Joannes Trame - 17 février 2013
Dans la crise qui secoue l'Eglise catholique depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l'oeuvre de Mgr Lefèbvre ne restera pas sans fruit. L'Histoire de l'Eglise le confirmera mais il semble que l'exercice d'équilibriste d'une mouvance catholique traditionnelle conquérante en marge de l'Eglise soit en train de prendre fin. En 1988, en sacrant quatre évêques malgré l'interdiction du pontife, l'évêque courageux mais désobéissant a vraisemblablement semé l'un des plus beaux germes du renouveau de la catholicité. L'enjeu était capital, il s'agissait de préserver le sacerdoce traditionnel. Après plus de 25 ans de dialogue infructueux entre Rome et les autorités de la fraternité Saint Pie X et au terme d'une forme de pourrissement de la crise, force est de reconnaître que les enjeux ont été progressivement déplacés sur le terrain doctrinal pour se cristalliser sur certaines conclusions hasardeuses du Concile Vatican II. C'est donc désormais sur la base du refus romain de reconnaître l'analyse du concile telle que formulée par l'Institut que cette dernière fonde sa détermination à prolonger l'acte originel de désobéissance de 1988.
Les surprises stratégiques fréquentent peu l'Histoire de l'Eglise. Sur le plan doctrinal comme sur le plan organisationnel, la ligne de conduite ne varie guère. Pour tout successeur de l'apôtre Pierre, la mission consiste essentiellement à conduire un seul et même troupeau tout en en confortant inlassablement l'unité. Si l'unité n'interdit pas la diversité, elle ne tolère en revanche que passagèrement la désobéissance. Dans ce contexte, deux hypothèses sont donc à évaluer pour ce qui regarde les perspectives de la Fraternité Saint Pie X: une première consiste à adopter une posture d'attente de la surprise stratégique, celle qui verrait un pape providentiel plier devant l'expertise doctrinale de la fraternité Saint Pie X; c'est la voie qu'emprunte visiblement l'Institut, et une seconde tendrait à poursuivre le débat doctrinal avec Rome tout en acceptant les conditions de réintégration fixées par l'Eglise. En résumé, la deuxième option exigerait un acte d'obéissance authentique.
L'auteur de ces lignes veut placer son espérance dans une hypothèse réaliste, celle de la tradition en marche depuis de nombreuses années au sein même de l'Eglise, celle là même susceptible de contribuer au lent mais nécessaire renouveau de l'Eglise...avec l'humilité, la patience et la douceur qui sied au chrétien comme le rappelle Mgr Di Noia dans sa récente missive aux prêtres de la Fraternité Saint Pie X. Cet évêque a été récemment mandaté par le pape Benoît XVI pour continuer à tendre la main aux brebis égarées, c'est à dire aux instituts et communautés traditionnelles tentés par l'indépendance vis-à-vis du pontife.
La politique américaine en Irak ou en Afghanistan fournit une image de ce type de glissement stratégique qui tend à embourber les forces d'intervention sur un théâtre d'opération. Il s'agit de la dérive ou de l'involution des buts de guerre. Les premières interventions s'inscrivent dans un but clairement affiché tandis que de nouveaux apparaissent toujours plus flous à mesure que les forces d'intervention s'installent et tentent de conquérir le terrain. Sur les théâtres mentionnés, il s'agissait originellement de détruire des terroristes sur leurs lieux de repli (objectif clair) puis progressivement de rétablir l'état de droit et favoriser l'érection d'un nouveau mode de gouvernance étatique suivant un modèle démocratique (objectif flou).
Aussi risquée et salutaire fut l'oeuvre de Mgr Lefèbvre pour le sacerdoce, aussi dangereuse et manipulatrice s'est-elle malheureusement transformée dans les mains de clercs grignotés par l'orgueil, année après année de refus du bras romain aussi ferme que protecteur.
Au delà de la richesse et de la nécessité d'entretenir le débat théologique sur les écarts du Concile Vatican II, l'enjeu semble plutôt clair : il s'agit de raccompagner dans la bergerie romaine quelques centaines de prêtres et milliers de fidèles. Installer ses brebis dans une stratégie d'attente, c'est inexorablement accentuer les effets du manque de nourriture car en montagne, un troupeau en attente est un troupeau mort !
Joannes TRAME
Dans la crise qui secoue l'Eglise catholique depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l'oeuvre de Mgr Lefèbvre ne restera pas sans fruit. L'Histoire de l'Eglise le confirmera mais il semble que l'exercice d'équilibriste d'une mouvance catholique traditionnelle conquérante en marge de l'Eglise soit en train de prendre fin. En 1988, en sacrant quatre évêques malgré l'interdiction du pontife, l'évêque courageux mais désobéissant a vraisemblablement semé l'un des plus beaux germes du renouveau de la catholicité. L'enjeu était capital, il s'agissait de préserver le sacerdoce traditionnel. Après plus de 25 ans de dialogue infructueux entre Rome et les autorités de la fraternité Saint Pie X et au terme d'une forme de pourrissement de la crise, force est de reconnaître que les enjeux ont été progressivement déplacés sur le terrain doctrinal pour se cristalliser sur certaines conclusions hasardeuses du Concile Vatican II. C'est donc désormais sur la base du refus romain de reconnaître l'analyse du concile telle que formulée par l'Institut que cette dernière fonde sa détermination à prolonger l'acte originel de désobéissance de 1988.
