8 mars 2013

[Abbé Aulagnier, ibp - Revue Item] "Je voudrais préciser ma pensée sur la sainte Messe catholique..."

SOURCE - Abbé Aulagnier, ibp - Revue Item - 8 mars 2013

«Déclaration d’honneur»
Je voudrais préciser ma pensée sur la sainte Messe catholique, romaine, dite de Saint Pie V. J’aime cette messe, j’aime son ordre. Dans sa célébration, j’y ai trouvé ma joie de prêtre. Je trouve encore, 40 ans après mon ordination, toujours même joie à la célébrer. Les prières de l’Offertoire ainsi que celles du Canon Romain me ravissent l’intelligence et nourrissent ma piété. Cette messe catholique et romaine me tient dans le droit chemin. Je la veux garder. Elle est une coutume immémoriale. Elle est un droit « éternel » rappelé; dans cette crise de l’Eglise, surtout le 7 juillet 2007. Que craindrais-je ? Elle me garde. Elle m’a gardé. Je la garde. C’est raisonnable. C’est aussi une affaire de piété filiale. Je ne n’oublie pas que je l’ai reçue des mains de Mgr Lefebvre. Voilà, c’est clair. Cela devrait suffire.
«La Messe».
En redonnant à l’Eglise la libre célébration de la messe catholique dite de Saint Pie V, selon le rite consacré par tant de siècles d’usage, vous lui redonnerez – à l’Eglise – toute sa beauté, sa force, son élan missionnaire, toute sa vie. C’est la conviction profonde de toute la Tradition Catholique. C’est la Tradition. C’est l’avis de Mgr Lefebvre

En effet la Messe catholique, -vraiment catholique – est le tout de l’Eglise comme le sacrifice rédempteur fut le tout de Notre Seigneur Jésus-Christ, la raison de sa venue, son « heure», son « œuvre » comme elle est le tout de l’Ancien Testament en tant que la préfigurant, l’annonçant.

Le Saint Sacrifice rédempteur du Christ Seigneur accomplit celui qui fut annoncé, symbolisé, préparé par tous les sacrifices de l’Ancien Testament. Tout l’Ancien Testament est orienté vers la venue du Messie. Tout l’Ancien Testament n’a de sens que dans sa relation au Messie Sauveur et à l’acte théandrique qu’Il devait, un jour, poser au sommet du Calvaire. Il est déjà annoncé, sa finalité est déjà expliquée, dans chant du Serviteur souffrant d’Isaïe (Is 53)

En cet acte sacrificiel, appelé théandrique, parce que divin et humain, le Christ Jésus rendait à Dieu son Père « tout honneur et toute gloire », reconnaissait son domaine souverain et plénier sur toute chose et tout être, et confessait sa parfaite soumission. Il réparait ainsi, de cette façon, dans le sacrifice de sa chair sacrée, l’insubordination et la volonté d’indépendance manifestées par Adam et Eve dans la manducation de la pomme : « Tu ne mangeras pas du fruit de cet arbre ».

En cet acte sacrificiel, le Souverain Seigneur accomplissait et réalisait le plan salvifique de Dieu prévu de toute éternité – et déjà contenu mais non explicité dans l’Ancien Testament. C’est là l’essentiel de la foi. C’est le formel de notre Credo : le mystère de notre foi.

Supprimez le Messie, le Christ, l’Emmanuel, vous enlevez toute raison d’être à l’Ancien Testament. Il n’a plus de sens. Vous ne pouvez en comprendre la moindre ligne. Il devient hermétique, une série d’histoires, de narrations, de prières sans raison, inexplicable sinon dans sa matérialité, dans son historicité. Mais remettez le Christ au cœur de l’Ancien Testament, tout devient lumineux, tout devient sublime. Vous comprenez alors le sens des phrases, le sens de ces histoires, de ces sacrifices, celui d’Isaac par Abraham son Père, préfiguration de celui de Notre Seigneur. Le cours du temps devient limpide. La « sagesse » de Dieu devient explicite, admirable, adorable. Elle se comprend. Elle exprime tout à la fois, même dans l’Ancien Testament, sa justice et sa miséricorde, en tout cas sa bienveillance bienfaisante.

