SOURCE - Paix Liturgique - Lettre 467 - 3 décembre 2014
Après la nomination de Mgr Mamberti au Tribunal Suprême de la Signature apostolique comme successeur du cardinal Burke, c’est une joie pour tous les catholiques français de voir un nouveau prélat francophone et francophile à la tête d’un dicastère romain. En effet, au bout d’une longue réflexion, le pape François a finalement désigné le cardinal Robert Sarah, 69 ans, pour succéder au cardinal Cañizares à la tête de la congrégation pour le Culte divin. Le cardinal Sarah, ancien archevêque de Conakry, en Guinée, qui compte parmi les personnalités les plus éminentes du Collège cardinalice, était un prêtre très aimé de saint Jean-Paul II, qui l’avait nommé évêque alors qu’il n’avait que 34 ans. Il était jusqu'à présent Président du Conseil Pontifical Cor Unum.
Après la nomination de Mgr Mamberti au Tribunal Suprême de la Signature apostolique comme successeur du cardinal Burke, c’est une joie pour tous les catholiques français de voir un nouveau prélat francophone et francophile à la tête d’un dicastère romain. En effet, au bout d’une longue réflexion, le pape François a finalement désigné le cardinal Robert Sarah, 69 ans, pour succéder au cardinal Cañizares à la tête de la congrégation pour le Culte divin. Le cardinal Sarah, ancien archevêque de Conakry, en Guinée, qui compte parmi les personnalités les plus éminentes du Collège cardinalice, était un prêtre très aimé de saint Jean-Paul II, qui l’avait nommé évêque alors qu’il n’avait que 34 ans. Il était jusqu'à présent Président du Conseil Pontifical Cor Unum.
Habitué d’Ars et de Solesmes, ami de la Communauté Saint-Martin, le cardinal Sarah répond toujours volontiers aux invitations qui lui sont faites, notamment lorsqu'il s'agit de prêcher des retraites sacerdotales. En 2011, il avait fait forte impression par une homélie qu’il avait précisément prononcée lors d’ordinations conférées pour la Communauté Saint-Martin : « Il n’y a plus de références morales communes. On ne sait plus ce qui est mal et ce qui est bien. [...] Ce qui est grave, ce n’est pas de se tromper ; c’est de transformer l’erreur en règle de vie. […] Si nous avons peur de proclamer la vérité de l’ Évangile, si nous avons honte de dénoncer les déviations graves dans le domaine de la morale, si nous nous accommodons à ce monde de relâchement des mœurs et de relativisme religieux et éthique, si nous avons peur de dénoncer énergiquement les lois abominables sur la nouvelle éthique mondiale, sur le mariage, la famille sous toutes ses formes, l’avortement, lois en totale opposition aux lois de la nature et de Dieu, et que les Nations et les cultures occidentales promeuvent et imposent grâce aux mass-média et à leurs puissances économiques, alors les paroles prophétiques d’Ézéchiel tomberont sur nous comme un grave reproche divin. »
Pour saluer l’arrivée du cardinal, nous avons demandé à quelques personnalités connues pour leur attachement à une plus grande dignité et solennité de la liturgie catholique de réagir à sa nomination. Il s’agit de Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Sainte-Marie-d’Astana, avocat du retour au mode de communion traditionnel, sur les lèvres et à genoux ; de don Nicola Bux, grand vulgarisateur de la « réforme de la réforme » voulue par Benoît XVI ; de Joseph Shaw, président de la Latin Mass Society anglaise, professeur à Oxford et père de six enfants ; et de Giuseppe Capoccia, délégué général du Cœtus Internationalis Summorum Pontificum, organisateur du pèlerinage du peuple Summorum Pontificum à Rome.
I – LA RÉACTION DE MGR SCHNEIDER
Mgr Schneider, qui sera en région parisienne du 6 au 9 décembre (1) pour présenter Corpus Christi son livre sur « la communion dans la main au cœur de la crise de l’Église », a eu la gentillesse de nous répondre depuis le Brésil où il était également invité pour le lancement de l’édition en portugais de son dernier ouvrage.
« Le cardinal Sarah a visité à deux reprises le Kazakhstan. Durant ces visites j’ai eu l’occasion de le côtoyer de près en lui servant d’interprète en russe. J’ai vu un homme de Dieu, d’une grande vie intérieure, un homme simple et digne, d’une authentique humilité. Ses sermons et ses paroles alliaient clarté conceptuelle, précision doctrinale et profondeur spirituelle. J’ai personnellement été édifié par l’exemple donné par le cardinal.