Les surprises stratégiques fréquentent peu l'Histoire de l'Eglise. Sur le plan doctrinal comme sur le plan organisationnel, la ligne de conduite ne varie guère. Pour tout successeur de l'apôtre Pierre, la mission consiste essentiellement à conduire un seul et même troupeau tout en en confortant inlassablement l'unité. Si l'unité n'interdit pas la diversité, elle ne tolère en revanche que passagèrement la désobéissance. Dans ce contexte, deux hypothèses sont donc à évaluer pour ce qui regarde les perspectives de la Fraternité Saint Pie X: une première consiste à adopter une posture d'attente de la surprise stratégique, celle qui verrait un pape providentiel plier devant l'expertise doctrinale de la fraternité Saint Pie X; c'est la voie qu'emprunte visiblement l'Institut, et une seconde tendrait à poursuivre le débat doctrinal avec Rome tout en acceptant les conditions de réintégration fixées par l'Eglise. En résumé, la deuxième option exigerait un acte d'obéissance authentique.
L'auteur de ces lignes veut placer son espérance dans une hypothèse réaliste, celle de la tradition en marche depuis de nombreuses années au sein même de l'Eglise, celle là même susceptible de contribuer au lent mais nécessaire renouveau de l'Eglise...avec l'humilité, la patience et la douceur qui sied au chrétien comme le rappelle Mgr Di Noia dans sa récente missive aux prêtres de la Fraternité Saint Pie X. Cet évêque a été récemment mandaté par le pape Benoît XVI pour continuer à tendre la main aux brebis égarées, c'est à dire aux instituts et communautés traditionnelles tentés par l'indépendance vis-à-vis du pontife.
• L'involution des butsAussi imperceptible que cela puisse paraître et bien que démenti par l'équipage, le navire « Fraternité Saint Pie X » confirme un net changement de cap et l'adoption d'une stratégie, sinon cohérente du moins extrêmement périlleuse. Poussées à préciser leurs motivations au fil de l'eau, par une Rome alternant douceur et fermeté au cours des deux dernières décennies, les autorités de l'institut sacerdotal ont entamé, presqu' « à l'insu de leur plein gré » serait-on tenté de dire, une forme d'interprétation extensive des objectifs affichés par son fondateur. A bout d'arguments sur les tares comportementales, spirituelles, doctrinales, théologiques, avérées ou réelles mais virant constamment à une forme de diabolisation de la curie romaine, ces autorités ainsi qu'une immense majorité de prêtres se sont progressivement enfermées dans un discours inquisiteur dépourvu de toute charité et d'ouverture sur ce qui pouvait encore se faire, se dire ou s'écrire de bon, de beau ou de bien dans l'Eglise. Embarquées dans cette dialectique, les communautés de fidèles sont de plus en plus travaillées par le phénomène d'endogénéité et se recroquevillent sur elles-même. Le temps n'est plus à l'expansion spectaculaire des années 80. L'incapacité à une quelconque remise en question du discours officiel devient flagrante. L'enjeu n'est plus le sacerdoce, l'enjeu est de sauver l'Eglise ! D'autres communautés traditionnelles ont par ailleurs, depuis 1988, pris le relais expansioniste de ce qu'il est convenu d'appeler « la Tradition », cette fois au sein même de l'Eglise.
La politique américaine en Irak ou en Afghanistan fournit une image de ce type de glissement stratégique qui tend à embourber les forces d'intervention sur un théâtre d'opération. Il s'agit de la dérive ou de l'involution des buts de guerre. Les premières interventions s'inscrivent dans un but clairement affiché tandis que de nouveaux apparaissent toujours plus flous à mesure que les forces d'intervention s'installent et tentent de conquérir le terrain. Sur les théâtres mentionnés, il s'agissait originellement de détruire des terroristes sur leurs lieux de repli (objectif clair) puis progressivement de rétablir l'état de droit et favoriser l'érection d'un nouveau mode de gouvernance étatique suivant un modèle démocratique (objectif flou).
Aussi risquée et salutaire fut l'oeuvre de Mgr Lefèbvre pour le sacerdoce, aussi dangereuse et manipulatrice s'est-elle malheureusement transformée dans les mains de clercs grignotés par l'orgueil, année après année de refus du bras romain aussi ferme que protecteur.
• Tu es PetrusIl est donc urgent que les skippers, les membres d'équipage, les passagers des chaloupes et autres canotiers qui s'inscrivent dans le sillage du navire qui fait fausse route réagissent et incitent fortement le capitaine à redresser la barre. Car le risque est grand d'embourber l'ensemble des troupes dans un funeste isolement de type sectaire, aussi confortable intellectuellement et matériellement puisse-t-il être.
Au delà de la richesse et de la nécessité d'entretenir le débat théologique sur les écarts du Concile Vatican II, l'enjeu semble plutôt clair : il s'agit de raccompagner dans la bergerie romaine quelques centaines de prêtres et milliers de fidèles. Installer ses brebis dans une stratégie d'attente, c'est inexorablement accentuer les effets du manque de nourriture car en montagne, un troupeau en attente est un troupeau mort !
Joannes TRAME