Il en est de même pour la Messe catholique. Enlevez à l’Eglise ce trésor, faites de la Messe catholique un simple mémorial du sacrifice, une simple « narratio institutionis eucharistiae », comme on ose l’écrire de l’ »Institution Generalis » de la Constitution « , Missale Romanum », une simple histoire remémorant le passé, un jour, vous détruisez toute l’Eglise, sa raison d’être, sa finalité, son intelligibilité, son institution, l’institution elle-même, sa hiérarchie, son souverain pontificat. C’est même Luther qui le disait: « Détruisez la messe, vous détruirez la papauté ».

Par contre, redonnez-lui ce Sacrifice, vous redonnez vie à l’Eglise. Elle reprend couleur, force, élan. La Messe catholique est à l’Eglise ce que le sang est à la vie. Enlevez le sang du corps, vous avez en peu de temps un être pâle, exsangue, inerte. Redonnez lui le sang, il reprend vie. De livide, de froid qu’il était, le revoilà chaud et vif.

S’il en est ainsi de la Messe – et il en est ainsi – vous comprenez alors notre attachement à la Sainte Messe dite de Saint Pie V et notre désir de comprendre toujours mieux ce mystère et d’en vivre !
Comment penser et agir autrement ?

Je me souviens d’une conversation que j’ai eu – un jour- avec Mgr Lefebvre. Nous étions en l’année universitaire 1970-1971, peut être au printemps, je n’ai plus en mémoire la date exacte. Nous allions de Fribourg à Ecône. Je le conduisais dans ma modeste 2 CV. Il me parlait de la nouvelle attitude du RP Marie Dominique Philippe au sujet de la messe, de la réforme liturgique.
 
Dieu sait si ce dernier s’était engagé dans la fondation du séminaire à Fribourg. Je le revois encore dans la bibliothèque privée du professeur Faÿ, dans son appartement à Fribourg, rue du Vieux Fribourg. Ils étaient cinq autour de la petite table de la bibliothèque. De la belle fenêtre, un peu moyenâgeuse, nous avions une belle vue sur la Sarine, la rivière qui longe la ville et égaye la campagne. Autour de la table, je revois le professeur, à gauche, Mgr Lefebvre, en face, le Père abbé d’Hauterives, le révérend Père Marie Dominique, devant lui. Un peu en retrait, votre serviteur et Monsieur l’abbé Piquet, un ami du séminaire français à Santa Chiara, que Monseigneur Lefebvre protégeait. C’était en juin 1969. Mgr Lefebvre exposait la situation de l’Eglise, du sacerdoce, la ruine de toute saine formation. Les deux religieux l’encourageaient à faire quelque chose, une fondation. Le révérend Père Marie Dominique, très vibrant était admiratif, enthousiasmé. Il promettait ses services, son soutien. Le Père Abbé l’assurait de son accueil en son abbaye. Le révérend Père Marie Dominique était particulièrement insistant.
 
Ainsi encouragé, Mgr Lefebvre décide de rendre visite à Mgr Charrière et à lui demander l’autorisation de faire en son diocèse, une fondation. Ils se séparèrent. Le RP Marie Dominique, je vois encore la scène comme si c’était hier, salue Mgr Lefebvre avec une affection, une estime, une émotion remarquable. Il se mit promptement à genou, du coude heurta la petite table, se raidit dans sa douleur et embrassa l’anneau épiscopal, voulant montrer ainsi son adhésion, déjà son action de grâces à une telle décision héroïque. Le temps passa. Il tint parole un instant puis finit par douter de l’œuvre, de sa réussite ; à petit pas, se retira, discrètement.
 
La nouvelle messe fut promulguée, la prise de position de Mgr Lefebvre fut connue, rendue publique avant même le 2 juin 1971… Nous ne vîmes plus le bon Père…Et Mgr Lefebvre qui aimait les personnes, qui était fidèle en amitié, se lamentait –non – souffrait et se plaignait de la nouvelle attitude du R P Marie Dominique:» Il ne comprend pas. Ils ne comprennent pas l’importance de la messe. Elle est essentielle à l’Eglise». J’entends encore le ton de sa voix. Vous imaginez si cette phrase est restée dans mon cœur.

Oui, elle est essentielle à l’Eglise. Redonnez la Messe à l’Eglise, vous lui redonnez son âme, sa vie.
 
