| Missel tridentin - Quelles différences avec       le Missel actuel ?       Le “Motu Proprio” pontifical visant à libéraliser l'usage du       missel en rite tridentin, dit “de saint Pie V”, est prêt. Il devrait       normalement être publié peu avant le départ de Benoît XVI pour ses       vacances d'été. Mais en quoi le missel tridentin diffère-t-il de celui       du Concile Vatican II ? Nous avons posé la question au théologien Paul       De Clerck. 
 En quoi les deux Missels sont-ils différents ?
 
 Dans les discussions actuelles, on suppose parfois que les         particularités du Missel promulgué à la suite du IIe Concile du         Vatican tiendraient à deux éléments : la langue vivante et la célébration         “face au peuple”. En fait, le nouveau Missel a été si bien reçu         par la plupart des catholiques qu'ils n'ont même plus le souvenir de ce         qu'était l'ancien ! Il me paraît donc utile, pour la clarté du débat,         de faire apparaître les différences entre les deux Missels ; cela         permettra à chacun de se forger un jugement mieux fondé. Soulignons         d'emblée la différence essentielle entre ces deux livres, le Missel de         Trente (1570-1962) prévoit la manière dont le prêtre doit dire         “sa” messe ; celui de Vatican II (1970-2002), pour sa part, commence         par ces mots : “Lorsque le peuple est rassemblé...”. L'un est un         livre de prêtre, l'autre souhaite que la communauté chrétienne puisse         entrer au mieux dans la prière de l'Église, pour la gloire de Dieu et         sa propre édification. C'est la base de la participation active,         souhaitée par le Concile pour que les chrétiens puissent entrer plus         profondément dans les mystères célébrés.Qu'en est-il du déroulement de la messe ? 
 Contrairement à ce que pensent de nombreux catholiques, les règles         liturgiques actuelles n'imposent pas, mais recommandent la célébration         que l'on nomme le plus souvent “face au peuple”. En fait, depuis les         années 1960, les recherches à ce propos se sont beaucoup affinées. On         a mieux saisi que certaines actions, comme les lectures, exigeaient de         par leur nature même d'être adressées à l'assemblée ; d'autres, au         contraire, se comprennent mieux si toute l'assemblée est tournée vers         l'autel et la croix. Il s'agit du sens même de l'action posée. Autre         différence essentielle : la communion. Beaucoup d'entre nous n'ont plus         souvenir de la mauvaise habitude prise par nos prédécesseurs, à         partir du Ve et VIe siècles, de ne communier que très rarement. C'est         le pape saint Pie X qui, en 1905, souhaita que les catholiques puissent         communier fréquemment. Pour sa part, le Missel actuel permet et         encourage la communion non seulement au corps mais aussi au sang du         Christ, dans le but de mieux correspondre à ce que Jésus lui-même a         fait et nous a demandé de faire à sa suite. Les Pères du IIe Concile         du Vatican ont également souhaité que soit restaurée la concélébration,         c'est-à-dire la manière d'affirmer, par la présence de plusieurs prêtres,         qu'il n'y a qu'une Eucharistie, celle qui fait l'unité de l'Église.         Enfin, autre nouveauté introduite par le Missel actuel : la prière         universelle.Les textes de prière ont aussi été considérablement enrichis... 
 C'est exact. Le travail le plus important a concerné la prière         eucharistique. On la nommait autrefois “canon de la messe”, car le         Missel de Trente ne connaissait qu'une prière eucharistique. Le Missel         actuel a conservé cette dernière, mais y a joint neuf autres prières.         Certaines sont des adaptations de prières anciennes, d'autres sont des         créations nouvelles. Cette diversité permet d'adapter la prière aux         circonstances en lesquelles se fait la célébration ; on ne prie pas         exactement avec les mêmes mots le jour de Pâques et lors de funérailles.         La nouveauté la plus importante de la prière eucharistique, outre le         nombre de textes, est l'invocation de l'Esprit Saint qu'elle intègre désormais.         Il y a là un très grand enrichissement théologique, salué par les         chrétiens d'Orient, même si les Occidentaux n'en ont pas encore tous         goûté la profondeur.Y a-t-il également des différences au niveau de la lecture de la       Parole de Dieu ? 
 Oui, un progrès énorme a été réalisé en ce domaine. Le Missel         tridentin comporte, pour chaque messe, deux lectures, appelées épître         et évangile. Ce livre correspond à ce que les spécialistes appellent         un “missel plénier” : il rassemble en un volume tous les éléments         nécessaires à la célébration de la messe par le seul prêtre. Le         Missel actuel ne contient plus les lectures, et pour cause. La première         est que leur choix a été multiplié par trois, pour les seuls         dimanches. Les catholiques d'aujourd'hui entendent donc la Parole de         Dieu de manière beaucoup plus diversifiée qu'autrefois. Manifestement,         le renouveau biblique est passé par là !Le recours aux langues vivantes est-il également une spécificité du       nouveau Missel ? 
 Quand on voit les modifications introduites pour les prières et         l'importance accordée à la proclamation de la Parole de Dieu, on         comprend que les Pères du IIe Concile du Vatican aient ouvert la porte         aux langues vivantes. On peut effectivement difficilement souhaiter que         les chrétiens entendent la Parole et s'unissent à la prière de l'Église,         si elles sont énoncées en une langue qui leur est étrangère. Il n'y         a pas là acte sacrilège. L'Église ancienne est passée du grec au         latin, en Occident, au cours du IVe siècle, et les Églises orientales,         si elles aiment cultiver leurs langues anciennes, n'éprouvent aucune         difficulté à célébrer aujourd'hui en arabe, pour plusieurs d'entre         elles. Quelles que soient les époques, les mêmes causes engendrent les         mêmes effets. Il faut donc se réjouir de ce que, lors des célébrations,         les Japonais puissent aujourd'hui écouter la Parole de Dieu en leur         langue, de même que les Boliviens ou les Congolais.En conclusion ? 
 Le lecteur l'aura compris : ces Missels, s'ils portent le même nom,         ne sont pas identiques. Il est difficile de nier l'enrichissement dont a         bénéficié le Missel actuel. On pense principalement aux lectures et         aux prières eucharistiques : les premières nous rapprochent des chrétiens         de la Réforme et de leur respect à l'égard de la Parole de Dieu ; les         secondes de ceux d'Orient et de leur vénération pour le Saint Esprit.         L'éventuelle déclaration de l'équivalence entre les deux Missels         risquerait de les étonner grandement. |