Le cardinal Dario Castrillon Hoyos, colombien, préside la commission pontificale "Ecclesia Dei" qui voit son pouvoir renforcé depuis le récent "Motu proprio". En effet, la commission devrait prochainement remplir un rôle stratégique absolument décisif. Elle a été fondée en 1988 par Jean Paul II, la confiant à l’alors cardinal Paul Augustin Mayer, bénédictin allemand ainsi qu’’à un Monsignore luxembourgeois, Camille Perl, qui avait accompagné quelques mois auparavant le cardinal Edouard Gagnon, visiteur apostolique à Ecône en vue déjà d’une réconciliation avec les lefebvristes (qui échoua puisque l’archevêque dissident finit par ordonner quatre nouveaux évêques créant ainsi un schisme).
Né en 1938, liturgiste de formation, bénédictin puis prêtre du diocèse de Luxembourg, proche des milieux traditionalistes, Don Camillo (!) se casa à Rome à un poste subalterne, comme secrétaire du cardinal Mayer, alors préfet de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. C’est Mgr Mayer qui avait signé en 1984, à la demande du Pape, un indult, certes limité et partiel. Comme les cardinaux Ratzinger et Stickler, PAul Augustin MAyer n’était pas enthousiasmé, c’est le moins que l’on puisse dire, par les réformes liturgiques et certains tournants post-conciliaires. Recteur de l’université bénédictine Saint Anselme de Rome, il fut promu archevêque en 1971 et nommé secrétaire de la congrégation des religieux aux côtés du très traditionalistes cardinal Ildebrando Antoniutti, lequel avait été le candidat à la tiare des adversaires du Concile en 1963. Paul VI comprit que la situation était bloquée et que le tandem très réactionnaire "Antoniutti / Mayer" empêchait tout dialogue entre Rome et des ordres religieux souvent très réformateurs et avides de changements. Après le décès du cardinal Antoniutti, il nomma donc à la tête de la congrégation des religieux un évêque argentin très évangélique, très affable et favorable au Père Pedro Arrupe, le maître général des jésuites et à d’autres supérieurs religieux de tendance progressiste. Mayer resta en place, entretenant des relations difficiles avec le cardinal Pironio, et tentant de freiner autant que possible certaines réformes, en contact étroit avec les milieux les plus traditionalistes de la Curie. En 1984, Karol Wojtyla muta le cardinal Pironio, dont il désavoua les ouvertures, selon lui imprudentes. Il le remplaça par un conservateur décidé et à la poigne de fer, le dominicain belge Jean Jérôme Hamer, qui avait été le bras droit du cardinal Ratzinger à la congrégation pour la doctrine de la foi. A la même occasion, Mgr MAyer fut nommé à la tête de la congrégation pour le culte, sur le conseil du même Joseph Ratzinger, en vue déjà d’une nouvelle réforme de la réforme liturgique, dans un sens conservateur cette fois. Il ne put mener à bien ce projet en raison de l’opposition de Mgr Virgilio Noè, alors secrétaire du même dicastère, partisan au contraire de la réforme liturgique et vivement hostile à la libéralisation de l’ancienne messe. Finalement ce dernier fut promu (et devint cardinal en 1991) mais Mayer avait atteint la limite d’âge et fut remplacé par un cardinal espagnol (Eduoardo Martinez Somalo) peu intéressé par’ les questions liturgiques. Dès 1988, le cardinal Mayer et Mgr Perl s’occupèrent donc du dossier traditionaliste. Ils court-circuitèrent souvent l’autorité des évêques du lieu : notamment en accordant une reconnaissance très rapide et fort discutée à l’abbaye bénédictine du Barroux, forçant la main à l’archevêque d’’Avignon, Mgr Raymond Bouchex, qui ne passait pourtant pas pour un progressiste. Mgr Perl a toujours soutenu enb coulisses les revendications traditionalistes. Son nom fut cité à plusieurs cité suite au projet finalement abandonné de créer une sorte d’évêché traditionaliste indépendant, comme "évêque" des traditionalistes du monde entier ralliés à Rome. En 1991, le Pape avait un temps caressé le dessein de nommer Camille Perl, archevêque de Luxembourg, mais face aux protestations du prédécesseur, Mgr Jean Hengen, il y renonça très rapidement. Après la retraite définitive du cardinal Mayer, le Pape confia la commission "Ecclesia Dei" à un italien formaliste, brusque et taciturne, le cardinal Antonio Innocenti. Ce dernier entretint d’assez mauvais rapports avec son bras droit Camille Perl. Néanmoins, en substance, il continua la politique menée par le cardinal Mayer, en veillant surtout à la bonne tenue de l’aspect juridique. Le cardinal Angelo Felici, aussi peu bavard que son prédécesseur, ancien Nonce en France, gérait les affaires au quotidien, sans beaucoup s’impliquer. C’est la désignation en 1999 du colombien Dario Castrillon qui redonna tout son souffle à la Commission. Un véritable nouveau départ. Les pourparlers reprirent avec la fraternité Saint Pie X (et son supérieur général Mgr Bernard Fellay). La commission "Ecclesia Dei" a pour mission de faciliter la réinsertion des groupes et des personnes liées à la sensibilité traditionaliste, soit pour avoir jadis suivi Mgr Marcel Lefebvre, soit par( attachement à la messe dite de Saint Pie V . Ses pouvoirs ont été souvent limités jusqu’ici par l’autorité des autres dicastères romains. A présent, avec Joseph Ratzinger, et ce récent Motu proprio faisant force de loi, la situation devrait changer. Mgr Camille Perl devrait être nommé archevêque et placé à la tête de la Commission. Son pouvoir et son autorité seront très grands : au fond ceux d’un super évêque ! Le cardinal Castrillon vient de se nommer un secrétaire italien lui aussi proche des milieux traditionalistes : Mgr Mario Marini. Romano Libero |