Redonnez la Messe à l’Eglise, vous lui redonnez sa doctrine. Vous verrez alors de nouveau : « s’étendre le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ en ce monde » (lettre de Mgr Lefebvre à Paul VI, le 17 juillet 1976). Et ce sera aussi la restauration du Droit Public de l’Eglise. Mais le Modernisme n’en veut pas. Il est contre. Ce ne fut pas le sujet particulièrement défendu et aimé de Benoît XVI. Mais il ne dit jamais en public la messe tridentine…

Redonnez la Messe à l’Eglise et vous verrez refleurir les certitudes de la Foi. Les affirmations claires de nos dogmes catholiques sonneront, de nouveau, dans les poitrines des fidèles catholiques : « Tu solus Sanctus, tu solus Dominus, tu solus altissimus Jésu Christe ».

Redonnez la Messe à l’Eglise et ce sera la fin de cet œcuménisme-là, celui pratiqué depuis Vatican II et qui est la raison de toutes les réformes de l’Eglise touchant son dogme, sa structure et particulièrement sa liturgie. Comme le reconnaissait Henri Fesquet dans son « journal du Concile : « la portée œcuménique de la réforme liturgique est évidente » (Cité par l’abbé Celier : dimensions œcuméniques de la reforme liturgique).

Redonnez la Messe à l’Eglise, et vous verrez le sacerdoce catholique restauré et renaître de ses cendres, et les jeunes hommes nombreux monteront, dans cette liberté retrouvée et affirmée, à l’autel célébrer l’acte sublime du sacrifice du Christ. Ils sauront ce que veut dire la « satisfaction vicaire » posée par le Christ en son sacrifice. Ils l’aimeront…Mais c’est ce que ne veut pas le modernisme qui pousse au sacerdoce universel des fidèles, de tout baptisé.

Redonnez vie à la Messe catholique, et vous verrez refleurir « le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ sur les personnes, sur les familles et sur les sociétés civiles (Lettre de Mgr Lefebvre à Paul VI le 17 juillet 1976)

Redonnez la liberté à la Messe catholique et vous rendez –ipso facto- leurs justes conceptions aux idées falsifiées devenues les idoles de l’homme moderne : la liberté, l’égalité, la fraternité, la démocratie. Pourquoi ? Parce que la messe est hiérarchique. Parce que la messe est le mode sublime de l’adoration que tout cœur humain doit à Dieu.

Dom Guillou l’exprime merveilleusement dans son introduction du « livre de la Messe » : « la crise actuelle de la messe, conséquence et cause, à la fois, de la crise générale, est l’occasion de rétablir les bases de l’authentique civilisation catholique,de remettre de l’ordre dans les esprits et par la même, dans la société toute entière ».

Nous touchons ici à l’essentiel. Redonnez sa beauté à la Messe et vous verrez refleurir, au milieu de la hiérarchie, au milieu du sacerdoce et dans le corps des fidèles, la sainteté,la hardiesse de dire non au péché ou de retrouver – au milieu des tentations et de l’agressivité du démon – la force du redressement et de la pénitence par la grâce communiquée.

Redonnez vie à la Messe, Et vous ne reverrez jamais plus des « hiérarques » assister aux cérémonies liturgiques, cultuelles de l’Ancien Testament, aux cérémonies hébraïques, commele firent plusieurs fois, le Cardinal Tauran et le Cardinal Cassidi….

Oui, la Messe est « l’âme de l’Eglise ». Ce n’est pas moi qui le dit, c’est l’Eglise elle-même par la bouche de ses pasteurs suprêmes. C’est Léon XIII qui le dit dans « Mirae cantatis ». C’est Pie XI qui l’affirme, de nouveau, dans « Dum Christum Dominum ».
 
Oui, la Messe est « le point culminant, le centre, la raison d’être souveraine du culte divin », le dû que nous devons à Dieu. (Pie XI, allocution au Consistoire du 23 mai 1923). Et « elle est aussi la source et l’aliment de toute vie surnaturelle ». (Pie XII, Mediator Dei). Oui, elle est « le grand acte du culte divin » ; (Pie XII, Discours du 31 mai 1953). Elle contient « tout le trésor spirituel de l’Eglise ». Elle est enfin « la source pour l’Eglise et le gage de la gloire céleste ».

Vous comprenez pourquoi nous sommes attachés à cette messe, pourquoi nous voulons vivre de cette messe et chercherons toujours à la mieux comprendre.

