7 octobre 2015

[Abbé Henry Wuilloud - Le Rocher - FSSPX Suisse] Journal de route du District de Suisse

SOURCE - Abbé Henry Wuilloud - Le Rocher (n°97) - FSSPX Suisse

5 juillet 2015
Derrière la broussaille de la barbe du nouvel ordonné, se trouve un capucin valaisan. Il n’a plus voulu être un grand sportif sinon sous la formule paulinienne : « Pour moi, je cours aussi, mais non comme au hasard, je châtie mon corps et le réduis en servitude. »[1] Dans ce sport-là, les capucins sont des athlètes de haut vol et nous admirons beaucoup ces exercices qui les rendent si musclés, spirituellement parlant bien entendu.

La première Messe solennelle a été célébrée à Ecône, avec le prédicateur faisant le panégyrique de Maman Marguerite, mère du saint pape Joseph Sarto, Pie X. C’est en effet l’action bénéfique des mères qui ouvre les cœurs de leurs enfants à la grâce de la vocation… pas toujours, mais très souvent ! La famille, les amis et le giron traditionnel se sont retrouvés pour la non moins traditionnelle agape à Chamoson. Et dans ce chaud après-midi dominical, sereinement, joyeusement, on transpira.
13 au 18 juillet 2015
Vacances entre abbés. Le but n’est pas ici de vous décrire nos sorties et ascensions, il y aurait trop à dire, et aussi nous préférons garder nos beaux souvenirs pour nous.

Nous étions avec l’abbé Biselx dans la chapelle Saint-Georges dominant la vallée. Lieu de pèlerinage à l’époque, surtout pour ceux qui souffraient de mal de dent. S’ils montaient à genoux jusqu’au sanctuaire, ils étaient sûrs de trouver le soulagement attendu. A l’intérieur, une belle fresque montrant les rois mages devant la Sainte Famille, et cela devant un fond de hautes montagnes et des gens du pays en costume. Il est vraiment très satisfaisant et bienfaisant pour nous de pouvoir offrir le saint Sacrifice dans de tels lieux. Cela nous manque : nos belles églises et chapelles n’ont pas cette odeur d’antique, alors à chaque fois que nous le pouvons, c’est que du bonheur !
2 août 2015
Tâche pas très agréable, mais il me faut aller à Bâle faire quelques annonces, qui n’auront certainement pas l’heur de plaire à tous. En effet le district perd trois prêtres pour l’apostolat : raison de maladie, raison de repos, et raison de choix personnel ! Alors c’est la douloureuse qui apparaît ! Il nous faut prendre la décision de fermer le prieuré de Bâle et de desservir la paroisse depuis Rickenbach. Pour bien des fidèles c’est la douche froide. Mais il faut comprendre que lorsqu’il n’y a plus assez de membres dans un prieuré, mieux vaut le fermer que de laisser juste un ou deux confrères seuls. Car là débute le danger de tout perdre. Est-ce une situation provisoire ou définitive ? Nous n’en savons trop rien actuellement, bien que l’espérance reste de pouvoir remettre en fonction le prieuré. Mais est-ce que nous aurons des ordinations ces prochains temps ? Combien de séminaristes arriveront au bout de leur vocation ? Non lo so.
9 août 2015
Lorsqu’ils arrivent, on reconnaît rapidement celui qui connaît les lieux. L’ancien montre dans sa moue, qu’il est en terrain conquis. Le nouveau jette des petits coups d’œil ici et là, en tentant de dissimuler qu’il débarque ! C’est la rentrée à Wangs, quelle joie et quelle motivation ! Ou peut-être le contraire : dies irae dies illa ! lors duquel il faut se remettre au travail, à l’étude, à l’ordre. Bien sûr, il y a les amis et les belles sorties, mais on est loin des libertés que le monde nous propose…

Une seule chose à dire, mais ce dilemme nous l’avons tous, tout le temps. Cette lutte est commune aux hommes. Et si quelquefois l’enfance permet de ne pas trop le remarquer, dès l’adolescence et ensuite dans la vie adulte, cela devient ordinaire. Cette lutte révolte certaines natures faibles, qui se sentent comme prises au piège de la vie !« Quoique je fasse, diront-elles, il me faudra souffrir et peiner, et cela m’est insupportable. » Elles se sentent injustement victimes de la vie ! Et pourtant rien de plus normal, l’homme est environné de misères inhérentes à son état actuel. Et son état actuel est d’être déchu, depuis Adam les hommes sont dans la déchéance.

Si ce n’est pas facile à vivre, il reste, au moins, une profonde espérance d’y échapper par la grâce.

Découvrir la grandeur de l’homme… une créature qui peut vivre en symbiose avec son Dieu. Prendre conscience de cette gloire qui nous est proposée ! Et où peut-on apprendre cette science ? Dans les lycées et les écoles du monde ? Au milieu des païens et des apostats ? Ce chemin de la sainteté n’est pas voulu ou choisi par le monde, il faut bien que quelque part on puisse le trouver, le suivre et obtenir le but. N’est-ce pas dans une école catholique qui ose aller franchement à contre-courant ? Que cette année scolaire débute donc et que le courage soit au rendez-vous !
14-15 août 2015
Passage dans un lieu idyllique pour visiter un nouveau Sacro Monte. Celui d’Orta domine un petit lac encerclant une toute petite île. Mais il faut s’y arrêter et prendre un peu de temps. Ceux qui ont bâti ces différentes chapelles voulaient se mettre en contact avec l’éternité et non pas « japoniser » le lieu, ce qui veut dire trois photos et puis s’en va.

