Le motu proprio tant attendu, tant espéré et tant redouté est désormais disponible dans son texte définitif que nous publions in extenso. La mesure principale de ce texte, qui est un décret ayant force de loi et non pas simplement un document de réflexion, un "fervorino", une exhortation apostolique est l’instauration d’un double rite latin : l’ancien et le nouveau. Benoît XVI suit là la solution proposée jadis par le liturgiste allemand Klaus Gamber, cité comme une référence par l’Abbaye bénédictine du Barroux.
Aucun prêtre de tradition latine ne sera contraint à célébrer l’un ou l’autre de ces rites. En ce sens, les progressistes réfractaires comme les inconditionnels de l’ancienne liturgie y trouveront d’une certaine manière des portes de sortie. Contrairement à la restriction souhaitée par le cardinal Francis Arinze, pourtant conservateur, préfet de la congrégation pour le culte divin, aucun numerus clausus ne sera nécessaire pour une célébration publique de l’ancienne messe, étant entendu que la célébration privée est libre de toute manière. Le Pape porte l’accent sur le fait que l’ancienne liturgie n’a jamais été abolie. Il tranche ainsi un débat qui divise les canonistes et les historiens. Il rejoint la position déjà maintes fois exprimée par le cardinal autrichien Alfons Stickler, qui fait autorité dans les milieux traditionalistes. Le texte se veut une une condamnation d’une rare dureté des "excès" qui ont suivi le Concile. Dans l’esprit de Joseph Ratzinger, manifestement, le missel de Paul VI dans son état actuel, s’il n’est pas hérétique, n’est pourtant pas satisfaisant. Le Pape n’a pas oublié en route son vieux projet de réforme de la réforme, dans un sens traditionnel. Les intégristes, traditionalistes et conservateurs de tout poil jubilent. Les évêques sont perplexes mais n’affronteront pas ouvertement l’autorité du Pape, en raison également de la forte influence à la base de certains groupes favorables à l’ancienne liturgie. Ce jour est, du point de vue de l’histoire de l’Eglise du temps présent aussi significatif sinon plus que celui de l’élection au trône de Pierre de Joseph Ratzinger. Le catholicisme entre décidément dans une nouvelle période. L’autorité souveraine semble définitivement rompre avec la politique de compromis qui fut celle de Paul VI, puis en partie encore celle de Jean Paul II alors même qu’une visée restauyratrice se dessinait de plus en plus nettement. Les conciliaires du centre, comme le journal "LA Croix", se trouvent dorénavant dans une situation particulièrement délicate. Ils ne pourront plus nous faire prendre des vessies pour des lanternes. C’est un catholicisme pur et dur que le Pape impose à tous, adeptes de la messe de Saint Pie V ou défenseurs d’une interprétation conservatrice et très stricte de l’actuelle liturgie. Mardi prochain 10 juillet, un texte d’une importance capitale sortira : une déclaration de la congrégation pour la doctrine de la foi rappellant que la seule Eglise du Christ est l’Eglise catholique. Un point final est ainsi écrit à un débat de l’après-Concile. Peut-être aussi à l’utopie d’un oecuménisme audacieux et novateur. Nous n’irons pas jusqu’à parler d’une victoire posthume de Mgr Marcel Lefebvre. Par contre, nous sommes à présent convaincus que la porte à un certain esprit du Concile est définitivement fermée à Rome et qu’il faudrait un véritable miracle pour qu’elle s’ouvre à nouveau. |