Aussi, nous lançons un appel « à scruter le mystère de la messe, à méditer sa signification, à mesurer son importance capitale » (p18/19, le livre de la messe. Dom Guillou). C’est seulement par elle et avec elle que nous pouvons rendre à Dieu « tout honneur et toute gloire » et reconnaître le souverain domaine de Dieu sur toute chose et confesser notre parfaite soumission à sa Majesté.

Mais vous comprenez tout autant pourquoi elle est si détestée, si combattue par l’hérétique et le moderniste. Car l’hérétique et le moderniste refusent et ce souverain domaine de Dieu sur toute chose et cette parfaite soumission de son intelligence à la sagesse divine qui a « tout récapitulé dans le Christ », dans son sacrifice dans son sang.

Et c’est ainsi que l’on peut dire que la liberté de la messe dite de Saint Pie V dans l’Eglise est en proportion de la pureté de la doctrine librement exprimée par la hiérarchie catholique. Elle est totale dans le cœur de Mgr Lefebvre. Il s’en fait le juste défenseur. Elle est totale dans le cœur de Mgr de Castro Mayer. Il s’en fait le juste Héraut ; Elle est maintenant totale dans le cœur de Mgr Lazo, des Philippines. Il en redevient son libre apologiste Qui potest capere capiat ».

Et c’est pourquoi tout effort, quel qu’il soit, d’où qu’il vienne, pour rendre à la Messe catholique dite de saint Pie V sa place dans l’Eglise, est digne d’intérêt, de joie et d’attention, de reconnaissance La prudence, bien sur, s’impose après quarante ans d’efforts pour la détruire.

Mais je ne comprends pas l’opposition dont elle est toujours l’objet de la part de l’épiscopat français. Mystère!

Souvenons-nous des paroles de Mgr Lefebvre prononcées au séminaire d’Econe le 7 juillet 1979:
« Le jour où l’on a une église comme celle de Saint-Nicolas du Chardonnet, voyez se précipiter les foules dans Saint-Nicolas du Chardonnet. Imaginez que demain le pape demande aux évêques de nous donner des lieux de culte, de nous donner des églises et que nous ayons Saint-Nicolas du Chardonnet dix fois, vingt fois, trente fois en France, et puis en Allemagne, et puis en Suisse et puis partout… Imaginez la différence, voyez ce que ça ferait ! Ce serait énorme, formidable. Ce ne serait peut-être pas toutes des paroisses comme celles de Saint-Nicolas du Chardonnet, aussi nombreuse, aussi fervente, mais enfin il y aurait cela, des paroisses-témoins dans tous les endroits de la France, dans tout le monde entier il y aurait des paroisses-témoins de la Messe de toujours. Ce serait la renaissance de l’Eglise, c’est sûr. Et après Rome serait obligée de constater les faits. Déjà maintenant ils sont effrayés par cette prolifération des groupes traditionalistes et de ces Messes qui se disent un peu partout. Ils sont effrayés, ils voient bien qu’ils ne peuvent pas arriver à en sortir. Ils ont cru pouvoir en sortir, ils n’en sortent pas. Imaginez s’il y avait seulement un feu vert alors à ce moment-là le Bon Dieu permettrait que le triomphe de sa Messe soit le triomphe du renouveau de l’Eglise aussi et que Rome soit obligée de s’incliner. Nous aurions atteint le but que nous souhaitons : que Rome s’incline une fois devant la vérité et devant la sainteté de la Messe, devant la Tradition. Si le Bon Dieu le veut, Il le fera. Si le Bon Dieu veut que nous souffrions encore, nous souffrirons. Mais je pense que le moyen d’arriver au triomphe de la Messe, ce n’est pas la rupture avec Rome, ce n’est pas de dire qu’il n’y a plus rien à Rome, que nous n’avons plus à remettre le pied à Rome, que nous n’avons plus à discuter, nous n’avons qu’à nous enfermer sur nous, sur notre Messe, sur nos petits groupes et c’est tout. Ça, je suis persuadé que ce n’est absolument pas la volonté de Notre-Seigneur, ce n’est pas l’apostolat, ce n’est pas apostolique, ce n’est pas bien et ce n’est pas ce que le Bon Dieu demande de nous. »