de la messe.
Tous ces éléments plaident objectivement pour un accord.
Et pourtant, nous ne serions pas prêt à parier une villa sur la Côte d'Azur que l'accord se fera. Car il existe des obstacles qu'il ne faut pas se cacher ni minorer. Sont-ils de nature doctrinale? On nous le fera croire en cas d'échec des négociations mais il ne faut pas prendre pour argent comptant ces justifications a priori. En effet, si la FSSPX considérait comme absolument impossible tout accord avec des partisans résolus de Vatican II et de ses enseignements, elle ne nourrirait aucun espoir en Benoît XVI qui, il y a encore quelques jours à Cologne, s'est inscrit dans la parfaite fidélité à Jean-Paul II dans sa volonté oecuménique avec les protestants et son dialogue interreligieux avec les juifs (visités et honorés en premier, ce qui n'est pas un hasard) et les musulmans.
Non, vous pouvez en être convaincu, chers liseurs, s'il n'y a pas d'accord, c'est que Mgr Fellay, craignant une scission de l'aile droite de la FSSPX et la rébellion d'un ou plusieurs évêques, préférera sauvegarder l'unité de la structure à l'accord avec le Vatican. Plutôt le statu-quo juridique que l'éclatement de la Fraternité! C'est d'ailleurs, à mon sens, cette obsession de l'unité, de la survie, du maintien, de l'homogénéité (au moins de façade) de la FSSPX, confondue de fait avec l'Eglise, qui explique l'échec de toutes les tentatives d'accord depuis trente ans. C'était déjà vrai du temps de Mgr Lefebvre, cela reste vrai aujourd'hui. La FSSPX s'est mise dans une telle situation qu'elle ne peut ni glisser à droite vers le sédévacantisme ni se déporter sur la gauche vers le ralliement (même pudiquement déguisé en simple régularisation canonique) sans exploser en plein vol.
Mgr Fellay le sait. Il sait que, s'il y a accord, il y aura des pertes. Il y est prêt si elles sont minimes. Mais si la contestation gagne une minorité non négligeable des clercs et s'étend même, ne fût-ce qu'à un seul des trois autres évêques, on peut douter que l'accord avec Rome se fasse.
Car, pour qui connaît la FSSPX, l'on sait bien que les prêtres qui la composent ne sont à peu près d'accord sur rien, sauf sur le culte, légèrement infantile, voué au fondateur. Par exemple, je connais un prêtre, l'abbé Basilio Méramo, qui est prêtre de la FSSPX, actuellement en poste au Mexique, d'ailleurs très sympathique, tout en étant sédévacantiste complet. Il ne cachait pas que pour lui Jean-Paul II était l'Antichrist et il est évidemment non una cum au canon de la messe. A l'autre extrémité, l'abbé Didier Bonneterre, actuellement en poste à Paris à la chapelle Sainte-Germaine, ne pouvait s'empêcher dans la plupart de ses sermons dominicaux de dire tout le bien qu'il pensait de Jean-Paul II et de la nécessité d'être uni au pape. Le seul point commun entre les deux? Le culte qu'ils vouent à Mgr Lefebvre considéré par eux comme un saint. Et en effet comme le fondateur de la FSSPX a dit à peu près tout et son contraire, successivement mais aussi simultanément, selon les lieux et les publics, selon qu'il parlait à des journalistes ou à des fidèles, selon qu'il parlait à des "durs" ou à des libéraux, selon l'évolution de ses rapports avec Rome, selon l'intérêt de la structure FSSPX, les deux prêtres peuvent chacun à bon droit se réclamer de l'héritage moral, doctrinal et spirituel de l'archevêque qui les a fait prêtres pour l'éternité.
Bref, tout cela pour dire qu'il y a, pour faire simple, trois tendances au sein de la FSSPX :
-l'aile ouvertement favorable aux accords et au fond très proche des milieux ecclesiadéistes. C'était le cas de la quasi-totalité des laguéristes quand ils étaient encore au sein de la Fraternité. C'est, semble-t-il, le cas de Mgr Fellay et de ses adjoints et des principaux responsables du district de France.
_l'aile indifférentiste qui suivra sans états d'âme la décision finale, quelle qu'elle soit. C'est la grande majorité des troupes cléricales formées à l'obéissance et qui ne s'imaginent pas ailleurs qu'à la FSSPX, qu'elle soit ralliée ou non à Rome.
_l'aile hostile voire très hostile aux accords. Il y a bien sûr les dominicains d'Avrillé mais qui, il est vrai, ne sont pas membres de la FSSPX tout en s'inscrivant résolument dans la mouvance lefebvriste et en cherchant leurs ordinations auprès des évêques de la Fraternité. Dès l'avènement de Benoît XVI, ils ont publié deux plaquettes très hostiles au nouvel occupant du siège de Pierre et l'on imagine mal les voir accepter un accord qui contredirait presque quinze ans de combat dans leur revue doctrinale Le Sel de la Terre. Si accord il y a, ils seront selon toute vraisemblance à la tête de la résistance. Il y a aussi un certain nombre de prêtres qui ne suivront probablement pas. C'est à coup sûr le cas d'un abbé Vignalou, d'un abbé Meramo et de tous les crypto-sédévacantistes de la FSSPX.