Je souhaite que [à la tête de la congrégation pour le Culte divin] le cardinal Sarah puisse donner une contribution efficace au vrai renouvellement de la vie liturgique de l’Église selon la devise de saint Jean-Paul II : duc in altum ! C’est-à-dire qu’il entraîne la pratique de la liturgie vers les sommets de la sacralité. »
+ Athanasius Schneider, évêque auxiliaire de Sainte-Marie-d’Astana
II – LA RÉACTION DE DON NICOLA BUX
« L’homme qui prie est l’homme par excellence. Le culte est l’acte le plus grand que nous puissions accomplir car il nous relie à notre origine, à Celui qui est le créateur et le sauveur de l’homme. Le culte catholique souffre aujourd’hui d’un déséquilibre entre sa forme communautaire, qui s’est accrue de façon démesurée après le concile, et sa forme personnelle, réduite à néant précisément par cet excès de communautarisme qui étouffe toute participation pieuse. Voici l’un des problèmes que le cardinal Sarah devra affronter en tant que Préfet du Culte divin. […]
Le culte sert à mettre l’homme en présence de Dieu, c’est sa mission : permettre la rencontre de Dieu, rencontre qui n’a plus rien d’évident à notre époque marquée par la déchristianisation. La réaction de Pierre, qui s’écrie « éloigne-toi de moi, parce que je suis pécheur », nous montre bien combien la présence divine est à la fois proche de nous et nous dépasse. La liturgie est sacrée parce qu’elle nous met en présence de Dieu. Or, comme l’a écrit Benoît XVI, cette dimension sacrée semble avoir disparue, au profit d’une liturgie-spectacle – “litur-tainment” comme on l’appelle aux États-Unis – qui pousse de nombreux fidèles, en particulier les jeunes, à se tourner vers la majesté du rite byzantin ou la sobriété de la liturgie romaine traditionnelle pour retrouver le sens du mystère. De nombreux évêques prennent conscience de ce phénomène qui marque un changement de génération et nourrit un nouveau mouvement liturgique dont la congrégation pour le Culte divin doit et devra toujours plus tenir compte. »
Don Nicola Bux, consulteur de la congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements
III - LA RÉACTION DE JOSEPH SHAW " Chairman of the LATIN MASS SOCIETY"
Président de la Latin Mass Society, une institution dans le paysage catholique britannique, Joseph Shaw est notamment le prolifique pourvoyeur des "notes de principe" de la Fédération internationale Una Voce. Il nous éclaire sur ce qui attend le cardinal Sarah à la tête du Culte divin.
« Sous Paul VI et saint Jean-Paul II, le Culte divin a émis une série de condamnations d’abus liturgiques tout en en laissant passer d’autres, comme la communion dans la main ou le recours aux jeunes filles comme enfants de chœur. Les partisans du respect des normes liturgiques avaient la tâche impossible de défendre une série de règles soudainement et quasi universellement bafouées tout en sachant que la congrégation pouvait décider de les abandonner à tout moment.
Sous Benoît XVI a émergé un nouveau phénomène : une génération de prêtres et d’évêques, souvent marquée par la messe traditionnelle, n’entendait plus seulement combattre les abus mais bien resacraliser la liturgie. Ce vaste mouvement s’est très vite confronté aux limites de ce que permet la forme ordinaire. Je pense à la récitation silencieuse du Canon par exemple, vivement encouragée par le Cardinal Ratzinger dansL’Esprit de la Liturgie et fortement souhaitée par les prêtres, mais non prescrite dans la liturgie réformée.
Avec l’avènement du pape François, les restaurateurs n’ont pas disparu et il est difficile de contester l’existence d’une dynamique désireuse d’accroître aussi bien le sens du sacré dans la forme ordinaire que la disponibilité de la forme extraordinaire. Le cardinal Sarah se retrouve avec le problème de savoir comment encourager et guider ce projet sans rallumer la guerre liturgique dans les paroisses. »
Joseph Shaw, Latin Mass Society
IV – LA RÉACTION DE GIUSEPPE CAPOCCIA (COETUS INTERNATIONALIS SUMMORUM PONTIFICUM)
« Je ne connais malheureusement pas le cardinal Sarah. Pas encore du moins car, désormais, j’aurai certainement l’occasion de lui présenter nos activités et de lui demander sa bénédiction. Nous avions souhaité permettre aux prêtres et séminaristes du pèlerinage de le rencontrer pour deux raisons : tout d’abord, parce qu’il était à la tête de Cor Unum, l’organisme qui gère les œuvres de charité internationale du Saint-Père et qui se trouve, à ce titre, en première ligne dans le soutien aux communautés catholiques martyrisées du Moyen-Orient ; ensuite, parce que nous savions qu’il était un homme d’une foi profonde, convaincu que le meilleur gage de l’unité de l’Église c’est l’union intime de chaque catholique avec Dieu. Or cette union intime avec Dieu se nourrit de la prière privée mais aussi publique des fidèles, dans l'une comme l'autre forme du rite romain. En ce sens, nous sommes gré au pape de cette nomination qui devrait nous permettre d’avancer encore sur le chemin de la paix et de la réconciliation défriché sous Jean-Paul II, clairement balisé sous Benoît XVI et qu'il confirme aujourd'hui. »
Giuseppe Capoccia, CISP
V – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) Premier pape dont toute la vie sacerdotale et liturgique s’est déroulée à l’aune de la liturgie réformée, François n’a ni la culture ni la sensibilité de ses prédécesseurs, et notamment de Benoît XVI, en matière de célébration du culte divin. La nomination du successeur du cardinal Cañizares au poste de « ministre de la liturgie » du pape était donc attendue avec intérêt aussi bien chez les conservateurs que chez les modernes. Le Saint-Père a choisi la voie de la paix, de la continuité et de la compétence : la paix et la continuité parce que le cardinal Sarah était le successeur souhaité par le cardinal Cañizares ; la compétence parce que, comme en témoigne le sermon précédemment cité, donné à la Communauté Saint-Martin en 2011, le nouveau Préfet du Culte divin est intimement pénétré du mystère eucharistique.
