Dans une conférence qu'il a dispensée en 1984, Mgr Lefebvre met en garde contre les deux écueils qui se présentent à la Fraternité Saint-Pie X. D'un côté, le danger existe de participer à la révolution dans l'Eglise, en empruntant notamment le chemin de la nouvelle messe. De l'autre, il y a ceux qui récuseraient « l’attachement à Rome aussi et la fidélité à l’apostolicité. » A l'époque où son fondateur parle, la Fraternité a vécu des moments de trouble, où une frange de prêtres et de fidèles, en particulier aux Etats-Unis, a fini par s'user au combat, en désirant abandonner la fidélité à Rome, en laissant entendre que le pape et les cardinaux appartiendraient à une autre entité que l'Eglise catholique. Cette dérive paraissait grave. Et Mgr Lefebvre n'a pas hésité à recadrer avec fermeté ces tendances :
« Voyez, je pense que c’est là que se trouve tout notre problème. Nous vivons dans un temps exceptionnel. On ne peut pas juger de tout ce qui se fait dans l’Eglise selon les temps normaux. Nous nous trouvons dans une situation exceptionnelle, il faut aussi interpréter les principes qui devraient être ceux qui dirigent nos supérieurs ecclésiastiques. Ces principes, il faut les voir dans l’esprit de ceux qui vivent actuellement, ces principes qui étaient si clairs autrefois, si simples, que personne ne discutait, qu’on n’avait pas l’occasion de discuter, ils tombent, je dirais, dans des esprits libéraux, dans des esprits, comme je vous l’ai expliqué, qui n’ont pas de clarté de vision… Cela change la situation. Nous sommes dans une situation de confusion invraisemblable. Alors ne tirons pas les conclusions mathématiques comme cela, sans considérer ces circonstances. Parce qu’alors nous tombons :
- Ou bien nous nous rangeons à la révolution dans l’Eglise, nous participons à la destruction de l’Eglise, nous partons avec les progressistes...
- Ou bien nous quittons complètement l’Eglise et nous nous trouvons où ? avec qui ? avec quoi ? reliés comment aux apôtres, reliés comment aux origines de l’Eglise ? Partis… et alors, ça va durer combien de temps ? Alors s’il ne faut plus considérer les trois derniers conclaves, comme le disent ceux d’Amérique qui ont été sacrés évêques, donc depuis le temps, qu’il n’y a plus de pape, il n’y a plus non plus de cardinaux. On ne voit plus comment même faire revenir un pape légitime… Non ! C’est le désordre complet !
Alors il me semble qu’il faut rester dans cette voie du bon sens, et du sens d’ailleurs qui rallie le bon sens des fidèles aussi, le sens de la foi des fidèles, qui à 90% suivent les orientations de la Fraternité et ne comprendraient ni les uns, ni les autres.
Ils ne veulent aller ni aux progressistes et puis s’en aller à la nouvelle messe et prendre tous les changements, cela ils ne l’acceptent pas du tout et disent : S’il y en a qui sont comme ça, et bien qu’ils s’en aillent ! Mais nous, on ne veut pas. Nous on reste comme on est maintenant, on veut garder la Tradition, et ni nous séparer complètement du pape : « Il n’y a plus de pape, il n’y a plus rien, il n’y a plus d’autorité, on ne sait plus à qui on est rattachés, il n’y a plus de Rome, il n’y a plus d’Eglise catholique »… Ça, ça ne va pas non plus. Ils sont perdus aussi, ils se sentent perdus, ils sont désorientés.
Alors ils gardent ce sens de la foi, le sens que la Providence donne aux bons fidèles et aux bons prêtres de maintenant, de garder la foi, garder la ligne, garder l’attachement à Rome aussi et la fidélité à l’apostolicité, à la visibilité de l’Eglise, qui sont des choses essentielles, quitte à ne pas suivre les papes lorsqu’ils favorisent l’hérésie, comme l’a fait le Pape Honorius. Il a été condamné. Ceux qui auraient suivi le Pape Honorius à ce moment-là se seraient fourvoyés puisqu’il a été condamné après. »