Que fera un abbé Beaublat, un abbé Pivert? Difficile de choisir entre leur conviction profonde et leur fidélité à la structure FSSPX?
C'est là que la question des évêques devient déterminante : si un seul évêque résiste, l'on peut être sûr qu'il sera suivi par au moins quelques dizaines de prêtres sur les quelque 460 que compte officiellement la Fraternité. En revanche, si aucun n'ose se rébeller, on peut douter que les résistances ecclésiastiques soient nombreuses. D'autant que, et je dis cela sans mépris, l'aspect matériel compte. Lorsque l'on jouit du confort d'un prieuré, d'une voiture, du remboursement de l'essence au kilomètre, lorsque l'on est dans une oeuvre connue, étendue dans le monde entier et relativement prospère, il faut une sacrée dose de courage pour la quitter et aller dans la nature. D'autant que la quasi-totalité des chapelles appartient aujourd'hui à la FSSPX. Donc un prêtre qui quitte l'oeuvre se retrouve sans rien. S'il n'a pas une fortune personnelle, s'il ne peut pas compter sur le soutien de riches et dévoués bienfaiteurs, la situation peut être extrêmement difficile.
Si un évêque devait résister à un accord, beaucoup pensent que ce serait Mgr Williamson. C'est d'ailleurs ce que sous-entendent les gazettes et autres dépêches d'agence. Il est à peu près certain en effet que si résistance il devait y avoir, ce n'est sûrement pas de Mgr Tissier ou de Mgr de Galaretta qu'elle viendrait. Ils n'en ont ni le profil, ni le caractère ni l'envergure.
Cependant je ne parierai pas très cher sur la rébellion de Mgr Williamson. Il est homme à faire des déclarations tonitruantes, et généralement alambiquées (ce que ne suffit pas à expliquer sa nationalité britannique!) et puis rien ne se passe. La montagne accouche d'une souris. On l'a bien vu dans l'affaire laguériste où, après un sermon à Saint-Nicolas très virulent contre Mgr Fellay (jamais cité), il est complètement rentré dans le rang. Au moins extérieurement. Décevant ainsi les laguéristes après s'être discrédité auprès des fellaysiens.
J'ajoute que s'il devait être le chef de file de la résistance, sa crédibilité serait très entamée auprès des "durs" qui, pour la plupart, ont été à la pointe contre les laguéro-tanoüarniens et contre les positions sur la gnose des abbés Célier et de Tanoüarn. C'est notoirement le cas des milieux gravitant autour de la revue Sous la Bannière d'Adrien Loubier, de CSI de Louis-Hubert Rémy, de DPF de Jean Auguy et de La Politique de Philippe Ploncard d'Assac, même si la vérité oblige à dire, s'agissant de ces deux derniers, qu'ils ne sont pas par principes hostiles à un accord avec Benoît XVI.
En toutes hypothèses, la FSSPX est actuellement très fragilisée et, quel que soit le choix que fasse in fine son supérieur général, elle est dans une mauvaise posture. Soit elle ne signe pas l'accord proposé par Benoît XVI, auquel cas beaucoup de ses fidèles ne comprendront pas et rejoindront les milieux Ecclesia Dei, d'autant plus nombreux si la messe tridentine est "libérée". De même, les prêtres qui souffrent de moins en moins l'ambiance interne, en effet irrespirable, et qui ne sont pas fondamentalement hostiles à une régularisation canonique, profiteront peu à peu des solutions offertes par Rome. Ce ne sera peut-être pas une grosse hémorragie mais du goutte-à-goutte qui interdira toute expansion de la FSSPX. Laquelle déclinera irrémédiablement, même si elle subsistera comme structure pyramidale et autocentrée fonctionnant alors de plus comme une petite Eglise sans pour autant s'orienter vers le sédévacantisme.
Soit au contraire la FSSPX se rallie, et c'est toute une aile qui la quitttera. Minoritaire très certainement mais bruyante. Elle criera à la trahison du combat de Mgr Lefebvre comme si le prélat d'Ecône n'avait pas lui-même signé un protocole d'accord avec le cardinal Ratzinger le 5 mai 1988, dix-huit mois seulement après Assise et deux ans après la réception par Jean-Paul II sur le front du signe du Tilak.
Dans tous les cas, nous sommes à la veille d'un véritable carnage spirituel. Les familles vont à nouveau se diviser, s'invectiver comme au moment des sacres, comme au moment de la crise laguériste. Les accusations de traîtrise et de libéralisme d'un côté, d'intégrisme et de schisme de l'autre vont réapparaître. Des gens dégoûtés abandonneront tout. Les amis d'hier deviendront les ennemis de demain. L'atomisation et la neutralisation du courant traditionaliste est en voie d'achèvement. L'éclipse de l'Eglise est désormais totale. Nous sommes au Samedi Saint de l'Eglise militante.
Tout est humainement désespéré.
Petrus.