Toujours dans l’air du XVIe siècle qui veut réagir contre le protestantisme, les Sacri Monti tentent de mettre sous les yeux, de rendre sensibles les épisodes importants de la vie du Christ, ou de la Vierge Marie, ou d’un saint. A Orta, c’est une vingtaine de chapelles qui évoquent la vie de saint François d’Assise, avec des personnages grandeur nature, dont les modèles venaient des villages voisins. On imagine que cela a dû plusieurs fois soulever quelques sarcasmes, surtout lorsque le modèle servait pour manifester un certain vice.

Si l’on décide de prendre le bateau, on arrivera facilement à l’île. Pas grand-chose à voir, sinon l’église qui est très belle. Jules et Julien, deux frères, le premier prêtre, le deuxième diacre, à l’époque de l’empereur Théodose, sous l’impulsion de ce dernier partirent en mission dans les contrées plus reculées du pays et allèrent prêcher la bonne nouvelle dans les régions des lacs du nord de l’Italie. Leur tombe est encore là, dans la crypte de l’église, avec quelques souvenirs de leurs miracles peints sur les murs du sanctuaire. C’est de l’Italie comme on l’aime.

Découvrir de telles merveilles nous laisse pantois devant la capacité au kitsch qu’ont beaucoup d’Italiens. Statues et chapelets en plastique ne leur posent aucun problème, alors que le pays avec son histoire et sa culture est tellement vrai et réel.
22-23 août 2015
Personne, il me semble, ne s’est trompé. Tous étaient à Sachseln au pied du grand saint Nicolas de Flüe, pour débuter le pèlerinage à pied. Et, magnifique, on n’est pas loin des 400 personnes ! Dire qu’il y a encore dix ans, on se retrouvait à peine à 150 fidèles ; on peut constater que le pèlerinage a pris de la vigueur. On est d’ailleurs passé à quatre chapitres. L’étroitesse du précédent chemin ne permettait guère la prédication et parfois même la prière, tellement la colonne s’allongeait, si bien que nous avons tenté de sortir des sentiers battus. Pas très traditionnel, comme procédé. Il y aura ainsi des déçus et des satisfaits, impossible d’emporter l’unanimité dans de telles décisions. Mais de fait, ce n’est pas si important. Nous avons opté pour une boucle qui nous fait passer dans le village de Kerns et nous fait aller jusqu’à la chapelle de Notre-Dame des sept chênes[2] qui est due au fameux sanctuaire hongrois de la Mère des Douleurs de Pócs (en Hongrie), où en 1696 la Mère de Dieu s’est mise à pleurer. Ici c’est une copie de l’année 1722. Une Vierge qui pleure, c’est toujours très poignant, car en général ce sont nos péchés qui en sont la cause.

Deux capucins nous accompagnent et nous délivrent quelques réflexions sur le chemin du Ranft. Un nous célébra une première Messe tardive comme le veut la coutume pour les nouveaux prêtres suisses. Et le deuxième célébra la Messe du jour à minuit.

Nous sommes revenus à plusieurs reprises sur le sujet de cette année : un certain synode et la famille catholique. Depuis un certain concile, la morale catholique a plus ou moins survécu au chaos. Les derniers papes n’ont pas osé aller contre l’évidence de la loi naturelle, contre ce qui était encore profondément ancré dans les consciences chrétiennes. Mais voilà, l’autorité du Christ étant devenue relative, la pression du monde s’est amplifiée, aussi c’est le moment de toucher à ce magnifique trésor qu’est le mariage entre un homme et une femme et surtout à la valeur sacramentelle de cette union chez deux baptisés.

On va mettre la personne humaine au centre et on va contempler ses problèmes ! Puis on va essayer avec une miséricorde bien particulière de trouver des solutions pour elle. Ce ne serait pas faux en soi, seulement on ne résout plus les problèmes avec les principes de toujours mais avec son cœur… ce qui est assez pauvre ! Les problèmes de l’homme sont pourtant toujours les mêmes ; depuis le péché originel l’homme est profondément charnel. La plupart des religions ont adapté leur doctrine à cette faiblesse de notre pauvre nature, seule l’Église catholique n’a jamais transigé sur le mariage et son caractère sacré. Notre religion est déjà pour ce seul aspect absolument admirable et magnifique ! Nous avons proposé aux fidèles que durant le déroulement du synode, chacun dise une dizaine de son chapelet avec cette intention : donner la lumière du Saint-Esprit aux pères synodaux.
25-26 août 2015
Changement de décor, mais pas d’époque ! Il m’est demandé d’accompagner des jeunes filles de la compagnie Jeanne d’Arc à Domrémy. Un petit Suisse pour la grande Lorraine ! Saint Nicolas de Flue naît juste cinq ans après la Pucelle, mais il vivra plus longtemps. Il faut dire qu’il n’a pas été trahi comme a pu l’être cette forte jeune fille. Ce qui ne m’aide pas à vénérer les rois de France. Charles VII qui a tout reçu d’elle, jusqu’à sa couronne, la laissera tomber, son orgueil ne pouvant, semble-t-il, supporter de tout devoir à cet être fragile ! Mais c’est pourtant elle qui est mère de la nation française, et c’est cette notion de maternité qu’il me semblait intéressant de transmettre à ces jeunes filles ; montrant que dans toutes les vocations, chaque femme est indissociablement liée à donner la vie.

Une belle joie fut de pouvoir célébrer la Messe de sainte Jeanne dans le village même qui a vu son enfance.

HW
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[1] 1 Cor. 9 / 24 à 27.
[2] Mutter Gottes von Siebeneich.