2) On notera qu’un autre cardinal africain, le cardinal nigérian Arinze, a déjà exercé les fonctions de Préfet de la Congrégation pour le Culte divin (il succédait au cardinal chilien Medina et a précédé le cardinal Cañizares). Lui aussi était connu comme un partisan non pas d’une réforme de la réforme, mais d’une célébration digne de la liturgie réformée et de sa cohabitation harmonieuse avec la forme extraordinaire. Il attachait notamment une grande importance à la qualité des traductions en langues vulgaires et a été à l'origine de la révision de la plupart des traductions liturgiques dans un sens plus conforme à la tradition et au dogme.
3) « Vous serez un grand évêque africain, comme saint Augustin, si vous demeurez un homme de Dieu, un mystique et un ami de Dieu, celui qui se tient constamment devant Dieu dans une attitude d’amour filial, d’adoration, de contemplation, de face-à-face avec Dieu, comme Moïse. Qu’est-ce qu’un évêque, sinon un ami de Dieu ? Son cœur est totalement uni au cœur de Dieu. Son être, sa vie, son travail, ses projets n’ont de sens et de consistance qu’en Dieu. Il vit pour Dieu, par Dieu et en Dieu. L’évêque est vraiment l’ami de Dieu. Il doit conduire le peuple chrétien sur les sentiers du temps et dans son pèlerinage vers l’éternité. Il doit conduire toutes les âmes de bonne volonté à faire l’expérience de Dieu et à vivre pleinement et intensément une authentique amitié avec Lui. » Ces lignes, extraites de l’homélie prononcée par le cardinal, alors Secrétaire de la Congrégation Pro Propaganda Fide, pour l’ordination épiscopale d’un évêque camerounais en 2008 illustrent parfaitement l’appréciation portée sur le cardinal Sarah par Mgr Schneider et tous ceux qui le connaissent. Gageons que face aux défis que signalent don Nicola Bux et Joseph Shaw dans leurs commentaires, la profondeur spirituelle et la clarté d’expression du cardinal seront des charisme importants. En effet, depuis la réforme conciliaire, c’est plus par leur exemple personnel que par l’autorité de leur dicastère que les préfets du Culte divin ont pu défendre la sainteté de la liturgie catholique.
4) Parmi les échos que nous avons recueillis sur le cardinal Sarah, si une influence majeure semble marquer la spiritualité du cardinal, c'est bien celle de la vie bénédictine. Lorsqu'il était archevêque de Conakry, Mgr Sarah avait permis la fondation de l’abbaye Sainte-Croix-de-Friguiagbé, fille de Sainte-Marie-de-Maumont (Charente) et voulu la fondation d’une fille de Keur-Moussa (Sénégal), Saint-Joseph-de-Séguéya. Connu pour son amitié envers Solesmes, le cardinal est un fin connaisseur du chant grégorien, une qualité là encore bienvenue pour un Préfet du culte divin.
5) Prions donc pour que le cardinal Sarah, homme d'écoute et d’équilibre, nous permette comme le souhaite Giuseppe Capoccia : « d’avancer encore sur le chemin de la paix et de la réconciliation ».
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(1) Conférence à Versailles samedi 6 décembre à 20h30. Messe puis conférence dimanche 7 décembre à 10 heures à Villepreux lors de la vente de livres organisée par Renaissance catholique. Messe solennelle à Port-Marly lundi 8 décembre à 19 heures pour l'Immaculée-Conception. Enfin, conférence à Paris mardi 9 décembre à 20h30.